La fin de la mafia mondiale. Rolf Nagel
Читать онлайн книгу.escaliers comme un voleur, ouvrit et ferma les portes sans bruits.
« Monsieur Karl Grosser ? », entendit-il le chauffeur en costume gris demander en même temps qu'il ouvrait la portière arrière de la voiture. Karl vérifia autour de lui si quelqu'un dans le voisinage avait entendu quelque chose et monta rapidement dans la voiture.
Des sièges en cuir blanc. Les portes de la voiture se refermèrent avec le même bruit que les portes de sécurité blindées de sa banque. Était-ce le bruit du moteur de la limousine, ce léger ronronnement ? C'était digne d'un prince de rouler aussi silencieusement. Dans la ville de Karl, on ne voyait pas très souvent de tels carrosses de luxe. Une chance que les vitres soient teintées. Il n'osait imaginer ce qui se passerait si ses collègues avaient pu le voir dans cette limousine. Le cas échéant, la banque l'aurait traîné devant la commission anti-corruption et suspendu d'office de ses fonctions. Si seulement il n'était pas allé se promener en cette horrible journée ou s'il était passé devant le banc sans s'arrêter. Toute cette excitation lui aurait alors été épargnée. En même temps, il tenait à être à la hauteur de sa nouvelle position sociale.
Marian était déjà depuis un certain temps dans le salon privé du restaurant et se rappelait avec quelle minutie elle avait, avec son père, préparé sa rencontre avec Karl au cours des dernières semaines. En réalité, elle connaissait Karl mieux que personne.
Le parrain s'inquiétait de l'avenir de sa fille
Avec son père, la fille avait étudié chacune des habitudes de Karl. Quelles chaussures mettait-il quel jour, quels étaient ses mets préférés et ainsi de suite. Marian était même au courant de la prostituée chez qui il se rendait de temps en temps en grand secret. Néanmoins, à long terme, elle devait faire l'innocente. C'est de cela uniquement que dépendait le succès de l'opération mise au point pendant des semaines.
À l'approche du vingt-quatrième anniversaire de Marian, son père, Don Sergio Rosso, commença à se préoccuper d'un futur mari pour sa fille. Certes, depuis sa prime jeunesse, la séduisante Marian recevait d'innombrables avances d'hommes très attirants, mais à l'exception de quelques liaisons brèves et insignifiantes, elles étaient restées sans succès.
Don Sergio Rosso, un parrain (capo di tutti i capi1) de la mafia internationale, n'était connu publiquement que comme un homme d'affaires sérieux et irréprochable. Don Rosso n'était pas vraiment l’appellation adéquate pour un parrain, le terme capo convenait mieux. On lui attribua toutefois très tôt le surnom Don, réservé en réalité aux chefs de l'Église. Cela lui plut et il le conserva. Le Don ne s'était jamais rendu suspect aux yeux de l'appareil judiciaire. Nulle part au monde, on ne le soupçonnait, même un tant soit peu, de régner sur un réseau de la mafia actif dans le monde entier. En parallèle de son organisation mafieuse, Don Rosso détenait un réseau inextricable de participations à des sociétés, interdépendantes les unes des autres. À la tête de l'organisation criminelle, de la prétendue famille honorable, il était indétrônable au sommet de la hiérarchie de la structure pyramidale. Les chefs sous ses ordres occupaient les rangs 1 à 3 après lui.
Tout comme les membres du premier rang, le Don avait hérité sa fonction de son père. Seule l'hérédité permettait d'accéder au premier rang et au premier cercle. Si un membre mourrait sans descendance masculine, le siège était supprimé et les tâches réparties entre les autres. Cette mesure de sécurité permettait d'éviter, sur le long terme, qu'un éventuel traître s'immisce dans le premier cercle. Cela avait toujours été primordial pour les anciens. De plus, seuls les membres du premier cercle connaissaient Don Rosso personnellement, et ce dernier veillait à ce qu'il en reste ainsi.
L'échange de nouvelles au sein du premier cercle se faisait par le biais de coursiers. Cette méthode s'était avérée particulièrement sûre et efficace au fil des décennies et des générations.
Don Rosso avait le projet strictement confidentiel de restructurer la mafia dans son intégralité d'ici 2020. Plus rien ne devait rester comme avant. Personne, pas même ses plus proches confidents, n'était au courant de ce projet de longue haleine qu'il prévoyait de réaliser sur une période de sept années.
Physiquement et mentalement, Don Rosso était encore en pleine forme, même s'il avait presque soixante-dix ans. Il voulait prévoir intelligemment l'avenir des membres de sa famille en prenant des mesures décisives. Bien que les membres de sa famille se soient toujours intéressés aux dernières innovations et qu'ils soient à la pointe du progrès dans tous les domaines, l'heure était venue de restructurer l'organisation toute entière.
Don Rosso était un homme très instruit et très intelligent, il était conscient qu'une tâche d'une telle ampleur n'était réalisable qu'à long terme et qu'en procédant avec finesse. Il n'avait pas droit à l'erreur. L'organisation toute entière était en jeu. Si le projet échouait, tout pouvait être anéanti d'un seul coup. En plus de ça, il avait besoin d'une personne en qui il aurait une confiance absolue pour réaliser son plan. Il fallait s'assurer que jamais un traître mot ne franchirait ses lèvres. Il tenait également à ce que la personne en question soit à la hauteur d'une tâche d'une telle ampleur, en faisant preuve d'esprit et de sens de l'organisation. Personne, dans le premier cercle, ne répondait à ces exigences. Il fallait donc en plus trouver une personne de l'extérieur. Mais ce n'était pas chose facile, dans la tête de qui Don Rosso serait-il sûr de pouvoir lire comme dans un livre ouvert ? Une erreur pourrait détruire les familles et les entraîner à jamais dans la ruine. Il n'avait encore aucune idée de la façon dont il pourrait mettre ses proches confidents au courant de ce projet. Allaient-ils trouver le plan trop risqué pour le soutenir ou même refuser la restructuration ?
En tant que père, il élabora le plan de trouver un mari à Marian qui serait en même temps le co-artisan de la réorganisation. Si le futur époux de sa fille pouvait en plus se charger du remaniement, il aurait là une solution parfaite à plusieurs problèmes. Évidemment, Don Rosso n'avait pas fait part de ces pensées-là à sa fille.
Cela ne plut pas du tout à Marian que son père lui propose de l'aider à chercher son futur mari. Mais avec une grande force de persuasion, le père réussit à convaincre sa fille de faire au moins l'essai. Marian désirait rechercher elle-même le conjoint idéal et le père rétorquait que son intervention ne ferait que soutenir ses efforts. Au bout d'un certain temps, il réussit à la convaincre suffisamment pour qu'elle accepte au moins d'essayer.
Par l'intermédiaire d'un homme de contact, Don Rosso envoya des émissaires dans le monde entier chargés de trouver le mari adéquat d'après ses critères et ceux de Marian. En plus des exigences habituelles, il tenait à ce que l'homme en question soit intelligent et bien versé dans le monde de la finance. En outre, il était important qu'il possède un grand sens de l'organisation, qu'il soit inconnu des services de police et qu'il soit particulièrement sérieux.
Le père et la fille examinèrent des mois durant d'innombrables dossiers et photos réalisés par les émissaires. Les candidats potentiels ne devaient en aucun cas se rendre compte de quoi que ce soit. À la fin, Marian et Don Rosso ne retinrent que très peu d'hommes. Il ne restait plus qu'un Italien, un Américain et Karl, d'Allemagne. Ces trois candidats firent l'objet d'un examen encore plus approfondi, si bien que toute leur vie s'étalait sur la table, claire comme du cristal. Des vidéos des trois hommes fournissaient au père et à la fille un portrait encore plus fidèle et leur évitaient de se déplacer pour les étudier.
La décision des conspirateurs était prise
Marian et son père choisirent Karl. Oui, Karl était l'élu sans qu'il s'en soit douté le moins du monde. Il était l'élu pour le grand projet global.
Bien que cette idée mette toujours Marian un peu mal à l'aise, le père et la fille élaborèrent un plan pour sa première rencontre avec Karl. Les promenades régulières de la victime s'y prêtaient le mieux et conféreraient de surcroît un caractère plus anodin à la situation. Naturellement, seul le banc faisait l'affaire