Les Contes de nos pères. Paul Feval

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Les Contes de nos pères - Paul  Feval


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ne trouveront point ce qu’ils cherchent. Écoutez-moi, vous êtes digne de me comprendre, et je suis sûr qu’au moment suprême vous ne faillirez point. Je n’entends plus ; je vois à peine ; ils pourraient me surprendre, et ce serait, madame, un terrible malheur !… Lorsqu’ils arriveront, lorsque les coups ébranleront les dernières pierres, faites un signe, et alors !…

      M. le marquis de Graives, dont l’enthousiasme semblait aller croissant, ne finit point sa phrase, mais il saisit la mèche, et fit le geste de l’approcher du baril.

      Henriette comprit à demi ce que signifiait cette menaçante pantomime : elle se précipita sur le baril, et reconnut alors ce que le lecteur a deviné depuis longtemps, savoir que le baril était plein de poudre.

      À ce moment, comme si tout se fût réuni pour l’accabler, les coups recommencèrent, plus rapprochés et plus vigoureux.

      La pauvre femme poussa un cri déchirant ; et, prenant son enfant dans ses bras, elle se réfugia à l’angle le plus éloigné de la cachette.

      – Je m’étais trompé, murmura le vieillard avec une tristesse mêlée d’orgueil ; – je vois que ce n’est pas chose si banale que d’envisager la mort sans frémir, et que je n’ai pas vécu assez encore pour voir le cœur d’une femme s’égaler au courage du vieux soldat.

      Il détourna froidement ses regards d’Henriette, pour épier le premier indice de l’invasion des républicains.

      – Armand ! Armand ! au secours ! cria Mme de Thélouars dont la tête se perdait.

* * *

      Le cheval de Janet Legoff était vite, et Dieu sait qu’il l’éperonna comme il faut. Il avait déplié le billet, et il savait lire. Plus de doute maintenant. Sa jeune maîtresse était là, en péril de mort.

      – Armand ! au secours ! disait la pauvre femme, sur le papier comme de vive voix.

      Janet allait comme le vent.

      Son cheval épuisé tomba mourant à trois cents pas du manoir de K… Janet prit sa course, sans donner un regard à son fidèle compagnon, et atteignit la porte en quelques secondes.

      Les chefs étaient assemblés ; on voulut le faire attendre, mais qui eût pu dès lors empêcher Janet Legoff de faire sa volonté ? Il repoussa les sentinelles qui avaient bien le double de sa taille, prit passage de vive force, et tomba comme une bombe au milieu du conseil assemblé.

      – Pardon, excuse ! dit-il en essuyant les gouttes de sueur qui collaient ses cheveux à son front, et ruisselaient tout le long de sa joue rose ; – j’ai trouvé notre jeune dame, et faut pas perdre de temps !

      – Où est-elle ? s’écria M. de Thélouars.

      Quelques royalistes, et, parmi eux, les deux fils du marquis de Graives, se prirent à murmurer les mots de bien public et d’intérêt du parti.

      – Où est-elle ? répéta Armand ; messieurs, vous ne me refuserez point votre aide !

      – Nous avons une lourde tâche… commença en hochant la tête l’aîné des fils de M. de Graives.

      Janet le regarda en dessous.

      – Où est-elle ? dit-il. Elle est au château de Graives, que les bleus saccagent à l’heure où je vous parle.

      Les deux Bellissant n’eurent garde de continuer leurs objections. Ils se levèrent des premiers, et un quart d’heure après, toute la petite troupe était en route, savoir, les gentilshommes au galop, et les paysans au pas de course. Janet, monté sur un cheval frais, devançait tout le monde. Il s’était armé jusqu’aux dents ; ses traits enfantins et réguliers respiraient l’ardeur des batailles.

      Mais il ne devait point y avoir de bataille. Ce qui nous reste à raconter est autre et plus terrible qu’un combat.

      La vue d’un cavalier fuyant à toute bride avait donné à réfléchir au citoyen Thomas, ainsi qu’au citoyen Bertin. Ils revinrent au manoir de fort mauvaise humeur, firent donner encore çà et là quelques coups de pioche, et tinrent ensuite, à l’écart, une sorte de conseil.

      – Citoyen, dit Thomas, nous étions venus tous les deux, je le vois, dans le même but : nous voulions nous emparer du Régent

      – Pour le compte de la République ! interrompit Bertin avec emphase.

      – Évidemment ! reprit Thomas. Le diamant ci-devant de la couronne n’eût fait que passer entre nos mains pures et incorruptibles… Mais, à l’heure qu’il est, le Régent court la poste.

      – Ce n’est que trop vrai ! soupira Bertin.

      – L’homme qui l’emporte pourrait bien nous attirer sur le dos les cohortes contre-révolutionnaires.

      – Je pense que cela n’est pas impossible.

      – Je n’ai pas peur, citoyen Bertin.

      – Je suis sans crainte, citoyen Thomas… mais…

      – Au fait…

      – La République a besoin de nous.

      – La République en a très-grand besoin !

      – Je ne vous parle pas de fuir…

      – Je repousserais avec indignation une pareille ouverture.

      – Je le sais, citoyen Thomas, j’en suis persuadé plus que vous ne pouvez croire… Je propose seulement de sonner la retraite.

      – Celle des dix mille a immortalisé Thémistocle, fit observer Thomas, qui n’était point un ignorant.

      – Je crois que vous voulez dire Xénophon, rectifia Bertin.

      – Thémistocle ou Xénophon, je m’en bats l’œil, citoyen… Vous proposez la retraite ?

      – Sauf meilleur avis, citoyen.

      – Je me rends à vos raisons, dit Thomas avec un sérieux fort méritoire.

      Et les défenseurs de la patrie s’en allèrent comme ils étaient venus, les mains vides et les pieds nus. – Pour ne pas blesser toute vraisemblance, nous avouerons néanmoins que les poches incorruptibles du citoyen Thomas, et aussi celles du citoyen Bertin, donnèrent asile à une foule de menus objets précieux dont la République ne profita guère.

      De sorte que, lorsque M. de Thélouars et ses compagnons arrivèrent devant le château de Graives, les bleus étaient en route pour Vannes et pour Redon depuis une heure. Les deux fils du marquis n’hésitèrent pas un seul instant ; les indications de Janet Legoff leur avaient appris où se trouvait Mme de Thélouars, et sans doute le marquis était auprès d’elle.

      Ils firent attaquer aussitôt la première des trois portes qui conduisaient à la cachette.

      Le bruit des leviers vint réveiller l’angoisse dans le cœur de mère d’Henriette de Thélouars. Depuis une heure environ qu’elle n’entendait plus rien, son épouvante s’était calmée ; elle commençait à espérer. Mais ce fracas qui retentissait dans une autre direction lui annonçait de nouveaux efforts.

      La première porte était la plus faible, elle fut rapidement brisée.

      Lorsque les barres de fer attaquèrent la seconde, l’âme d’Henriette fut déchirée. La mort approchait, la mort pour son enfant.

      Elle leva son regard effrayé sur M. de Graives. Le vieillard était immobile : il n’entendait rien encore.

      La seconde porte résista plus longtemps que la première, mais elle céda enfin ; un bruit confus de voix et de pas se fit entendre, et un violent coup de pince ébranla le chêne épais de la porte intérieure de la cachette.

      Henriette tomba lourdement à genoux, et couvrit son fils de ses mains croisées.

      M. le marquis de Graives, au contraire, se leva de toute sa hauteur, et jeta sur la porte un regard étonné.

      – Je ne les attendais pas de ce côté, murmura-t-il ; – qu’importe ?

      Il


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