LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан

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LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur - Морис Леблан


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Quatre d’entre eux exerçaient ouvertement la profession de « marchands d’habits ». Deux autres vendaient des journaux, le septième se disait brocanteur et c’est ainsi, du reste, qu’on le nommait.

      Ils passaient les uns auprès des autres sans avoir l’air de se connaître. Mais, le soir, Lupin constata qu’ils se réunissaient dans une sorte de remise située tout au fond de la dernière des cours, remise où le Brocanteur accumulait ses marchandises, vieilles ferrailles, salamandres démolies, tuyaux de poêles rouillés et sans doute aussi la plupart des objets volés.

      « Allons, se dit-il, la besogne avance. J’ai demandé un mois à mon cousin d’Allemagne, je crois qu’une quinzaine suffira. Et, ce qui me fait plaisir, c’est de commencer l’opération par les gaillards qui m’ont fait faire un plongeon dans la Seine. Mon pauvre vieux Gourel, je vais enfin te venger. Pas trop tôt ! »

      À midi, il entrait au restaurant Buffalo, dans une petite salle basse, où des maçons et des cochers venaient consommer le plat du jour. Quelqu’un vint s’asseoir auprès de lui.

      – C’est fait, patron.

      – Ah ! C’est toi, Doudeville. Tant mieux. J’ai hâte de savoir. Tu as les renseignements ? L’acte de naissance ? Vite, raconte.

      – Eh bien ! Voilà. Le père et la mère d’Altenheim sont morts à l’étranger.

      – Passons.

      – Ils laissaient trois enfants.

      – Trois ?

      – Oui, l’aîné aurait aujourd’hui trente ans. Il s’appelait Raoul de Malreich.

      – C’est notre homme, Altenheim. Après ?

      – Le plus jeune enfant était une fille, Isilda. Le registre porte à l’encre fraîche la mention « Décédée ».

      – Isilda… Isilda, redit Lupin c’est bien ce que je pensais, Isilda était la sœur d’Altenheim… J’avais bien vu en elle une expression de physionomie que je connaissais… Voilà le lien qui les rattachait… Mais l’autre, le troisième enfant, ou plutôt le second, le cadet ?

      – Un fils. Il aurait actuellement vingt-six ans.

      – Son nom ?

      – Louis de Malreich.

      Lupin eut un petit choc.

      – Ça y est ! Louis de Malreich… Les initiales L. M. L’affreuse et terrifiante signature… L’assassin se nomme Louis de Malreich… C’était le frère d’Altenheim et le frère d’Isilda. Et il a tué l’un et il a tué l’autre par crainte de leurs révélations…

      Lupin demeura longtemps taciturne, sombre, avec l’obsession, sans doute, de l’être mystérieux. Doudeville objecta :

      – Que pouvait-il craindre de sa sœur Isilda ? Elle était folle, m’a-t-on dit.

      – Folle, oui, mais capable de se rappeler certains détails de son enfance. Elle aura reconnu le frère avec lequel elle avait été élevée… Et ce souvenir lui a coûté la vie.

      Et il ajouta :

      – Folle ! Mais tous ces gens-là sont fous… La mère, folle… Le père, alcoolique… Altenheim, une véritable brute… Isilda, une pauvre démente… Et quant à l’autre, l’assassin, c’est le monstre, le maniaque imbécile…

      – Imbécile, vous trouvez, patron ?

      – Eh oui, imbécile ! Avec des éclairs de génie, avec des ruses et des intuitions de démon, mais un détraqué, un fou comme toute cette famille de Malreich. Il n’y a que les fous qui tuent, et surtout des fous comme celui-là. Car enfin…

      Il s’interrompit, et son visage se contracta si profondément que Doudeville en fut frappé.

      – Qu’y a-t-il, patron ?

      – Regarde.

      – 3 –

      Un homme venait d’entrer qui suspendit à une patère son chapeau – un chapeau noir, en feutre mou – s’assit à une petite table, examina le menu qu’un garçon lui offrait, commanda, et attendit, immobile, le buste rigide, les deux bras croisés sur la nappe.

      Et Lupin le vit bien en face.

      Il avait un visage maigre et sec, entièrement glabre, troué d’orbites profondes au creux desquelles on apercevait des yeux gris, couleur de fer. La peau paraissait tendue d’un os à l’autre, comme un parchemin, si raide, si épais, qu’aucun poil n’aurait pu le percer.

      Et le visage était morne. Aucune expression ne l’animait. Aucune pensée ne semblait vivre sous ce front d’ivoire. Et les paupières, sans cils, ne bougeaient jamais, ce qui donnait au regard la fixité d’un regard de statue.

      Lupin fit signe à l’un des garçons de l’établissement.

      – Quel est ce monsieur ?

      – Celui qui déjeune là ?

      – Oui.

      – C’est un client. Il vient deux ou trois fois la semaine.

      – Vous connaissez son nom ?

      – Parbleu oui ! Léon Massier.

      – Ah ! balbutia Lupin, tout ému, L. M., les deux lettres, serait-ce Louis de Malreich ?

      Il le contempla avidement. En vérité l’aspect de l’homme se trouvait conforme à ses prévisions, à ce qu’il savait de lui et de son existence hideuse. Mais ce qui le troublait, c’était ce regard de mort, là où il attendait la vie et la flamme c’était l’impassibilité, là où il supposait le tourment, le désordre, la grimace puissante des grands maudits.

      Il dit au garçon :

      – Que fait-il, ce monsieur ?

      – Ma foi, je ne saurais trop dire. C’est un drôle de pistolet… Il est toujours tout seul… Il ne parle jamais à personne. Ici nous ne connaissons même pas le son de sa voix. Du doigt il désigne sur le menu les plats qu’il veut… En vingt minutes, c’est expédié… Il paye… s’en va…

      – Et il revient ?

      – Tous les quatre ou cinq jours. Ce n’est pas régulier.

      – C’est lui, ce ne peut être que lui, se répétait Lupin, c’est Malreich, le voilà… il respire à quatre pas de moi. Voilà les mains qui tuent. Voilà le cerveau qu’enivre l’odeur du sang… Voilà le monstre, le vampire…

      Et pourtant, était-ce possible ? Lupin avait fini par le considérer comme un être tellement fantastique qu’il était déconcerté de le voir sous une forme vivante, allant, venant, agissant. Il ne s’expliquait pas qu’il mangeât, comme les autres, du pain et de la viande, et qu’il bût de la bière comme le premier venu, lui qu’il avait imaginé ainsi qu’une bête immonde qui se repaît de chair vivante et suce le sang de ses victimes.

      – Allons-nous-en, Doudeville.

      – Qu’est-ce que vous avez, patron ? Vous êtes tout pâle.

      – J’ai besoin d’air. Sortons.

      Dehors, il respira largement, essuya son front couvert de sueur et murmura :

      – Ça va mieux. J’étouffais.

      Et, se dominant, il reprit :

      – Doudeville, le dénouement approche. Depuis des semaines, je lutte à tâtons contre l’invisible ennemi. Et voilà tout à coup que le hasard le met sur mon chemin ! Maintenant, la partie est égale.

      – Si l’on se séparait, patron ? Notre homme nous a vus ensemble. Il nous remarquera


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