Teverino. Жорж Санд

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Teverino - Жорж Санд


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avec la fille aux oiseaux, reprit lady G… Je la prends sous ma protection; vous ne la mettrez pas en fuite, vous ne lui adresserez aucune parole dure; vous me laisserez le soin de la confesser tout doucement, et, d'après le compte que je vous rendrai d'elle, vous serez indulgent ou sévère, selon ses mérites.

      – Eh bien, accordé! répondit le curé, qui se sentait plus dispos et de meilleure humeur, à mesure qu'il contentait son robuste appétit. Voyons, dit-il en s'adressant à Madeleine qui causait avec Léonce, je te pardonne pour aujourd'hui, et je te permets de venir à confesse demain, à condition que, dès ce moment, tu te soumettras à toutes les prescriptions de cette noble et vertueuse dame, qui veut bien s'intéresser à toi et t'aider à sortir du péché.

      Le mot de péché produisit sur Madeleine le même effet d'étonnement et de doute que les autres fois; mais, satisfaite de la bienveillance de son pasteur et surtout de l'intérêt que lui témoignait la noble dame, elle fit la révérence à l'un et baisa la main de l'autre. Interrogée par Léonce sur les procédés qu'elle employait pour captiver l'amour et l'obéissance de ses oiseaux, elle refusa de s'expliquer, et prétendit qu'elle possédait un secret.

      – Allons, Madeleine, ceci n'est pas bien, dit le curé, et si tu veux que je te pardonne tout, tu commenceras par divorcer d'avec le mensonge. C'est une faute grave que de chercher à entretenir la superstition, surtout quand c'est pour en profiter. Ici, d'ailleurs, cela ne te servirait de rien. Dans les foires où tu vas courir et montrer ton talent (bien malgré moi, car ce vagabondage n'est pas le fait d'une fille pieuse), tu peux persuader aux gens simples que tu possèdes un charme pour attirer le premier oiseau qui passe et pour le retenir aussi longtemps qu'il te plaît. Mais tes petits camarades, que voici, savent bien que, dans ces montagnes, où les oiseaux sont rares et où tu passes ta vie à courir et à fureter, tu découvres tous les nids aussitôt qu'ils se bâtissent, que tu t'empares de la couvée et que tu forces les pères et mères à venir nourrir leurs petits sur tes genoux. On sait la patience avec laquelle tu restes immobile des heures entières comme une statue ou comme un arbre, pour que ces bêtes s'accoutument à te voir sans te craindre. On sait comme, dès qu'ils sont apprivoisés, ils te suivent partout pour recevoir de toi leur pâture, et qu'ils t'amènent leur famille à mesure qu'ils pullulent, suivant en cela un admirable instinct de mémoire et d'attachement, dont plusieurs espèces sont particulièrement douées. Tout cela n'est pas bien sorcier. Chacun de nous, s'il était, comme toi, ennemi des occupations raisonnables et d'un travail utile, pourrait en faire autant. Ne joue donc pas la magicienne et l'inspirée, comme certains imposteurs célèbres de l'antiquité, et entre autres un misérable Apollonius de Thyane, que l'Église condamne comme faux prophète, et qui prétendait comprendre le langage des passereaux. Quant à ces nobles personnes, n'espère point te moquer d'elles. Leur esprit et leur éducation ne leur permettent point de croire qu'une bambine comme toi soit investie d'un pouvoir surnaturel.

      – Eh bien, monsieur le curé, dit lady G… vous ne pouviez rien dire qui ne fût moins agréable, ni faire sur la superstition un sermon plus mal venu. Vos explications sont ennemies de la poésie, et j'aime cent fois mieux croire que la pauvre Madeleine a quelque don mystérieux, miraculeux même, si vous voulez, que de refroidir mon imagination en acceptant de banales réalités. Console-toi, dit-elle à l'oiselière qui pleurait de dépit et qui regardait le curé avec une sorte d'indignation naïve et fière: nous te croyons fée et nous subissons ton prestige.

      – D'ailleurs, les explications de M. le curé n'expliquent rien, dit Léonce. Elles constatent des faits et n'en dévoilent point les causes. Pour apprivoiser à ce point des êtres libres et naturellement farouches, il faut une intelligence particulière, une sorte de secret magnétisme tout exceptionnel. Chacun de nous se consacrerait en vain à cette éducation, que la mystérieuse fatalité de l'instinct dévoile à cette jeune fille.

      – Oui! oui! s'écria Madeleine, dont les yeux s'enflammèrent comme si elle eût pu comprendre parfaitement l'argument de Léonce, je défie bien M. le curé d'apprivoiser seulement une poule dans sa cour, et moi j'apprivoise les aigles sur la montagne.

      – Les aigles, toi? dit le curé piqué au vif de voir Sabina éclater de rire; je t'en défie bien! Les aigles ne s'apprivoisent point comme des alouettes. Voilà ce qu'on gagne à de niaises pratiques et à des prétentions bizarres. On devient menteuse, et c'est ce qui vous arrive, petite effrontée.

      – Ah, pardon, monsieur le curé, dit un jeune chevrier qui s'était détaché du groupe des enfants, et qui écoutait la conversation des nobles convives. Depuis quelque temps, Madeleine apprivoise les aigles: je l'ai vu. Son esprit va toujours en augmentant, et bientôt elle apprivoisera les ours, j'en suis sûr.

      – Non, non, jamais, répondit l'oiselière avec une sorte d'effroi et de dégoût peinte dans tous ses traits. Mon esprit ne s'accorde qu'avec ce qui vole dans l'air.

      – Eh bien, que vous disais-je? s'écria Léonce frappé de cette parole. Elle sent, bien qu'elle ne puisse en rendre compte ni aux autres, ni à elle-même, que d'indéfinissables affinités donnent de l'attrait à certains êtres pour elle. Ces rapports intimes sont des merveilles à nos yeux, parce que nous ne pouvons en saisir la loi naturelle, et le monde des faits physiques est plein de ces miracles qui nous échappent. Soyez-en certain, monsieur le curé, le diable n'est pour rien dans ces particularités; c'est Dieu seul qui a le secret de toute énigme et qui préside à tout mystère.

      – A la bonne heure, dit le curé assez satisfait de cette explication. A votre sens, il y aurait donc des rapports inconnus entre certaines organisations différentes? Peut-être que celle petite exhale une odeur d'oiseau perceptible seulement à l'odorat subtil de ces volatiles?

      – Ce qu'il y a de certain, dit Sabina en riant, c'est qu'elle a un profil d'oiseau. Son petit nez recourbé, ses yeux vifs et saillants, ses paupières mobiles et pâles, joignez à cela sa légèreté, ses bras agiles comme des ailes, ses jambes fines et fermes comme des pattes d'oiseau, et vous verrez qu'elle ressemble à un aiglon.

      – Comme il vous plaira, dit Madeleine, qui paraissait être douée d'une rapide intelligence et comprendre tout ce qui se disait sur son compte. Mais, outre le don de me faire aimer, j'ai aussi celui de faire comprendre; j'ai la science, et je défie les autres de découvrir ce que je sais. Qui de vous dira à quelle heure on peut se faire obéir et à quelle heure on ne le peut pas? quel cri peut être entendu de bien loin? en quels endroits il faut se mettre? quelles influences il faut écarter? quel temps est propice? Ah! monsieur le curé, si vous saviez persuader les gens comme je sais attirer les bêtes, votre église serait plus riche et vos saints mieux fêtés.

      – Elle a de l'esprit, dit le curé bourru, qui était au fond un bourru bienfaisant et enjoué, surtout après boire; mais c'est un esprit diabolique, et il faudra, quelque jour, que je l'exorcise. En attendant, Madelon, fais venir tes aigles.

      – Et où les prendrai-je à cette heure? répondit-elle avec malice. Savez-vous où ils sont, monsieur le curé? Si vous le savez, dites-le, j'irai vous les chercher.

      – Vas-y, toi, puisque tu prétends le savoir.

      – Ils sont où je ne puis aller maintenant. Je vois bien, monsieur le curé, que vous ne le savez pas. Mais si vous voulez venir ce soir avec moi, au coucher du soleil, et si vous n'avez pas peur, je vous ferai voir quelque chose qui vous étonnera.

      Le curé haussa les épaules; mais l'ardente imagination de Sabina s'empara de cette fantaisie. – J'y veux aller, moi, s'écria-t-elle, je veux avoir peur, je veux être étonnée, je veux croire au diable et le voir, si faire se peut!

      – Tout doux! lui dit Léonce à l'oreille, vous n'avez pas encore ma permission, chère malade.

      – Je vous la demande, je vous l'arrache, docteur aimable.

      – Eh bien, nous verrons cela; j'interrogerai la magicienne, et je déciderai comme il me conviendra.

      – Je compte donc sur votre désir, sur votre promesse de m'amuser. En attendant, n'allons-nous pas retourner à la villa pour voir comment mylord G… aura dormi?

      – Si vous avez des volontés arrêtées, je vous donne ma démission.

      – A


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