La Pensée de l'Humanité. Tolstoy Leo

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La Pensée de l'Humanité - Tolstoy Leo


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COR., VII, 1-2.2

      La doctrine chrétienne ne donne pas les mêmes règles pour tout et pour tous; elle ne fait qu'indiquer la perfection vers laquelle il faut tendre. Il en est ainsi pour la question sexuelle: la perfection, c'est la chasteté absolue. Tout effort vers la chasteté absolue constitue une observation plus ou moins grande dé la doctrine.

3

      Pour toucher une cible, il faut viser plus loin. De même pour que le mariage soit indissoluble et les deux époux fidèles l'un à l'autre, il faut que tous deux tendent à la chasteté.

4

      Si l'homme cherche le plaisir dans les rapports sexuels, même entre époux, ainsi que cela arrive parmi nous, il tombera sûrement dans le vice.

5

      La cohabitation entre homme et femme ayant des enfants pour résultat est le mariage réel; toutes les cérémonies extérieures ne font pas le mariage, mais ne s'emploient que pour reconnaître comme mariage une seule union entre beaucoup d'autres.

6

      La véritable doctrine chrétienne ne contient aucune allusion à l'institution du mariage. Aussi, les chrétiens de notre temps qui s'en aperçoivent, mais ne voient pas l'idéal du Christ (qui est la chasteté absolue) parce qu'il leur est voilé par l'Eglise, demeurent, quant au mariage, sans aucune règle de conduite. C'est à cela que tient le fait, étrange au premier abord, que chez les peuples professant des doctrines bien moins élevées que le christianisme, mais possédant une définition exacte du mariage, l'esprit de famille, la fidélité conjugale sont bien plus développés que chez les soi-disant chrétiens.

      Les peuples qui professent des doctrines inférieures au christianisme admettent le concubinage, la polygamie et la polyandrie dans certaines limites, mais ils évitent en revanche la dépravation qui se révèle par le concubinage, la polygamie et la polyandrie qui régnent parmi les chrétiens et sont masqués par la monogamie apparente.

7

      Pour que le mariage soit un acte sage et moral, il faut:

      Primo: Ne pas penser que chaque homme ou chaque femme doit absolument se marier, mais se dire, au contraire, qu'il est préférable de rester pur pour que rien ne nous empêche de consacrer toutes nos forces à servir Dieu.

      Secundo: Considérer les rapports sexuels comme un mariage indissoluble. (MATTH., XIX, 4-7).

      Tertio: Ne pas considérer le mariage comme un encouragement à la satisfaction des désirs charnels, mais comme un péché qui doit être expié par l'accomplissement des devoirs de famille.

VII —Les enfants servent à l'expiation du péché mortel1

      Si les hommes pouvaient atteindre la perfection et devenir chastes, le genre humain s'éteindrait et n'aurait plus de raison d'exister sur la terre, parce que les hommes seraient devenus pareils aux anges qui ne se marient pas, comme il est dit dans l'Evangile. Mais tant que les hommes ne sont pas arrivés à la perfection, ils doivent produire leur progéniture pour qu'en se perfectionnant, la postérité puisse atteindre à la perfection à laquelle l'homme tend.

2

      Le mariage, le vrai mariage qui a pour mission la production et l'éducation des enfants, est un moyen indirect de servir Dieu par les enfants. «Si je n'ai pas fait ce que je pouvais et devais faire, mes enfants le feront.»

      C'est pourquoi les gens qui se marient éprouvent toujours un certain apaisement. Ils ont le sentiment de la possibilité de transmettre une partie de leurs obligations à leurs enfants à venir. Mais ce sentiment n'est légitime qu'au cas où les époux élèvent leurs enfants de façon qu'ils ne soient pas une entrave à l'œuvre divine, mais ses ouvriers. La conviction que si je n'ai pas pu me consacrer entièrement au service de Dieu, je ferai tout mon possible pour que mes enfants le fassent – cette conviction donne un sens moral au mariage ainsi qu'à l'éducation des enfants.

3

      Bénie soit l'enfance qui, au milieu des cruautés de la terre, laisse entrevoir un peu de ciel! Les 80.000 naissances quotidiennes dont parle la statistique, constituent le débordement d'innocence et de fraîcheur, luttant non seulement contre l'extinction de l'espèce, mais encore contre la corruption humaine et contre une infection générale par le vice. Tous les bons sentiments éveillés par le berceau et l'enfance sont un des mystères de la grande Providence; supprimez cette rosée vivifiante, et la rafale des passions égoïstes séchera, comme par le feu, la société humaine.

      Si l'humanité se composait d'un milliard d'êtres immortels, dont le nombre ne pourrait ni augmenter ni diminuer, où serions-nous et que serions-nous, Grand Dieu! Nous serions incontestablement mille fois plus savants, mais aussi mille fois plus mauvais.

      Bénie soit l'enfance pour le bonheur qu'elle donne elle-même, pour le bien qu'elle fait sans le savoir et sans le vouloir en obligeant, en permettant de l'aimer! Ce n'est que grâce à elle que nous apercevons une parcelle de paradis sur terre. Bénie soit également la mort! Les anges n'ont pas besoin de naître, ni de mourir pour vivre; mais, pour les hommes, l'un et l'autre sont nécessaires, indispensables.

AMIEL.5

      Les gens riches, qui considèrent les enfants comme une entrave au plaisir, un accident malheureux ou une sorte de jouissance quand il en naît un nombre fixé à l'avance, ne les élèvent pas en vue de la mission humaine qu'ils auront à accomplir en tant qu'êtres intelligents et affectueux, mais en vue des plaisirs qu'ils peuvent donner à leurs parents. Les enfants de tels parents sont, pour la plupart, entourés de soins en vue de les rendre propres, blancs, rassasiés, beaux, et, par conséquent, douillets et sensuels.

      Les costumes, les lectures, les spectacles, la musique, la danse, la bonne chair, tout l'arrangement de leur existence, depuis les images sur les boîtes, jusqu'aux romans, nouvelles et poèmes, ne fait qu'exciter leur sensualité, ce qui suscite chez les enfants des classes aisées les plus bas vices et les maladies sexuelles.

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      1

      Écrivain américain de l'École d'Emerson (Note du traducteur).

      2

      Philosophe ukrainien du XVIIIe siècle dont l'exceptionnelle valeur ne fut que récemment reconnue en Russie. (N. du trad.)

      3

      Théologien américain. (N. du trad.)

      4

      Confrérie musulmane. (N. du trad.)

      5

      L'un des sept sages de la Grèce; il vivait au VIe siècle avant J. – C. (Note du trad.).

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