LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

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LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан


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où ils avaient pris place pendant la longue conversation qu’ils venaient d’avoir avec le président du Conseil, mais celui-ci se leva, et, serrant la main du chef de la Sûreté, lui dit du ton le plus cordial :

      – Je ne doute pas, mon cher Lenormand, que vous ne sachiez la raison pour laquelle je vous ai prié de venir ?

      – L’affaire Kesselbach ?

      – Oui.

      L’affaire Kesselbach ! Il n’est personne qui ne se rappelle, non seulement cette tragique affaire Kesselbach dont j’ai entrepris de débrouiller l’écheveau complexe, mais encore les moindres péripéties du drame qui nous passionna tous, deux ans avant la guerre. Et personne non plus qui ne se souvienne de l’extraordinaire émotion qu’elle souleva en France et hors de France. Et cependant, plus encore que ce triple meurtre accompli dans des circonstances si mystérieuses, plus encore que l’atrocité détestable de cette boucherie, plus encore que tout, il est une chose qui bouleversa le public, ce fut la réapparition, on peut dire la résurrection d’Arsène Lupin.

      Arsène Lupin ! Nul n’avait plus entendu parler de lui depuis quatre ans, depuis son incroyable, sa stupéfiante aventure de l’Aiguille creuse, depuis le jour où, sous les yeux de Herlock Sholmès et d’Isidore Beautrelet, il s’était enfui dans les ténèbres, emportant sur son dos le cadavre de celle qu’il aimait, et suivi de sa vieille nourrice Victoire.

      Depuis ce jour-là, généralement, on le croyait mort. C’était la version de la police, qui, ne retrouvant aucune trace de son adversaire, l’enterrait purement et simplement.

      D’aucuns, pourtant, le supposant sauvé, lui attribuaient l’existence paisible d’un bon bourgeois, qui cultive son jardin entre son épouse et ses enfants ; tandis que d’autres prétendaient que, courbé sous le poids du chagrin, et las des vanités de ce monde, il s’était cloîtré dans un couvent de trappistes.

      Et voilà qu’il surgissait de nouveau ! Voilà qu’il reprenait sa lutte sans merci contre la société ! Arsène Lupin redevenait Arsène Lupin, le fantaisiste, l’intangible, le déconcertant, l’audacieux, le génial Arsène Lupin.

      Mais cette fois un cri d’horreur s’éleva. Arsène Lupin avait tué ! Et la sauvagerie, la cruauté, le cynisme implacable du forfait étaient tels que, du coup, la légende du héros sympathique, de l’aventurier chevaleresque et, au besoin, sentimental, fit place à une vision nouvelle de monstre inhumain, sanguinaire et féroce. La foule exécra et redouta son ancienne idole, avec d’autant plus de violence qu’elle l’avait admirée naguère pour sa grâce légère et sa bonne humeur amusante.

      Et l’indignation de cette foule apeurée se tourna dès lors contre la police. Jadis, on avait ri. On pardonnait au commissaire rossé, pour la façon comique dont il se laissait rosser. Mais la plaisanterie avait trop duré, et, dans un élan de révolte et de fureur, on demandait compte à l’autorité des crimes inqualifiables qu’elle était impuissante à prévenir.

      Ce fut, dans les journaux, dans les réunions publiques, dans la rue, à la tribune même de la Chambre, une telle explosion de colère que le Gouvernement s’émut et chercha par tous les moyens à calmer la surexcitation publique.

      Valenglay, le président du Conseil, avait précisément un goût très vif pour toutes les questions de police, et s’était plu souvent à suivre de près certaines affaires avec le chef de la Sûreté dont il prisait les qualités et le caractère indépendant. Il convoqua dans son cabinet le Préfet et le Procureur général, avec lesquels il s’entretint, puis M. Lenormand.

      – Oui, mon cher Lenormand, il s’agit de l’affaire Kesselbach. Mais avant d’en parler, j’attire votre attention sur un point… sur un point qui tracasse particulièrement M. le Préfet de police. Monsieur Delaume, voulezvous expliquer à M. Lenormand ?

      – Oh ! M. Lenormand sait parfaitement à quoi s’en tenir à ce sujet, répliqua le Préfet d’un ton qui indiquait peu de bienveillance pour son subordonné ; nous en avons causé tous deux ; je lui ai dit ma façon de penser sur sa conduite incorrecte au Palace-Hôtel. D’une façon générale, on est indigné.

      M. Lenormand se leva, sortit de sa poche un papier qu’il déposa sur la table.

      – Qu’est ceci ? demanda Valenglay.

      – Ma démission, monsieur le Président.

      Valenglay bondit.

      – Quoi ! Votre démission ? Pour une observation bénigne que M. le Préfet vous adresse et à laquelle il n’attribue d’ailleurs aucune espèce d’importance n’est-ce pas, Delaume, aucune espèce d’importance ? Et voilà que vous prenez la mouche ! Vous avouerez, mon bon Lenormand, que vous avez un fichu caractère. Allons, rentrez-moi ce chiffon de papier et parlons sérieusement.

      Le chef de la Sûreté se rassit, et Valenglay, imposant le silence au Préfet qui ne cachait pas son mécontentement, prononça :

      – En deux mots, Lenormand, voici la chose : la rentrée en scène de Lupin nous embête. Assez longtemps cet animal-là s’est fichu de nous. C’était drôle, je le confesse, et, pour ma part, j’étais le premier à en rire. Il s’agit maintenant de crimes. Nous pouvions subir Arsène Lupin tant qu’il amusait la galerie. S’il tue, non.

      – Et alors, monsieur le Président, que me demandez-vous ?

      – Ce que nous demandons ? Oh ! C’est bien simple. D’abord son arrestation, ensuite sa tête.

      – Son arrestation, je puis vous la promettre pour un jour ou l’autre. Sa tête, non.

      – Comment ! Si on l’arrête, c’est la cour d’assises, la condamnation inévitable et l’échafaud.

      – Non.

      – Et pourquoi non ?

      – Parce que Lupin n’a pas tué.

      – Hein ? Mais vous êtes fou, Lenormand. Et les cadavres du Palace-Hôtel, c’est une fable, peut-être ! Il n’y a pas eu triple assassinat ?

      – Oui, mais ce n’est pas Lupin qui l’a commis.

      Le chef articula ces mots très posément, avec une tranquillité et une conviction impressionnantes.

      Le Procureur et le Préfet protestèrent. Mais Valenglay reprit :

      – Je suppose, Lenormand, que vous n’avancez pas cette hypothèse sans de sérieux motifs ?

      – Ce n’est pas une hypothèse.

      – La preuve ?

      – Il en est deux, d’abord, deux preuves de nature morale, que j’ai sur-le-champ exposées à M. le juge d’instruction et que les journaux ont soulignées. Avant tout, Lupin ne tue pas. Ensuite, pourquoi aurait-il tué puisque le but de son expédition, le vol, était accompli, et qu’il n’avait rien à craindre d’un adversaire attaché et bâillonné ?

      – Soit. Mais les faits ?

      – Les faits ne valent pas contre la raison et la logique, et puis les faits sont encore pour moi. Que signifierait la présence de Lupin dans la chambre où l’on a trouvé l’étui à cigarettes ? D’autre part, les vêtements noirs que l’on a trouvés, et qui étaient évidemment ceux du meurtrier, ne concordent nullement, comme taille, avec ceux d’Arsène Lupin.

      – Vous le connaissez donc, vous ?

      – Moi, non. Mais Edwards l’a vu, Gourel l’a vu, et celui qu’ils ont vu n’est pas celui que la femme de chambre a vu dans l’escalier de service, entraînant Chapman par la main.

      – Alors, votre système ?

      – Vous voulez dire « la vérité », monsieur le Président. La voici, ou du moins, ce que je sais de la vérité. Mardi le 16 avril, un individu Lupin a fait irruption dans la chambre de M. Kesselbach, vers deux


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