Hokousaï. Edmond de Goncourt
Читать онлайн книгу.de ces fleurs, où presque un imperceptible gaufrage détache les pistils.
Je citerai parmi les sourimonos de la collection de M. Gonse:
Un bouquet d'arbres sur une rivière, et la devanture d'un intérieur de maison où deux hommes travaillent à la fabrication de poupées. Ce serait l'habitation de Toyokouni, le voisin d'Hokousaï, dans le Katsoushika, en le temps où Toyokouni n'était pas encore peintre, mais fabricateur de poupées.
Un paysage tout blanc, tout rose, qui par la floraison des arbres fruitiers est comme le jaillissement du printemps dans un paysage d'hiver.
Je citerai parmi les sourimonos de M. Vever:
La promenade, dans un temple, de Japonais et de Japonaises examinant les tableaux accrochés au mur, et où est représenté un groupe de deux Japonais arrêtés devant un kakémono, dont l'un regarde la peinture et l'autre regarde les femmes.
Un Japonais dans une «Maison Verte» en train de fumer. Sa maîtresse, à côté de lui, fait essayer, pour l'amusement de son amant, un pas de danse à sa kamouro, à sa fillette de service, dont un maître de danse, agenouillé devant elle, guide les mouvements.
Je citerai, dans le format moyen, parmi les sourimonos de M. Haviland:
Un dieu du tonnerre se précipitant au milieu des éclairs dans le bain d'une femme à moitié déshabillée; un lutteur ou un kami, dont une femme remplit de saké la coupe, une coupe grande comme un plat, tandis que deux autres femmes accroupies à ses pieds rient de sa grosse bedaine poilue, prenant l'air.
Dans les grandes bandes:
Une vue de la Soumida couverte de bateaux.
Des tisseuses de soie, au métier établi en pleine campagne, et dont l'une se voit à travers les fils d'un compartiment du métier.
De petits Japonais jouant auprès d'un pont. Impression signée: Gwakiôjin Hokousaï, en état d'ivresse.
Citons en dernier lieu, dans la collection de M. Chialiva:
Un sourimono unique, le plus grand sourimono qu'on connaisse (L. 100) et qui représente un pont dans le genre du grand pont de la Soumida d'Outamaro et où, dans un personnage de profil, au petit bonnet noir, à la robe bleuâtre, on croit reconnaître Hokousaï. C'est, sur ce pont, des promeneurs et des promeneuses dans une halte de repos et de contemplation. Il y a un groupe de trois femmes dont la tête penchée de l'une en dehors de la balustrade, regarde dans la rivière; un autre groupe d'hommes est en train de disserter; un Japonais, qui a accroché à une traverse une branche d'arbuste fleuri, est à demi couché sur la barrière tandis qu'au bout du pont une femme cause avec une amie, les deux mains appuyées contre la rampe dans une attitude charmante de vérité.
Ce sourimono qui est la réunion de deux grands sourimonos est signé: Hokousaï Sôri.
VII
Mais revenons en arrière; revenons à ces années où, en même temps que Hokousaï publie de nombreux sourimonos, il illustre un certain nombre d'ouvrages.
En 1797, paraît Hatsou Wakana, LES PRIMEURS DES LÉGUMES VERTS.
Un volume rarissime, illustré en tout d'une seule planche d'Hokousaï, qui signe: Hokousaï Sori changé de nom.
Une paysanne en train de cueillir des herbes, à laquelle un enfant indique que le soleil se couche, et qui se retourne une main devant les yeux.
La même année paraît: Yanaghi-no-ito, CORDELETTES DU SAULE PLEUREUR, un volume de poésies, dont l'illustration était due à Yeshi, Kitao Shighémasa, et à Hokousaï, qui représente la rive de la mer, à Yénoshima, où déferle une grosse vague, une planche qui a le doux coloriage et le joli gaufrage d'un sourimono.
La même année paraît Shunkiô-jô, DISTRACTIONS DU PRINTEMPS, un volume de poésies dont Hayashi n'a jamais rencontré qu'un seul exemplaire, un volume aux nuances douces, amorties des planches, annonçant une publication faite par une société d'amateurs.
Une impression charmante est la planche en couleur où Hokousaï a représenté une collation dans la campagne, et où des femmes s'amusent à faire flotter sur un cours d'eau des coupes à saké, et l'homme auquel le courant l'apporte est obligé d'improviser une phrase poétique, sous peine, s'il ne peut l'improviser, de boire trois coupes.
La même année paraît encore Sandara Kasoumi, LA BRUME DE LA CAMPAGNE, un volume fait en collaboration avec Shighémasa et Tsoukané.
La planche qu'Hokousaï signe Hokousaï Sôri nous fait voir une habitation de la campagne dont sort une paysanne, un enfant à la main, un autre enfant lié sur son dos par sa ceinture, tandis que dans le fond arrivent des femmes de la ville suivies d'un porteur.
Des roses, des gris, des jaunes, qui sont comme l'aube de ces couleurs, et au milieu desquelles éclate le rouge de la robe de l'enfant que la paysanne tient par la main.
VIII
En 1798, paraît Dan tóka, CHANSONS DE DANSE POUR HOMMES[12].
[Note 12: Le titre est trompeur, car le volume ne contient que des poésies qui ne peuvent pas se chanter.]
Un volume de poésies où collaborent les dessinateurs Yékighi Tôrin, Yeishi, Shighémasa, Outamaro, Hokousaï: chaque artiste apportant le dessin d'une planche.
Une impression très soignée ressemblant à de la vraie aquarelle, avec le marron comme couleur dominante dans les robes des femmes.
La même année Hokousaï publie, sous la signature Kakô, l'HISTOIRE NATURELLE DES MONSTRES, Wakémono Yamato Honzô, dont le texte était donné par Kiôdén.
Un livre aux allusions ironiques, sans doute à propos de la publication d'un sérieux ouvrage sur l'histoire naturelle, et où l'imagination du dessinateur se donne toute liberté dans la création de ses monstres, les faisant, tour à tour, ridicules ou terribles. C'est dans l'effroi de femmes se cachant la figure, d'hommes couchés à terre, un monstre aux ailes de toile d'araignée, à la queue formée par le déroulement d'une lettre japonaise, à la tête faite par des besicles jouant l'appareil visuel de la libellule; c'est une tête de femme flottant sur l'eau, dont les épingles de la chevelure lui donnent l'aspect d'un crabe; c'est un arbre dont les feuilles sont des pièces d'or; c'est un oiseau à deux têtes, un dessin faisant revivre la légende des deux oiseaux si amoureux l'un de l'autre qu'ils semblaient ne faire qu'un oiseau.
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