Hors Jeu. Sawyer Bennett
Читать онлайн книгу.pour payer mes dettes.
Le tintement de clochette indique l’arrivée d’un nouveau client. Je relève les yeux, pliant le journal en deux, et je m’arrête. C’est M. Pourboire à Cinquante Dollars. Et je prends conscience que mon imagination ne l’avait pas enjolivé. Il est toujours aussi sexy que dans mes souvenirs. Il porte un t-shirt gris trempé de sueur et un short de course. Il a l’air un peu essoufflé et j’en déduis qu’il vient juste de terminer sa course.
— Assieds-toi où tu veux, lui dis-je.
Il avance jusqu’au comptoir, soutenant mon regard. Il s’est arrêté ici pour me voir, ça ne fait aucun doute. Je le devine à la détermination et à la résolution dans ses yeux couleur whisky.
Je l’observe, fascinée, passer une main dans ses cheveux humides pour les écarter de son front. Ils sont brun foncé et ondulés, et à la limite d’être un peu trop long au goût d’une mère. Pour moi, ils sont parfaits. Dommage que je n’aie ni le temps ni l’envie de faire quelque chose à ce sujet.
S’asseyant sur le tabouret juste en face de moi, il m’adresse un grand sourire.
— Mis quelqu’un en pièce à coup de philosophie, récemment ?
J’éclate de rire et commence à secouer la tête.
— Non. Pas aujourd’hui, du moins.
— En fait, je courais dans le quartier et je t’ai vue, là. Je me suis dit que j’allais m’arrêter et te remercier.
Je hausse les sourcils.
— Me remercier ?
— Oui. Ces vingt secondes où tu as démoli Angeline avec tes connaissances en philo ont été les plus amusantes que j’ai eues depuis très, très longtemps.
Ce n’est pas très élégant, mais je ne peux m’empêcher de rire par le nez en réponse.
— Alors, tu dois vivre une vie plutôt ennuyeuse.
— Je m’appelle Ryan Burnham, à propos.
Il me tend la main et je la lui serre. Sa main est beaucoup plus grande que la mienne et chaude. Je sens des callosités dans sa paume et sur ses doigts.
— Danny Cross. Ravie de faire ta connaissance… officiellement.
Il relâche ma main.
— Moi aussi.
Ma peau picote doucement à l’endroit où nos mains ont été en contact et j’essaie immédiatement de réprimer cette sensation. Je n’ai pas le droit de dévorer un mec des yeux, encore moins un mec qui est clairement hors de la stratosphère de mon cercle social. J’ai beaucoup trop de choses importantes à gérer en ce moment, ou du moins c’est ce que je dois souvent me rappeler à moi-même, ces temps-ci.
— Alors, Danny, commence-t-il en me regardant avec amusement et quelque chose qui ressemble à de la curiosité. Tu es apparemment une fille intelligente. Tu es inscrite à Northeastern ? J’ai vu que tu portais un t-shirt de la fac, l’autre nuit.
Il a remarqué le t-shirt que je portais ce nuit-là ? Même moi, je ne me souviens pas de ce que je portais, mais qu’il ait gardé ce détail en mémoire me comble de joie, pour une raison que j’ignore.
— Je viens juste de commencer cet automne, mais je ne suis que deux cours par semaine pour l’instant.
— Seulement deux cours et tu sais qui sont Ockham et Descartes ?
Il est sceptique, je le sens.
— J’ai fréquenté une autre fac avant Northeastern. Je suis techniquement en troisième année.
— Où est-ce que tu es allée en fac ?
— Pas dans un endroit connu.
Je ne fournis pas davantage d’informations et décide de rester vague. J’ignore pourquoi, mais j’ai envie de savoir à quel point il est réellement intéressé par moi. C’est un jeu pervers auquel je joue avec moi-même, parce que ça ne va mener à rien.
— Pourquoi tu ne veux pas me dire son nom ?
Il me sourit comme le chat de Cheshire.
— Pourquoi es-tu aussi curieux ?
— Pourquoi est-ce que tu es aussi évasive ?
Je décide qu’un rapide changement de sujet est justifié.
— Tu veux commander quelque chose ? Il faut que je retourne travailler.
Les yeux de Ryan font le tour du resto désert avant de revenir sur moi. Il hausse un sourcil. C’est séduisant d’une manière assez agaçante. J’attends patiemment qu’il me réponde.
Quand il réalise que la balle est dans son camp, il baisse les yeux sur sa montre et se lève de son tabouret.
— Il faut vraiment que j’y aille. J’ai rendez-vous avec quelques gars à la salle de sport.
Je ne dis rien – je lui fais juste un sourire poli – mais je suis un peu déçue qu’il parte aussi vite. Il a l’air de vouloir dire autre chose, mais il hésite. Et à l’instant où je comprends pourquoi, il se penche par-dessus le comptoir, un peu plus près de moi.
— Danny… je peux t’inviter à dîner, ce soir ? J’aimerai apprendre à mieux te connaître.
Ah, mince. Pourquoi faut-il que ce gars délicieusement sexy et complètement charmant m’invite à sortir ? J’appréciais qu’on se charrie, qu’on flirte, mais je n’avais jamais imaginé qu’il en fasse quelque chose. Je veux dire, il est un Dom Pérignon… et je suis un Coca-Cola. Et comme si nos différences ne suffisaient pas, je n’ai vraiment pas le temps de me compliquer la vie avec quelque chose comme ça.
— Je vois les engrenages tourner dans ta tête, Danny. Je ne te demande pas de m’épouser… juste un dîner.
Je commence par secouer la tête.
— Je ne crois pas. J’ai beaucoup de choses à gérer en ce moment.
Tandis que je rationnalise mon refus, je commence à me sentir mieux d’avoir décidé de refuser son offre. J’ai vu avec quels amis il trainait, l’autre nuit. Je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer les vêtements coûteux et les bijoux. Ce sentiment que tout leur était permis qui flottait dans l’air. Ce n’est vraiment pas mon truc, et pourquoi m’impliquer avec quelqu’un, même pour un simple dîner, quand, au final, je ne m’intégrerai jamais. C’est comme d’emmener Cendrillon au bal, et puis lui dire qu’elle redeviendra une servante le lendemain.
Avant que je puisse lui dire non encore une fois, il tend le bras et prend ma main. Caressant son pouce sur mon poignet, il murmure :
— Je ne t’avais pas prise pour une dégonflée, Danny. Allez… Juste un dîner ce soir, et on ira où tu veux aller, n’importe où.
N’importe où ? Ça peut être intéressant. Je peux prendre le temps de sortir ce soir avec lui, selon mes termes, sur mon terrain, et ensuite il verra quelle mauvaise idée c’était.
La caresse de son pouce sur mon poignet fait tressaillir mon pouls. Je retire la main.
— Où je veux aller, n’importe où, hein ?
Il me sourit largement, sachant que je suis sur le point de craquer.
— Oui, où tu veux, n’importe où.
— OK. Retrouve-moi ici à six heures.
Il tend à nouveau le bras pour attraper ma main et la saisit. Avant que je puisse songer à la retirer, il porte mes phalanges à ses lèvres et y dépose un léger baiser.
— À dans quelques heures.
Laissant tomber ma main, il fait demi-tour et passe la porte. Je le regarde partir en courant et disparaître de ma vue.