Oeuvres illustrées de George Sand. Жорж Санд

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Oeuvres illustrées de George Sand - Жорж Санд


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mensonge ne devaient pas être mis en scène, selon vous; parce que le mensonge, l'impiété, la férocité et le libertinage sont choses respectables, auxquelles l'art ne doit pas s'attaquer. Tant pis pour les esprits fâcheux qui ne s'en accommodent pas. Ces petites imperfections de la société sont inviolables, et les flétrir est la conséquence d'un caractère chagrin et intolérant. Soit! vous ne voulez entendre que les concerts des anges; les hymnes de la miséricorde, de la bénédiction et de l'espérance sont seuls dignes de vos oreilles pudiques, de vos âmes béates. Il paraîtrait cependant que vous avez l'oreille dure et l'âme fermée à cette musique-là. Car les amschaspands (les bons Génies) parlent et chantent tout aussi souvent que les darvands et les dews dans le poëme incriminé. Il y a là toute une contre-partie, toute une antithèse, savamment soutenue et délicatement développée, ainsi que l'annonce le titre de l'ouvrage. Vous n'y avez pas fait la moindre attention, et vous en avez détourné l'attention du public avec une rare sincérité. C'est beau! c'est bien de votre part! Quelle charité pour nous, quelle impartialité envers l'auteur! Ah! vraiment, vous faites noblement les choses!

      Eh bien, nous qui ne nous piquons pas de si savants détours pour dire l'impression que ce livre a faite sur nous, nous citerons un peu de la contre-partie qui a échappé à votre talent d'examen ou à la fidélité de votre mémoire. C'est le Génie de la pureté qui parle au Génie de la terre:

      «Rien ne périt, tout se transforme. Vous me demandez, ô Sapandomad, ce que l'avenir cache sous son voile, si c'est un berceau, ou un cercueil? Fille d'Ormuzd, ignorez-vous donc que le cercueil et le berceau ne sont qu'une même chose? Les langes du nouveau-né enveloppent la mort future; le suaire du trépassé enferme dans ses plis la vie renaissante.

      «Le pouvoir des Daroudjs n'est pas ce qu'ils le croient être. Lorsqu'ils renversent et brisent les sociétés humaines, lorsqu'ils y versent leur venin pour en hâter la dissolution, ils concourent encore au dessein de la Puissance même qu'ils combattent. Ce qu'ils détruisent, ce n'est pas le bien, mais la sèche écorce du bien, qui opposait à son expansion un obstacle invincible. Pour que la plante divine refleurisse, il faut qu'auparavant ce qu'a usé le travail interne se décompose.

      «Considérez, ô Sapandomad, et les vieilles opinions des hommes, inconciliables entre elles, et le droit sous lequel ils ont jusqu'ici vécu. Ces opinions, est-ce donc le vrai? Ce droit, est-ce donc le juste? Et pourtant c'est là tout ce qu'ils appellent l'ordre social. Que cet informe édifice croule, y a-t-il lieu de s'en alarmer?

      «Craindrait-on que ces ruines n'entraînassent celle des principes salutaires qui ne laissent pas de subsister au milieu des désordres nés des fausses croyances et des institutions vicieuses? Illusion. Qu'ils soient obscurcis momentanément, cela peut, cela doit être, à cause du lien factice qui les unissait à l'erreur destinée à disparaître tôt ou tard. Mais, vous l'avez remarqué vous-même, inaltérables au fond de la conscience du peuple, ils s'y conservent immuablement. Quand tout le reste passe, ils demeurent; ils sont comme l'or qu'on retrouve, séparé de ce qui le souillait, sur le lit du torrent qui emporte l'impur limon.

      «Quand donc, attentifs au cours des choses, les Izeds annoncent d'inévitables catastrophes, de grandes et prochaines révolutions, ils annoncent par cela même un renouvellement certain, une magnifique évolution de l'Humanité en travail pour produire au dehors le fruit qui a germé dans ses entrailles fécondes. Si elle n'enfante point sans douleur, c'est que rien ne se fait sans effort; c'est qu'enfermé dans le corps qui se dissout, l'esprit qui aspire à le quitter, à prendre possession de celui qui bientôt va naître, souffre à la fois et de son état présent et de son état futur, de son dégoût de ce qui est et de son désir de ce qui sera; car le désir même est une souffrance, et l'espérance aussi, tant qu'elle n'a pas atteint son terme.

      «Plaignez, Sapandomad, les générations sans patrie que des souffles opposés poussent et repoussent dans le vide, entre le monde du passé et le monde de l'avenir. Elles ressemblent à la poussière roulée par Vato1. Mais, nuage ténébreux, ou trombe qui dévaste, cette poussière retombe sur le sol, où, pénétrée des feux du ciel, humectée de ses pluies, elle se couvre de verdure.»

      Ailleurs, le Génie de l'équité dit à celui qui bénit le peuple:

      «Un germe tombe sur la terre; il se développe et croît, et produit ses fleurs et ses fruits, après quoi la plante épuisée se dessèche et meurt. Ce germe, c'est une portion de la vérité infinie, qu'Ormuzd dépose dans l'esprit de l'homme; cette plante est ce qu'il nomme religion: mais la mort n'en est qu'apparente, elle renaît toujours, se transformant chaque fois selon les besoins de l'Humanité, dont elle suit le progrès et dont elle caractérise l'état.

      «Combien de civilisations différentes n'as-tu pas déjà vues périr! Qu'en est-il advenu? Le genre humain a-t-il cessé de vivre? Non, après une époque de langueur maladive, de vertige et d'assoupissement, revenu à lui-même, plein de vigueur et de sève, il est, poursuivant sa route éternelle, entré dans les voies d'une civilisation plus parfaite. Ces révolutions périodiques, assujetties à des lois identiques au fond avec les lois universelles du monde, offrent, en particulier, ceci de remarquable, que, s'accomplissant dans une sphère toujours plus étendue, elles ont une relation visible à l'unité vers laquelle tout tend, à laquelle tout aspire.

      «Elles suscitent d'abord de vives alarmes et une tristesse profonde, parce que, de toutes parts, elles présentent des images de mort. Lorsqu'une ère, fille de celles qui l'ont précédée, naît; chose étrange! les hommes prennent le deuil et croient assister à des funérailles.

      «C'est qu'en effet ce qui naît, on ne le voit pas encore; et qu'on voit ce qui s'en va, ce qui s'évanouit pour jamais.»

      Si nous voulions, par curiosité, appliquer à chacune des malédictions que vous avez citées une théorie de l'espérance et de la foi, extraite de ce même livre, nous le pourrions aisément; et il se trouverait qu'à force de vouloir trop prouver contre l'amertume de l'écrivain, vous n'avez rien prouvé du tout. Mais laissons cet aride débat. Le public saura bien faire de son attention l'usage qui lui conviendra; et comme il n'aura pas les mêmes raisons que vous pour ne lire que d'un oeil et n'entendre que d'une oreille, il jugera sans se soucier de vos arrêts. La popularité, que vous haïssez tant, et pour cause, est souverainement équitable. Si, à des esprits douloureux, fatigués de souffrir en vain, les promesses d'Ormuzd semblent un peu lointaines; si, à de jeunes coeurs avides d'espoir et d'encouragement, la voix d'Ahriman, «celui qui dit non,» parait lugubre et terrible, les esprits sérieux et sincères leur répondront: Forces émoussées, ardeurs inquiètes, écoutez avec respect la voix austère de cet apôtre. Ce n'est ni pour endormir complaisamment vos souffrances ni pour flatter vos rêves dorés que l'esprit de Dieu l'agite, le trouble et le force à parler. Lui aussi a souffert, lui aussi a subi le martyre de la foi. Il a lutté contre l'envie, la calomnie, la haine aveugle, l'hypocrite intolérance. Il a cru à la sincérité des hommes, à la puissance de la vérité sur les consciences. Il a rencontré des hommes qui ne l'ont pas compris, et d'autres hommes qui ne voulaient pas le comprendre, qui taxaient son mâle courage d'ambition, sa candeur de dépit, sa généreuse indignation de basse animosité. Il a parlé, il a flétri les turpitudes du siècle, et on l'a jeté en prison. Il était vieux, débile, maladif: ils se sont réjouis, pensant qu'ils allaient le tuer, et que de la geôle, où ils l'enfermaient, ils ne verraient bientôt sortir qu'une ombre, un esprit déchu, une voix éteinte, une puissance anéantie. Et cependant il parle encore, il parle plus haut que jamais. Ils ont cru avoir affaire à un enfant timide qu'on brise avec les châtiments, qu'on abrutit avec la peur. Les pédants! ils se regardent maintenant confus, épouvantés, et se demandent quelle étincelle divine anime ce corps si frêle, cette âme si tenace. Et ceux qui, par leurs déclamations ampoulées, par leurs anathèmes de mauvaise loi, ont alarmé la conscience de quelques hommes incertains et abusés, jusqu'à leur arracher la condamnation de la victime; ces généreux anonymes, qui voudraient sans doute arracher un arrêt de mort contre lui pour en finir plus vite, se disent les uns aux autres: Nous ne l'avons pas bien tué! cette fois tâchons de mieux faire.

      Eh bien! vous pour qui il a souffert, pour qui il est prêt, vous le voyez, à souffrir encore, souvenez-vous que sa tête


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<p>1</p>

Esprit de l'ouragan.