Les zones critiques d'une anthropologie du contemporain. Группа авторов
Читать онлайн книгу.Quel post-séminaire ?
Le séminaire Afrique australe s’est arrêté quand tous ses protagonistes sont arrivés à la retraite, le dernier étant moi. À la dernière séance du dernier séminaire 12/13, nous avons discuté les travaux des étudiant.es et trinqué, mais clore trente ans… et Jean étant retenu avec son propre séminaire… nous les avions conviés aux prolongations. Après la fin du GDR « Afrique australe », Ingolf a repris et porté le flambeau jusqu’à maintenant et le bilan est de toute évidence pour le mercredi 12 juin avec les collègues et personnels proches de l’Ehess, bien sûr Élisabeth Dubois et Alain Musset… et des ancien.nes du GDR sont venues, d’autres nous ont écrit. De même, notre Luso-chef d’antan de Bordeaux, Michel Cahen s’est adressé à moi et aux « chers amis » (6/6/13) : « Résidant actuellement au Brésil, je regrette beaucoup de ne pouvoir être parmi vous pour cette dernière séance. Même si, à l’époque (années 1980-1990), avec la fougue de ma jeunesse, j’étais souvent bien (et bien trop) critique de ce qui se faisait dans ce séminaire, il n’en reste pas moins qu’il a été un vecteur fondamental de structuration et développement de la recherche sur l’Afrique australe en France, quand l’Afrique australe était encore bien proche de la planète Mars pour le commun des universitaires de notre pays ; Après la fin du GDR “Afrique australe”, Ingolf a repris et porté le flambeau jusqu’à maintenant et le bilan est de toute évidence plus que positif », et de « rappeler ici la mémoire de nos deux amis et grands scientifiques, piliers du séminaire et disparus bien trop tôt, Christian Geffray et Christine Messiant ».
Séminaire État, Sociétés et Problèmes sociaux en Afrique Australe
Compte rendu de l’année 2012-2013 par Ingolf Diener
Créé en 1983 par le GDR 846 CNRS dirigé par Claude Meillassoux pour accompagner scientifiquement les luttes sociales et/ou anti-apartheid et les décolonisations tardives dans cette partie de l’Afrique, le séminaire avait ensuite travaillé la question de la « transition » (du connu vers quoi ?) et la phase du post (– apartheid, – conflit, – colonial). Comment évoluent ces sociétés, désormais également acteurs sur la scène africaine et sur l’échiquier de la mondialisation ? Seule plateforme scientifique en région parisienne focalisée sur l’Afrique australe, le séminaire a gardé son approche transdisciplinaire, comptant sur ses propres compétences et celles de chercheur.e.s du cru de passage en France.
Didactiques, les trois séances du premier semestre, assurées par Ingolf Diener (CERASA-PARIS 8), Roger Meunier (EHESS) et Michel Lafon (CNRS-LLACAN, Research Fellow University of Pretoria) ont présenté les connaissances de base sur les plans historique, économique, politique, anthropologique : prégnance des colonisations de peuplement ; dynamique en spirale du capitalisme minier et agricole, boulimique en main-d’œuvre et centré sur l’Afrique du Sud, devenue fabrique de discriminations et d’identités. La contestation de cet ordre tout comme sa répression ont suivi cette dynamique transfrontalière, finissant en guerre régionale. Ces interactions ont lié ces pays entre eux, au-delà du seul fait de se trouver dans la partie australe du continent.
La 4e séance (Ingolf Diener, 19/12/12) a complété ce dispositif en montrant les efforts entrepris en Namibie et en Afrique du Sud pour réarticuler le pouvoir des chefs, légitimé par leur contrôle de fait des terres dites communautaires, avec celui de l’État désormais légitimé par le suffrage universel aux échelons national, régional et local. Tout le monde est citoyen, et nombre d’entre eux sont aussi sujets. Certains élus cherchent l’aura du traditionnel, et certains chefs arrivent à faire venir des équipements modernes. Un laborieux chantier institutionnel inachevé.
Les 5e et 6e séances ont porté sur les dynamiques identitaires en cours. Ingolf Diener (16/1/13), faisant état du retour des restes humains dans leurs terres africaines, a retracé les enjeux et procédés des stratégies mémorielles qui se développent, de part et d’autre, depuis la restitution de la « Vénus Hottentote » (par la France) et des Pienaar (par l’Autriche) à l’Afrique du Sud, et de crânes à la Namibie un siècle après le génocide des Herero, Nama et Damara. Notre collègue Simon Bekker (Université de Stellenbosch, 30/1/13) a développé la manière dont l’Afrique subsaharienne est perçue en Afrique du Sud, en confrontant les ouvrages de Duncan Clarke, 2008, Africa’s Future : Darkness to Destiny) et de Stephen Ellis (2011, Season of Rains: Africa in the World) à ses propres recherches comparatives sur les villes capitales africaines.
En 7e séance (6/2/13), Élisabeth Peyroux (CNRS-LISST, Université de Toulouse), partant de la stratégie des relations internationales de Johannesburg, a détaillé comment se montent des projets et équipes de recherches transnationales en matière d’urbanisme, autour de concepts et modèles en circulation – une recherche sur les recherches.
Cinq séances ont été consacrées à tracer l’évolution sur les plans social et foncier depuis la présidence de Mandela.
En une première séance (6/3/13), Judith Hayem (Université de Lille, CLERSÉ-CNRS) a montré comment les lignes du classique rapport entre capitalisme et racisme ont bougé suite à la sortie de l’apartheid. Ses enquêtes en usines du milieu urbain lui ont permis de dégager une figure ouvrière marquée par un nouveau nationalisme de la reconstruction et un unanimisme productiviste. Dans sa deuxième intervention (27/3/13), restituant la chronologie du massacre des mineurs à Marikana (août 2012) et les enjeux de cette grève ouvrière, pas syndicale, elle conclut à une figure ouvrière combative.
À l’occasion du centenaire du Land Act colonial, Nancy Andrew (chercheure associée au LAM, Sciences Po-Bordeaux) (20/2/13) rappelle la ségrégation spatiale (87 % de « terres blanches »/13 % de « terres noires »), avec force rapports de métayage plus ou moins informels entre familles noires et fermiers blancs. La réforme agraire voulue par l’ANC reste ambiguë : la redistribution de terres au profit d’anciens ayants droit, portant sur 8 %, est loin de l’objectif des 30 %, entre-temps révisé à la baisse. Quatre millions de « fermiers » noirs sur les terres communautaires, et 36 000 unités de production sur les terres commerciales qui subissent la concentration capitaliste. Et toujours plus de métayers renvoyés de ces fermes. Dans sa 2e intervention (15 mai 2013), elle évoque la reconversion de près d’un quart de ces fermes, regroupées à des fins de chasse, de safari et d’éco-tourisme de luxe ; et le sort des métayers qui, évincés de fait, se retrouvent soit dans des lotissements informels aux abords de townships, soit dans des fermes. Les anciens ouvriers agricoles n’ont pas le profil requis pour le nouveau type de personnel.
Côté Namibie, Olivier Graefe (Université de Fribourg-CH) (25, 5, p. 13) a suivi la réforme foncière dans les terres communautaires dans le cadre d’un projet de recherche portant sur la sécurité foncière, la réduction de la pauvreté et l’attention à l’environnement. Sur ce dernier point, la réforme est un succès. Il retrace les efforts entrepris depuis 1991, rappelle que les terres communautaires dépendent de subventions, et que 12 Community Land Boards régionales, comprenant des chefs et 4 femmes agricultrices, ont pour tâche d’attribuer des droits fonciers à des individus à vie et pour emploi agricole (enregistrement du droit d’usufruit, révocable). Appuyée sur un cadastre élaboré chemin faisant, cette procédure a permis en 10 ans d’attribuer une petite moitié de quelque 100 000 parcelles identifiées. L’individuation et l’acceptation de fait de l’État sur la terre érodent le pouvoir des chefs et tendent à l’effacement des terres communautaires.
En séance extraordinaire (20/3/13), notre invité Chris Tapscott (University of the Western Cape) s’est interrogé sur la pratique d’user et abuser du terme community, à travers une étude de cas à Cape Town sur des projets d’équipement, de services publics et du logement social dans les quartiers pauvres. La politique officielle vers une nation intégrée de citoyens, fort divers à divers titres, passe par leur implication dans une démocratie participative, démarche revendiquée dans beaucoup de pays : faire en sorte que les projets locaux ne soient pas imposés d’en haut par une