Арсен Люпен – джентельмен-грабитель / Arsеne Lupin Gentleman-Cambrioleur. Книга для чтения на французском языке. Морис Леблан
Читать онлайн книгу.son attitude nous impressionnèrent. Naïvement, miss Nelly demanda :
– Mais vous n’avez pas de blessure ?
– Il est vrai, dit-il, la blessure manque.
D’un geste nerveux il releva sa manchette et découvrit son bras. Mais aussitôt une idée me frappa. Mes yeux croisèrent ceux de miss Nelly : il avait montré le bras gauche.
Et ma foi, j’allais en faire nettement la remarque, quand un incident détourna notre attention. Lady Jerland, l’amie de miss Nelly, arrivait en courant.
Elle était bouleversée. On s’empressa autour d’elle, et ce n’est qu’après bien des efforts qu’elle réussit à balbutier :
– Mes bijoux, mes perles !… on a tout pris !…
Non, on n’avait pas tout pris, comme nous le sûmes par la suite; chose bien plus curieuse : on avait choisi !
De l’étoile en diamants, du pendentif en cabochons de rubis, des colliers et des bracelets brisés, on avait enlevé, non point les pierres les plus grosses, mais les plus fines, les plus précieuses, celles, aurait-on dit, qui avaient le plus de valeur tout en tenant le moins de place. Les montures gisaient là, sur la table. Je les vis, tous nous les vîmes, dépouillées de leurs joyaux comme des fleurs dont on eût arraché les beaux pétales étincelants et colorés.
Et pour exécuter ce travail, il avait fallu, pendant l’heure où lady Jerland prenait le thé, il avait fallu, en plein jour, et dans un couloir fréquenté, fracturer la porte de la cabine, trouver un petit sac dissimulé à dessein au fond d’un carton à chapeau, l’ouvrir et choisir !
Il n’y eut qu’un cri parmi nous. Il n’y eut qu’une opinion parmi tous les passagers, lorsque le vol fut connu : c’est Arsène Lupin. Et de fait, c’était bien sa manière compliquée, mystérieuse, inconcevable… et logique cependant, car s’il était difficile de recéler la masse encombrante qu’eût formée l’ensemble des bijoux, combien moindre était l’embarras avec de petites choses indépendantes les unes des autres, perles, émeraudes et saphirs.
Et au dîner, il se passa ceci : à droite et à gauche de Rozaine, les deux places restèrent vides. Et le soir on sut qu’il avait été convoqué par le commandant.
Son arrestation, que personne ne mit en doute, causa un véritable soulagement. On respirait enfin. Ce soir-là on joua aux petits jeux. On dansa. Miss Nelly, surtout, montra une gaieté étourdissante qui me fit voir que, si les hommages de Rozaine avaient pu lui agréer au début, elle ne s’en souvenait guère. Sa grâce acheva de me conquérir. Vers minuit, à la clarté sereine de la lune, je lui affirmai mon dévouement avec une émotion qui ne parut pas lui déplaire.
Mais le lendemain, à la stupeur générale, on apprit que, les charges relevées contre lui n’étant pas suffisantes, Rozaine était libre.
Fils d’un négociant considérable de Bordeaux, il avait exhibé des papiers parfaitement en règle. En outre, ses bras n’offraient pas la moindre trace de blessure.
– Des papiers ! des actes de naissance ! s’écrièrent les ennemis de Rozaine, mais Arsène Lupin vous en fournira tant que vous voudrez ! Quant à la blessure, c’est qu’il n’en a pas reçu… ou qu’il en a effacé la trace !
On leur objectait qu’à l’heure du vol, Rozaine – c’était démontré – se promenait sur le pont. À quoi ils ripostaient :
– Est-ce qu’un homme de la trempe d’Arsène Lupin a besoin d’assister au vol qu’il commet ?
Et puis, en dehors de toute considération étrangère, il y avait un point sur lequel les plus sceptiques ne pouvaient épiloguer : qui, sauf Rozaine, voyageait seul, était blond, et portait un nom commençant par R ? Qui le télégramme désignait-il, si ce n’était Rozaine ?
Et quand Rozaine, quelques minutes avant le déjeuner, se dirigea audacieusement vers notre groupe, miss Nelly et lady Jerland se levèrent et s’éloignèrent.
C’était bel et bien de la peur.
Une heure plus tard, une circulaire manuscrite passait de main en main parmi les employés du bord, les matelots, les voyageurs de toutes classes : M. Louis Rozaine promettait une somme de dix mille francs à qui démasquerait Arsène Lupin, ou trouverait le possesseur des pierres dérobées.
– Et si personne ne me vient en aide contre ce bandit, déclara Rozaine au commandant, moi, je lui ferai son affaire.
Rozaine contre Arsène Lupin, ou plutôt, selon le mot qui courut, Arsène Lupin lui-même contre Arsène Lupin, la lutte ne manquait pas d’intérêt !
Elle se prolongea durant deux journées. On vit Rozaine errer de droite et de gauche, se mêler au personnel, interroger, fureter. On aperçut son ombre, la nuit, qui rôdait.
De son côté, le commandant déploya l’énergie la plus active. Du haut en bas, en tous les coins, la Provence fut fouillée. On perquisitionna dans toutes les cabines, sans exception, sous le prétexte fort juste que les objets étaient cachés dans n’importe quel endroit, sauf dans la cabine du coupable.
– On finira bien par découvrir quelque chose, n’est-ce pas ? me demandait miss Nelly. Tout sorcier qu’il soit, il ne peut faire que des diamants et des perles deviennent invisibles.
– Mais si, lui répondais-je, ou alors il faudrait explorer la coiffe de nos chapeaux, la doublure de nos vestes, et tout ce que nous portons sur nous.
Et lui montrant mon kodak, un 9×12 avec lequel je ne me lassais pas de la photographier dans les attitudes les plus diverses :
– Rien que dans un appareil pas plus grand que celui-ci, ne pensez-vous pas qu’il y aurait place pour toutes les pierres précieuses de lady Jerland. On affecte de prendre des vues et le tour est joué.
– Mais cependant j’ai entendu dire qu’il n’y a point de voleur qui ne laisse derrière lui un indice quelconque.
– Il y en a un : Arsène Lupin.
– Pourquoi ?
– Pourquoi ? parce qu’il ne pense pas seulement au vol qu’il commet, mais à toutes les circonstances qui pourraient le dénoncer.
– Au début, vous étiez plus confiant.
– Mais, depuis, je l’ai vu à l’œuvre.
– Et alors, selon vous ?
– Selon moi, on perd son temps.
Et de fait, les investigations ne donnaient aucun résultat, ou du moins, celui qu’elles donnèrent ne correspondait pas à l’effort général : la montre du commandant lui fut volée.
Furieux, il redoubla d’ardeur et surveilla de plus près encore Rozaine avec qui il avait eu plusieurs entrevues. Le lendemain, ironie charmante, on retrouvait la montre parmi les faux-cols du commandant en second.
Tout cela avait un air de prodige, et dénonçait bien la manière humoristique d’Arsène Lupin, cambrioleur, soit, mais dilettante aussi. Il travaillait par goût et par vocation, certes, mais par amusement aussi. Il donnait l’impression du monsieur qui se divertit à la pièce qu’il fait jouer, et qui, dans la coulisse, rit à gorge déployée de ses traits d’esprit et des situations qu’il imagina.
Décidément, c’était un artiste en son genre, et quand j’observais Rozaine, sombre et opiniâtre, et que je songeais au double rôle que tenait sans doute ce curieux personnage, je ne pouvais en parler sans une certaine admiration.
Or, l’avant-dernière nuit, l’officier de quart entendit des gémissements à l’endroit le plus obscur du pont. Il s’approcha. Un homme était étendu, la tête enveloppée dans une écharpe grise très épaisse, les poignets ficelés à l’aide d’une fine cordelette.
On le délivra de ses liens. On le releva, des soins lui furent prodigués.
Cet homme, c’était Rozaine.
C’était Rozaine