Les aventures de Télémaque suivies des aventures d'Aritonoüs. François Fénelon

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Les aventures de Télémaque suivies des aventures d'Aritonoüs - François Fénelon


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de La Mothe- Fénelon

      Les aventures de Télémaque suivies des aventures d'Aritonoüs

      NOTICE SUR FÉNELON

ET LE TÉLÉMAQUE

      François de Salignac de la Mothe Fénelon naquit le 6 août 1651 au château de Fénelon, dans le Périgord. Après avoir fait ses premières études au milieu de sa famille, il alla terminer ses humanités à l'université de Cahors, et étudier la philosophie à Paris, au collège Du Plessis. On rapporte que, comme Bossuet, il fit éclater un jour dans les exercices de l'école l'éloquence qui devait plus tard l'illustrer.

      Au sortir du séminaire de Saint-Sulpice, à peine âgé de vingt-quatre ans, il songe à se consacrer aux missions du Canada: on l'en détourne; son imagination le porte aussitôt vers la Grèce et le Levant; mais la faiblesse de sa santé et les conseils de ses supérieurs le retiennent en France. Il est chargé de la direction des Nouvelles-Catholiques, couvent de jeunes protestantes récemment converties, et demeure pendant dix ans à la tête de cette institution. C'est là qu'il conçut et composa son premier ouvrage, le traité de l'Éducation des filles. Mais il ne le publia que quelques années plus tard (1687).

      Lors de la révocation de l'édit de Nantes (1685), une mission lui fut confiée dans la Saintonge et l'Aunis; on offrait de prêter à son zèle apostolique le Secours des dragons du roi; Fénelon refusa de s'appuyer sur la terreur des armes, et il eut la joie d'opérer sans leurs concours de nombreuses conversions.

      Fénelon était arrivé à l'âge de trente-huit ans; l'éclat de son éloquence, qui s'était déployée dans sa mission en Saintonge et dans son célèbre Sermon pour la fête de l'Epiphanie, ses vertus, et l'estime qu'il avait inspirée aux plus hauts personnages de la cour et de l'Église, tout le désignait pour l'épiscopat où pour une autre fonction éminente. Le lendemain du jour où le duc de Beauvillier fut nommé gouverneur du duc de Bourgogne (1689), Fénelon se vit appelé auprès du jeune prince en qualité de précepteur, comme Bossuet l'avait été auprès du dauphin. Le duc de Bourgogne annonçait les plus mauvaises dispositions: c'était un caractère dur, emporté, opiniâtre, hautain, incapable de souffrir la moindre résistance à ses caprices; mais son esprit était juste et son intelligence très-vive. C'était peu pour Fénelon de développer les qualités de son élève: il entreprit de dompter l'humeur farouche du jeune prince, et il en vint à bout; mais ce ne fut pas sans efforts et sans luttes: il annonça même un instant à son élève l'intention de renoncer à une éducation si pénible. Enfin, tel fut l'ascendant qu'il sut exercer sur le duc de Bourgogne, en s'adressant à la fois à son esprit et à son cœur, qu'il devint maître de cette nature rebelle et la transforma au gré de ses désirs. Cette impétuosité se changea en douceur, cette fierté en modestie, cette opiniâtreté en soumission, et presque en faiblesse.

      Nous devons à l'éducation du dauphin par Bossuet quelques-uns des ouvrages les plus remarquables de l'évêque de Meaux, par exemple, le Discours sur l'histoire universelle et le traité de la Connaissance de Dieu et de soi-même: comme Bossuet dont il était déjà l'émule, Fénelon composa pour son élève plusieurs écrits qui sont des modèles, et qui restent comme consacrés à l'éducation de l'enfance et de la jeunesse: les Fables, les Dialogues des morts, le Télémaque. Aucun de ces livres, ce dernier moins que tout autre, n'était destiné à la publication.

      Les heureux résultats obtenus par Fénelon dans l'éducation du duc de Bourgogne, joints à sa réputation d'éloquence, lui valurent, en 1693, une place à l'Académie française, et en 1695, l'archevêché de Cambrai. A peine venait-il d'être sacré par Bossuet, son protecteur et son ami, qu'une fâcheuse querelle théologique désunit et irrita l'un contre l'autre deux hommes que la postérité confond dans une égale admiration. L'âme tendre de Fénelon s'était laissé séduire par certaines rêveries mystiques, et lui avait inspiré un livre dont l'orthodoxie parut suspecte, les Maximes des saints (1697). Bossuet déféra ce livre à la cour de Rome; mais les rigueurs du roi précédèrent l'arrêt qui devait le condamner. Fénelon fut éloigné de la cour ainsi que du prince son élève, et relégué à Cambrai. Il s'éloigna sans se plaindre, et montra dans sa retraite la plus grande dignité. Soumis et résigné, il s'inclina devant la censure qui ne tarda pas à frapper les Maximes des saints, et abjura ses erreurs dans un mandement plein d'une humilité touchante.

      Bientôt un nouveau coup vint accabler Fénelon et rendre sa disgrâce irrévocable. Il avait composé une espèce de roman ou de poëme épique en prose, les Aventures de Télémaque. Dans sa pensée, ce livre était destiné au duc de Bourgogne, et son intention était sans doute de l'offrir au prince vers l'époque de son mariage, comme complément et comme souvenir de l'éducation qu'il lui avait donnée. Un domestique infidèle, chargé de recopier le Télémaque, en prit à la dérobée une autre copie, qu'il vendit à un libraire (1700). Aussitôt, grand scandale; la malignité s'empare de ce livre, l'interprète, le commente et le torture de façon à y trouver à chaque page la satire de Louis XIV. Le roi, déjà prévenu contre Fénelon, prête l'oreille aux dénonciateurs, auxquels semble donner raison le succès du Télémaque en Hollande, en Angleterre, chez tous les ennemis de Louis XIV et de la France. C'en fut assez pour faire écarter à jamais Fénelon de la cour.

      Sans doute Louis XIV n'avait pas tort de voir dans le Télémaque la condamnation de sa politique; mais il ne faudrait pas croire que Fénelon ait eu pour but de faire des portraits satiriques du roi et de tel ou tel de ses ministres. C'est une imputation qu'il a toujours, jusqu'à son lit de mort, désavouée comme une calomnie; et il mérite d'être cru, lorsqu'il dit dans un mémoire manuscrit daté de 1710, et adressé au P. Letellier, confesseur du roi: «Il aurait fallu que j'eusse été non-seulement l'homme le plus ingrat, mais encore le plus insensé, pour vouloir faire dans le Télémaque des portraits satiriques et insolents. J'ai horreur de la seule pensée d'un tel dessein. C'est une narration faite à la hâte, à morceaux détachés… Je n'ai jamais songé qu'à amuser le duc de Bourgogne par ces aventures, et à l'instruire en l'amusant, sans jamais vouloir donner cet ouvrage au public. Tout le monde sait qu'il ne m'a échappé que par l'infidélité d'un copiste. J'ai mis dans ces aventures toutes les vérités nécessaires pour la gouvernement, et tous les défauts qu'on peut avoir dans la puissance souveraine; mais je n'en ai marqué aucun avec une affectation qui tende à aucun portrait ni caractère; plus on lira cet ouvrage, plus on verra que j'ai voulu dire tout, sans vouloir peindre personne de suite.» Le véritable dessein de Fénelon, en composant le Télémaque, c'était de donner à un jeune prince, qui pouvait être appelé au trône, des conseils sur l'art de régner: or Fénelon n'avait pas tout à fait sur cet art les mêmes idées que Louis XIV et Bossuet.

      Ces idées, Fénelon les avait déjà exposées dans une Lettre adressée à Louis XIV en 1693, qui contenait plus d'une remontrance sur la politique suivie par le roi et par ses ministres; et c'est même la ressemblance entre quelques passages de cette lettre et divers passages du Télémaque qui donnait à ce dernier livre l'apparence d'une irrespectueuse témérité. Pour perdre l'archevêque de Cambrai dans l'esprit de Louis XIV, il suffit de lui montrer ce qui est dit dans la lettre de 1693 sur «les ministres qui ont accoutumé le roi à recevoir sans cesse des louanges outrées qui vont jusqu'à l'idolâtrie», et dans le Télémaque le portrait d'Idoménée, «que la flatterie avait empoisonné, et qui n'avait pu, même dans ses malheurs, trouver des hommes assez généreux pour lui dire la vérité»; d'un côté, la censure de l'amour du roi pour la guerre, tandis que «les peuples meurent de faim»; de l'autre, ce même Idoménée, qui, «entièrement tourné à la guerre, voudrait toujours la faire pour étendre sa domination et sa propre gloire, et ruinerait ses peuples»; là, le roi, qui, dans ses conquêtes «a préféré son avantage à la justice et à la bonne foi»; ici, la peinture d'Adraste, «prince violent, qui ne connaît que son intérêt, et qui ne perd aucune occasion d'envahir les terres des autres États, qui se fait rendre les honneurs divins,» etc., etc., enfin, dans la Lettre ce passage: «Je sais bien que, quand on parle avec cette liberté chrétienne, on court risque de perdre la faveur des rois; mais cette faveur est-elle plus chère que votre salut?» et, dans le Télémaque, ce propos de Mentor à Idoménée: «J'aimerais mieux vous déplaire que de blesser la vérité.»

      Retiré dans son diocèse, Fénelon s'y fit admirer et chérir; son ardente charité le consola des déceptions d'une ambition qui n'avait rien que de légitime. Il y eut cependant un moment où il put se Croire appelé à devenir premier ministre: c'est lorsque la mort du dauphin (1711) sembla réserver le prochain héritage de


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