Œuvres complètes de Gustave Flaubert, tome I (of 8). Gustave Flaubert

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Œuvres complètes de Gustave Flaubert, tome I (of 8) - Gustave Flaubert


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      Œuvres complètes de Gustave Flaubert, tome I (of 8) / Madame Bovary; Édition définitive d'après les manuscrits originaux

NOTE DE L'ÉDITEUR

      Depuis la mort de Gustave Flaubert, sa gloire littéraire n'a cessé de s'accroître. Une pleine justice lui a été rendue et il occupe aujourd'hui sa place, légitimement consacrée, au premier rang des prosateurs de ce siècle.

      Le moment était opportun pour réunir ses œuvres complètes en une édition définitive. Nous la publions dans le format classique des bibliothèques.

      En avril 1857, Madame Bovary parut, pour la première fois en volume, chez MM. Michel Lévy frères, après sa publication dans la Revue de Paris. Les mêmes éditeurs firent paraître, en 1863, Salammbô et, en 1870, l'Éducation sentimentale. La Bibliothèque Charpentier édita, en 1874, la Tentation de Saint Antoine et le Candidat, puis les Trois Contes en 1877. Bouvard et Pécuchet parut chez M. Lemerre en 1880. Le Château des cœurs fut publié, la même année, par la Vie moderne.

      En réunissant ces divers ouvrages, il convenait d'en opérer une revision scrupuleuse sur les textes originaux. La préoccupation du style, le souci des moindres détails était la passion de Flaubert. Dans la saisissante étude placée par M. Guy de Maupassant en tête de notre volume de Bouvard et Pécuchet, cette tendance ressort en pleine lumière et nous devions avant toutes choses en avoir le respect.

      Nous savions que Gustave Flaubert avait laissé à sa nièce, Mme Commanville, tous les manuscrits de ses ouvrages, dans la forme arrêtée par lui. Leur confrontation avec les dernières éditions était évidemment le meilleur moyen de découvrir, le cas échéant, les fautes que nous avions à cœur d'éviter, et M. Léon Dierx, de concert avec les amis et les héritiers du maître, a bien voulu se charger de cette revision délicate.

      Ce travail a été fructueux autant qu'il était indispensable, car des différences se sont révélées çà et là, les unes manifestement erronées, les autres permettant encore le doute. Les plus petites altérations ont pu être rectifiées par une entente mutuelle et nous publions aujourd'hui un texte rétabli dans sa plus grande pureté.

      Il nous a semblé aussi que, pour les compositions historiques, c'est-à-dire pour Salammbô, la Tentation de Saint Antoine, la Légende de Saint Julien l'Hospitalier et Hérodias, un Glossaire expliquant certains mots et certains noms peu connus pourrait satisfaire la curiosité du lecteur.

      Enfin, nous avons réuni, sous le titre de Mélanges, plusieurs fragments d'œuvres de jeunesse tout à fait inédites et d'un intérêt incontestable.

      Nous avons donc entouré de toutes les garanties nécessaires pour la rendre ne varietur l'Édition définitive que nous offrons au public. Nous publierons ultérieurement, sous forme d'œuvres posthumes, la Correspondance du maître.

      Avril 1885.

AMARIE-ANTOINE-JULES SENARDMEMBRE DU BARREAU DE PARIS EX-PRÉSIDENT DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE ET ANCIEN MINISTRE DE L'INTÉRIEUR

      Cher et illustre ami,

      Permettez-moi d'inscrire votre nom en tête de ce livre et au-dessus même de sa dédicace, car c'est à vous surtout que j'en dois la publication. En passant par votre magnifique plaidoirie, mon œuvre a acquis pour moi-même comme une autorité imprévue. Acceptez donc ici l'hommage de ma gratitude, qui, si grande qu'elle puisse être, ne sera jamais à la hauteur de votre éloquence et de votre dévouement.

GUSTAVE FLAUBERT.

      Paris, 12 avril 1857.

      PREMIÈRE PARTIE

      I

      Nous étions à l'étude, quand le proviseur entra, suivi d'un nouveau habillé en bourgeois et d'un garçon de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva, comme surpris dans son travail.

      Le proviseur nous fit signe de nous rasseoir, puis, se tournant vers le maître d'étude:

      – Monsieur Roger, lui dit-il à demi-voix, voici un élève que je vous recommande, il entre en cinquième. Si son travail et sa conduite sont méritoires, il passera dans les grands, où l'appelle son âge.

      Resté dans l'angle, derrière la porte, si bien qu'on l'apercevait à peine, le nouveau était un gars de la campagne, d'une quinzaine d'années environ, et plus haut de taille qu'aucun de nous tous. Il avait les cheveux coupés droit sur le front, comme un chantre de village, l'air raisonnable et fort embarrassé. Quoiqu'il ne fût pas large des épaules, son habit-veste de drap vert à boutons noirs devait le gêner aux entournures, et laissait voir, par la fente des parements, des poignets rouges habitués à être nus. Ses jambes en bas bleus sortaient d'un pantalon jaunâtre, très tiré par les bretelles. Il était chaussé de souliers forts, mal cirés, garnis de clous.

      On commença la récitation des leçons. Il les écouta de toutes ses oreilles, attentif comme au sermon, n'osant même croiser les cuisses ni s'appuyer sur le coude; et à deux heures, quand la cloche sonna, le maître d'étude fut obligé de l'avertir pour qu'il se mît avec nous dans les rangs.

      Nous avions l'habitude, en entrant en classe, de jeter nos casquettes par terre, afin d'avoir ensuite nos mains plus libres; il fallait, dès le seuil de la porte, les lancer sous le banc, de façon à frapper contre la muraille en faisant beaucoup de poussière; c'était là le genre.

      Mais, soit qu'il n'eût pas remarqué cette manœuvre, ou qu'il n'eût osé s'y soumettre, la prière était finie que le nouveau tenait encore sa casquette sur ses deux genoux. C'était une de ces coiffures d'ordre composite, où l'on retrouve les éléments du bonnet à poil, du chapska, du chapeau rond, de la casquette de loutre et du bonnet de coton, une de ces pauvres choses enfin dont la laideur muette a des profondeurs d'expression, comme le visage d'un imbécile. Ovoïde et renflée de baleine, elle commençait par trois boudins circulaires; puis s'alternaient, séparés par une bande rouge, des losanges de velours et de poil de lapin; venait ensuite une façon de sac, qui se terminait par un polygone cartonné, couvert d'une broderie en soutache compliquée et d'où pendait, au bout d'un long cordon trop mince, un petit croisillon de fils d'or, en manière de gland. Elle était neuve; la visière brillait.

      – Levez-vous, dit le professeur.

      Il se leva; sa casquette tomba. Toute la classe se mit à rire.

      Il se baissa pour la reprendre. Un voisin la fit tomber d'un coup de coude. Il la ramassa encore une fois.

      – Débarrassez-vous donc de votre casque, dit le professeur, qui était un homme d'esprit.

      Il y eut un rire éclatant des écoliers qui décontenança le pauvre garçon, si bien qu'il ne savait s'il fallait la garder à sa main, la laisser par terre ou la mettre sur sa tête. Il se rassit et la posa sur ses genoux.

      – Levez-vous, reprit le professeur, et dites-moi votre nom.

      Le nouveau articula, d'une voix bredouillante, un nom inintelligible.

      – Répétez!

      Le même bredouillement de syllabes se fit entendre, couvert par les huées de la classe.

      – Plus haut! cria le maître, plus haut!

      Le nouveau, prenant alors une résolution extrême, ouvrit une bouche démesurée et lança à pleins poumons, comme pour appeler quelqu'un, ce mot: Charbovari.

      Ce fut un vacarme qui s'élança d'un bond, monta en crescendo avec des éclats de voix aigus (on hurlait, on aboyait, on trépignait, on répétait: Charbovari! Charbovari!), puis qui roula en notes isolées, se calmant à grand'peine, et parfois qui reprenait tout à coup, sur la ligne d'un banc où saillissait encore çà et là, comme un pétard mal éteint, quelque rire étouffé.

      Cependant, sous la pluie des pensums, l'ordre peu à peu se rétablit dans la classe, et le professeur, parvenu à saisir le nom de Charles Bovary, se l'étant fait dicter, épeler et relire, commanda tout de suite au pauvre diable d'aller s'asseoir sur le banc de paresse, au pied de la chaire. Il se mit en mouvement, mais, avant de partir, hésita.

      – Que cherchez-vous? demanda


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