Histoire littéraire d'Italie (3. Pierre Loius Ginguené

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Histoire littéraire d'Italie (3 - Pierre Loius Ginguené


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de Rosebecq, remportée sur les Flamands, en 1382, par les Français, que commandait le duc de Bourgogne 167; mais on n'a pas tenu aussi exactement compte de leurs charlataneries et de leurs bévues.

      On est encore forcé de compter parmi les astrologues le fameux Paul le géomètre, né à Prado, en Toscane, à qui son savoir en arithmétique, fit aussi donner le nom de Paul de l'Abbaco. Il ne se bornait pas à connaître les astres et à en tirer des pronostics; il construisait de ses propres mains des machines ingénieuses où tous leurs mouvements étaient fidèlement représentés. Sa réputation fut encore plus grande en France, en Angleterre, en Espagne, et jusque parmi les Arabes, que dans son pays même 168. Philippe Villani l'a fait mourir en 1365 169; et cependant on cite de lui un testament fait l'année suivante 170. Par ce testament, il ordonna que ses ouvrages astrologiques fussent déposés dans un couvent de Florence 171, que les moines en eussent une clef, sa famille une autre, et qu'on les y conservât jusqu'à ce qu'il se trouvât un astrologue florentin qui fût jugé, par quatre maîtres dans cet art, digne de les posséder. On ne dit pas ce que sont devenus ces clefs et ce dépôt, ni si, dans le grand nombre d'astrologues qui existaient alors, il y en eut qui se soucièrent de subir ce jugement 172.

      Ni leur nombre, ni leur succès n'en imposaient à Pétrarque, que l'on trouve toujours à cette époque répandant les lumières ou combattant l'erreur; loin de se laisser entraîner au torrent, il ne cessa de se moquer de l'astrologie et des astrologues, soit dans ses ouvrages publiés, soit dans ses lettres 173. Mais c'étaient des paroles jetées au vent. L'ignorance était trop générale et le préjugé trop enraciné, pour que les efforts d'un seul homme, quelque supérieur qu'il fût, pussent réussir à l'abattre. Il ne se moqua pas moins des alchimistes 174 que des astrologues, et il ne diminua ni leur nombre, très-grand dans ce siècle, ni celui de leurs dupes.

      L'alchimie était l'abus de la chimie qui était alors peu avancée, comme l'astrologie l'était de l'astronomie qui était aussi dans son enfance. La médecine empruntait trop souvent les visions de l'une et de l'autre; mais souvent aussi elle s'en tenait à ses propres études, et elle dut à ce siècle quelques progrès. Jacques Dondi et Jean son fils, médecins et amis de Pétrarque, qui pourtant n'aimait pas les médecins, ne furent ni alchimistes, ni astrologues, mais joignirent tous deux à leur profession l'étude de l'astronomie et de la mécanique. Padoue, leur patrie, dut au premier et Pavie au second, deux horloges qui furent généralement admirées 175. Padoue et Pavie avaient, comme Bologne, Florence, Pise, Pérouse et toutes les universités des chaires de médecine. Elles produisaient de savants élèves, qui devenaient à leur tour de célèbres professeurs. La plupart s'en tenaient à l'enseignement et à la pratique. Quelques uns, cependant, écrivaient, et c'est dans ceux de leurs ouvrages qui se sont conservés qu'on peut apprendre ce que l'art était de leur temps. Mais et leurs ouvrages et leurs noms mêmes appartiennent à l'histoire de cette science. Je ne nommerai ici qu'un médecin, qui paraît s'être élevé dans le quatorzième siècle au-dessus de tous les autres; c'est le célèbre Mondinus, regardé encore aujourd'hui comme le restaurateur de l'anatomie, dont il a laissé un Traité, le premier qui ait été écrit depuis les anciens 176. Ce traité servait encore de texte et presque de loi dans les universités, deux cents ans après sa mort. Milan, Bologne, Forli et d'autres villes se disputent l'honneur d'avoir donné naissance à Mondinus; mais il suffit, pour la gloire de l'Italie, qu'il soit né, qu'il ait étudié, exercé, enseigné, fait ses belles expériences, et écrit dans son sein 177.

      Un art moins conjectural que la médecine, avait eu, dès le commencement de ce siècle, un écrivain qui a joui et jouit encore d'une grande réputation. Pierre Crezcenzio écrivit, dans un âge fort avancé, sur le premier des arts, l'agriculture. Sa vie active appartient plus au treizième siècle qu'au quatorzième. Né à Bologne d'une famille honnête et aisée, après y avoir fait ses premières études en philosophie, en médecine et dans les sciences naturelles, il se livra plus particulièrement à l'étude des lois. Il ne prit cependant point le degré de docteur et se borna au titre de juge, qui était alors celui des simples jurisconsultes. Ils avaient le pouvoir de traiter, de débattre et de défendre les causes; mais ils ne pouvaient pas occuper les chaires publiques et y donner des leçons, privilége réservé aux seuls docteurs.

       Crezcenzio s'éloigna de sa patrie, quand il la vit déchirée par des dissensions civiles, où il ne lui convint pas de prendre parti. Les villes d'Italie, qui étaient alors presque toutes indépendantes, étaient dans l'usage de choisir hors de leur sein des gouverneurs civils et militaires, sous le titre de capitaines ou de podestà. Elles exigeaient qu'ils amenassent avec eux, et à leurs frais, des hommes de loi qui leur servaient d'assesseurs dans le jugement des causes, et qui jugeaient eux-mêmes dans les tribunaux, suivant les coutumes de chaque pays. Un grand nombre de nobles bolonais furent appelés à ces magistratures temporaires, mais suprêmes. L'Université de Bologne, fertile en savants jurisconsultes, leur fournissait facilement des assesseurs, et ce fut en remplissant ces sortes d'emplois que Crezcenzio parcourut pendant trente ans l'Italie, rendant la justice aux citoyens, donnant, aux gouverneurs qu'il accompagnait, de sages conseils, et maintenant de tout son pouvoir les cités dans des sentiments de concorde et dans un état de paix. Il observait partout les procédés de l'agriculture, pour laquelle il avait un goût particulier. Enfin, de retour à Bologne, et déjà fort âgé, il recueillit toutes ses observations, et publia, vers l'an 1304, un Traité d'agriculture, divisé en douze livres, qu'il dédia au roi de Naples, Charles II. Il survécut près de seize ou dix-sept ans à cette publication, et mourut vers la fin de 1320, âgé d'environ quatre-vingt-sept ans 178.

      Les préceptes contenus dans son ouvrage sont tirés soit des anciens, de Caton, Varron, Columelle, Palladius, soit de ses propres observations. Cette partie, en quelque sorte pratique, est excellente et pourrait être encore utile aujourd'hui; elle est au moins très-curieuse par la connaissance qu'elle nous donne des procédés de la culture italienne, que l'on voit avec surprise avoir été, dès cette époque reculée, sur un grand nombre d'objets, la même que de nos jours. On peut citer pour exemple le chapitre de la culture du lin, où l'auteur prescrit les engrais, le double labour, l'un profond avant l'hiver, l'autre superficiel au printemps, et d'autres méthodes excellentes, auxquelles les cultivateurs modernes les plus instruits ne pourraient rien ajouter 179; mais lorsqu'il veut s'élever à la théorie, et rendre raison des qualités de l'air, de la fécondité de la terre, de la végétation, et des autres phénomènes naturels par la doctrine d'Avicenne ou du grand Albert, il se jette dans des explications et des distinctions subtiles et pleines d'erreurs. Ce livre, écrit en latin, fut traduit en italien avant la fin du même siècle. On avait attribué à Crezcenzio lui-même cette traduction; mais il a été reconnu depuis qu'elle date du temps où la langue avait acquis tout son perfectionnement, c'est-à-dire d'un demi-siècle après l'époque où l'auteur écrivait. On ignore le nom du traducteur: seulement, dit le père Bartoli 180, on reconnaît à la perfection de son style qu'il est du siècle où l'on écrivait le mieux 181.

      La jurisprudence, qui avait été la profession de cet auteur agronome, était, par les mêmes raisons que la théologie, dans un haut degré de faveur. Les Universités de Bologne, de Padoue, de Pavie, de Naples, s'y distinguaient à l'envi. Cependant, depuis le fameux Accurse, aucun homme n'avait paru capable de jeter une nouvelle lumière sur les obscurités de cette science, que le nombre même de ceux qui la professaient devait inévitablement augmenter. Enfin parut le grand Barthole, dont la poussière et les vers rongent aujourd'hui les énormes volumes, mais qui reçut dans ce siècle des honneurs


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<p>167</p>

Voy. Catalogue des principaux Astrologues, etc. etc.

<p>168</p>

Tiraboschi, ub. supr.

<p>169</p>

Uomini illustri Fiorentini.

<p>170</p>

Mehus, Vit Ambros. Camaldul, p. 194; Manni. Sigili, t. XIV, p. 22, etc.

<p>171</p>

: La Sainte-Trinité.

<p>172</p>

Manni, loc. cit., et Mazzuchelli, notes sur Philippe Villani, disent que quelques-uns des ouvrages de Paul ont été imprimés à Bâle en 1532; mais Tiraboschi avoue qu'il n'en a aucune connaissance, et qu'il ne connaît non plus aucun autre écrivain qui en ait parlé.

<p>173</p>

Voy. surtout une Lettre à Boccace, Senil, l. III, ép. I.

<p>174</p>

Voy. De Remed. utr. fortunæ, l. I, Dial. III.

<p>175</p>

J'ai parlé de ces horloges et de leurs deux auteurs, t. II, p. 446, note 2. Falconnet a fait sur ce sujet une Dissertation, Mém. de l'Académ. des Inscript. et Bel. Let., t. XX, p. 440, où il a confondu le fils et le père, et commis d'autres erreurs, que Tiraboschi a redressées, t. V, p. 177 et suiv.

<p>176</p>

Voy. Freind, Histor. Medic., et M. Portal, Histoire de l'Anatomie, t. I.

<p>177</p>

Le Traité d'Anatomie de Mondinus a eu plusieurs éditions citée par M. Portal, par Fabricius, Bibl. med. et inf. latin., vol. V, etc.

<p>178</p>

Vita di P. Crezcenzio, en tête de la traduction ital. de son livre, édit. des auteurs classiques, Milan, 1805, in 8.

<p>179</p>

M. Corniani, I Secoli della Letter. ital., t. I, p. 178.

<p>180</p>

À la fin de la préface du petit Traité de critique grammaticale, intitulé: Il Torto ed il dritto del non si può, qu'il a donné sous le nom de Ferrante Longobardi, Rome, 1655, pet. in-12.

<p>181</p>

La première édition de l'ouvrage latin est de 1471, Augsbourg, in-fol., sous ce titre: Petri de Crescentiis ruralium commodorum, lib. XII, Augustœ vindeticorum, etc. La traduction italienne fut imprimée pour la première fois à Florence, 1478, aussi in-fol. Les deux meilleures éditions sont celles de Cosme Giunta, 1605, et de Naples, 1724, 2 vol. in-8.