La vie et la mort du roi Richard II. Уильям Шекспир

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La vie et la mort du roi Richard II - Уильям Шекспир


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– Pâle et tremblant poltron, je jette mon gage, refusant de me prévaloir de ma parenté avec le roi, et je mets à l'écart la noblesse de ce sang royal que tu allègues par peur et non par respect. Si un effroi coupable t'a laissé encore assez de force pour relever le gage de mon honneur, alors baisse-toi. Par ce gage et par toutes les lois de la chevalerie, je soutiendrai corps à corps ce que j'ai avancé, ou tout ce que tu pourrais imaginer de pis encore.

      NORFOLK. – Je le relève, et je jure par cette épée, qui apposa doucement sur mon épaule mon titre de chevalier, que je te ferai honorablement raison de toutes les manières qui appartiennent aux épreuves chevaleresques; et une fois monté à cheval, que je n'en descende pas vivant si je suis un traître ou si je combats pour une cause injuste!

      RICHARD. – Quelle est l'accusation dont notre cousin charge Mowbray? Il faut qu'elle soit grave pour parvenir à nous inspirer même la pensée qu'il ait pu mal faire.

      BOLINGBROKE. – Écoutez-moi, j'engage ma vie à prouver la vérité de ce que je dis: Mowbray a reçu huit mille nobles 2 à titre de prêts pour les soldats de Votre Altesse, et il les a retenus pour des usages de débauche, comme un faux traître et un insigne vilain. De plus, je dis et je le prouverai dans le combat, ou ici ou en quelque lieu que ce soit, jusqu'aux extrémités les plus reculées qu'ait jamais contemplées l'oeil d'un Anglais, que toutes les trahisons qui depuis dix-huit ans ont été complotées et machinées dans ce pays ont eu pour premier chef et pour principal auteur le perfide Mowbray. Je dis encore, et je soutiendrai tout cela contre sa détestable vie, qu'il a comploté la mort du duc de Glocester; qu'il en a suggéré l'idée à ses ennemis faciles à persuader, et par conséquent que c'est lui qui, comme un lâche traître, a fait écouler son âme innocente dans des ruisseaux de sang; et ce sang, comme celui d'Abel tiré à son sacrifice, crie vers moi du fond des cavernes muettes de la terre; il me demande justice et un châtiment rigoureux: et, j'en jure par la noblesse de ma glorieuse naissance, ce bras fera justice, ou j'y perdrai la vie.

      RICHARD. – A quelle hauteur s'est élevé l'essor de son courage! – Thomas de Norfolk, que réponds-tu à cela?

      NORFOLK. – Oh! que mon souverain veuille détourner son visage, et commander à ses oreilles d'être sourdes un instant, jusqu'à ce que j'aie appris à celui qui déshonore son sang à quel point Dieu et les gens de bien détestent un si exécrable menteur.

      RICHARD. – Mowbray, nos yeux et nos oreilles sont impartiales: fût-il mon frère, ou même l'héritier de mon royaume, comme il n'est que le fils du frère de mon père, je le jure par le respect dû à mon sceptre, cette parenté qui l'allie de si près à notre sang sacré ne lui donnerait aucun privilége et ne rendrait point partiale l'inflexible fermeté de mon caractère intègre. Il est mon sujet, Mowbray, toi aussi; je te permets de parler librement et sans crainte.

      NORFOLK. – Eh bien! Bolingbroke, à partir de la basse région de ton coeur, et à travers le traître canal de ta gorge, tu en as menti. De cette recette que j'avais pour Calais, j'en ai fidèlement remis les trois quarts aux soldats de son Altesse: j'ai gardé l'autre de l'aveu de mon souverain, qui me devait cette somme pour le reste d'un compte considérable dû depuis le dernier voyage que je fis en France pour aller y chercher la reine. Avale donc ce démenti. – Quant à la mort de Glocester… je ne l'ai point assassiné: seulement j'avoue à ma honte qu'en cette occasion j'ai négligé le devoir que j'avais juré de remplir. – Pour vous, noble lord de Lancastre, respectable père de mon ennemi, j'ai dressé une fois des embûches contre vos jours, crime qui tourmente mon âme affligée; mais avant de recevoir pour la dernière fois le sacrement, je l'ai confessé, et j'ai eu soin d'en demander pardon à Votre Grâce, qui, j'espère, me l'a accordé. Voilà ce que j'ai à me reprocher. Pour tous les autres griefs qu'il m'impute, ces accusations partent de la haine d'un vilain, d'un traître lâche et dégénéré, sur quoi je me défendrai hardiment en propre corps: je jette donc à ce traître outrecuidant mon gage en échange du sien; je lui prouverai ma loyauté de gentilhomme aux dépens du meilleur sang qu'il renferme dans son sein; et pour ce faire promptement, je conjure sincèrement Votre Altesse de nous assigner le jour de l'épreuve.

      RICHARD. – Gentilshommes enflammés de colère, laissez-moi vous diriger: purgeons cette bile sans tirer de sang. Sans être médecin, voici ce que je prescris: un ressentiment profond fait de trop profondes incisions; ainsi donc, oubliez, pardonnez, terminez ensemble et réconciliez-vous; nos docteurs disent que ce n'est pas la saison de saigner. – Mon bon oncle, que cette querelle finisse où elle a commencé: nous apaiserons le duc de Norfolk; vous, calmez votre fils.

      GAUNT. – Il convient assez à mon âge d'être un médiateur de paix. – Jette à terre, mon fils, le gage du duc de Norfolk.

      RICHARD. – Et toi, Norfolk, jette à terre le sien.

      GAUNT. – Eh bien, Henri, quoi? L'obéissance commande; je ne devrais pas avoir à te commander deux fois.

      RICHARD. – Allons, Norfolk, jette-le, nous l'ordonnons: cela ne sert de rien.

      NORFOLK. – C'est moi, redouté souverain, qui me jette à tes pieds: tu pourras disposer de ma vie, mais non pas de ma honte; la première appartient à mon devoir; mais je ne te livrerais pas, pour en faire un usage déshonorant, ma bonne renommée, qui en dépit de la mort vivra sur mon tombeau. Je suis ici insulté, accusé, conspué, percé jusqu'au coeur du trait empoisonné de la calomnie, sans pouvoir être guéri par aucun autre baume que par le sang du coeur d'où s'est exhalé le venin.

      RICHARD. – Il faudra bien que cette rage se contienne. Donne-moi son gage: les lions apprivoisent les léopards.

      NORFOLK. – Oui, mais ils ne peuvent changer leurs taches. Effacez mon déshonneur, et je cède mon gage. Mon cher maître, le trésor plus pur que puisse donner cette vie mortelle, c'est une réputation sans tache: dépouillés de ce bien, les hommes ne sont plus qu'une terre dorée, une argile peinte. Le diamant précieux enfermé sous les dix verrous d'un coffre-fort, c'est un esprit hardi dans un coeur loyal. Mon honneur est ma vie, tous deux existent conjointement: si tu m'ôtes l'honneur, je n'ai plus de vie. Ainsi mon cher souverain, laisse-moi défendre mon honneur; c'est par lui que je vis, et je mourrai pour lui.

      RICHARD. – Cousin, jetez votre gage: commencez-le premier.

      BOLINGBROKE. – Que Dieu préserve mon âme d'un si horrible péché! Ne montrerai-je le front humilié à la vue de mon père, et démentirai-je ma fierté par la crainte d'un pâle mendiant, devant ce lâche que j'ai bravé? Avant que ma langue outrage mon honneur par une indigne faiblesse, et se prête à une si honteuse composition, mes dents déchireront le servile instrument de la crainte renégate, et le cracheront sanglant pour compléter sa honte, là où siége la honte, à la face de Mowbray.

      RICHARD. – Nous ne sommes pas nés pour solliciter, mais pour condamner. Puisque nous ne pouvons vous rendre amis, soyez prêts, le jour de Saint-Lambert, à répondre sur vos vies: c'est là que vos épées et vos lances décideront les débats toujours grossissant de votre haine obstinée. Puisque nous ne pouvons vous adoucir, nous, verrons la justice manifester par la victoire de quel côté se trouve l'honneur. – Maréchal, ordonnez à nos officiers d'armes de se tenir prêts pour diriger ce combat domestique.

(Ils sortent.)

      SCÈNE II

La scène est toujours à Londres, dans le palais du duc de Lancastre Entrent GAUNT, LA DUCHESSE DE GLOCESTER

      GAUNT. – Hélas! cette part que j'avais dans le sang de Glocester me sollicite plus fortement que vos cris à poursuivre les bouchers de sa vie. Mais puisque le châtiment réside dans les mains qui ont fait le crime que nous ne pouvons punir, remettons notre cause à la volonté du ciel, qui, lorsqu'il en verra les temps mûrs sur la terre, fera pleuvoir sa brûlante vengeance sur la tête des coupables.

      LA DUCHESSE DE GLOCESTER. – Quoi! la qualité de frère ne trouvera pas en toi un aiguillon plus pénétrant? ton vieux sang n'a pas conservé vivante une étincelle d'affection? Les sept fils d'Edouard, au nombre desquels tu te comptes, étaient comme sept vases de son sang sacré, comme sept belles branches sorties d'une seule racine: quelques-uns de ces vases ont


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<p>2</p>

Monnaie d'or.