Œuvres complètes de lord Byron, Tome 11. George Gordon Byron
Читать онлайн книгу.complètes de lord Byron, Tome 11 / comprenant ses mémoires publiés par Thomas Moore
MÉMOIRES SUR LA VIE DE LORD BYRON
C'est pendant le printems de cette année que Lord Byron et sir Walter-Scott eurent, pour la première fois, occasion de se connaître personnellement. M. Murray, ayant fait une visite au dernier, en reçut un superbe poignard turc, pour l'offrir en présent à Lord Byron; et le noble poète, à son retour à Londres, la seule fois qu'il eut jamais occasion de se trouver dans la société de sir Walter, lui offrit en retour un vase rempli d'ossemens humains, trouvé sous les ruines des anciens murs d'Athènes. Le lecteur aimera mieux sans doute avoir tous ces détails de la plume de sir Walter-Scott lui-même, qui, avec cette bonté qui le rend aussi aimable qu'il est admirable pour son talent, a trouvé, au milieu de ses immortels travaux, le loisir de me communiquer ce qui suit 1
Note 1: (retour) On a omis, au commencement de ces souvenirs, quelques passages contenant des détails relatifs à la mère de lord Byron, et qui ont déjà été donnés dans la première partie de cet ouvrage. Parmi ces derniers, cependant, se trouve une anecdote dont on pardonnera facilement la répétition en faveur de l'accroissement d'intérêt et de l'authenticité qui s'attachent à ses détails, racontés par un témoin oculaire tel que sir Walter-Scott: «Je me rappelle, dit-il, avoir vu la mère de lord Byron avant son mariage, et un incident survenu dans cette occasion rendit cette circonstance assez remarquable. C'était la première ou la seconde fois que Mrs. Siddons venait jouer à Édimbourg, et lorsque cette admirable actrice, par l'harmonie de sa voix, de son regard, de son geste et de sa personne, produisait l'effet le plus puissant qu'une créature humaine puisse jamais exercer sur ses semblables. Je n'ai jamais rien vu dans ce genre qui puisse en approcher de cent lieues. Le désir qu'on avait de la voir était encore irrité par la difficulté d'obtenir des places, et par le tems énorme que les spectateurs se résignaient à attendre avant que la pièce commençât. Lorsque la toile tombait, la plus grande partie des dames avaient des attaques de nerfs.
»Je me rappelle surtout que miss Gordon de Ghight jeta l'effroi dans la salle par les cris terribles qu'elle poussa en répétant l'exclamation de Mrs. Siddons dans le rôle d'Isabelle: Oh! mon Byron Oh! mon Byron! Un médecin très-connu, le bon docteur Alexander Wood, s'empressa d'offrir ses soins, mais la foule empêcha long-tems le docteur et la malade de se rapprocher. Le plus remarquable de l'affaire, c'est que la demoiselle n'avait pas encore vu alors le capitaine Byron, qui, ainsi que sir Toby, la fit finir par un Oh! comme elle avait commencé.»(Note de Moore.)
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«Mes rapports avec Lord Byron commencèrent d'une manière assez peu agréable. Loin d'être pour rien dans l'acerbe critique de la Revue d'Édimbourg, j'avais fait quelques observations à l'éditeur, mon ami, pour l'empêcher de la publier, parce qu'il me semblait que les Heures de Loisir y étaient jugées avec trop de sévérité. Elles me paraissaient, écrites comme presque toutes les premières productions des jeunes gens, plutôt d'après le souvenir de ce qui leur a plu dans les autres, que sous l'inspiration de leur propre génie. Toutefois, je crus distinguer dans les Heures de Loisir quelques passages de la plus noble espérance; et j'étais tellement frappé de cette idée que je pensai à écrire à l'auteur: ce que je ne fis pas cependant, par suite de rapports exagérés sur l'originalité de son caractère, et de ma répugnance naturelle à donner mon avis quand on ne me le demandait pas.
»Quand Byron composa sa fameuse satire, j'y reçus des étrivières en compagnie de gens qui valent mieux que moi. Mon crime était d'avoir écrit un poème (Marmion, je crois) pour mille livres sterling, ce qui n'était vrai qu'en ce sens que je l'avais vendu cette somme. Sans dire ici que je ne vois pas trop comment un auteur peut être blâmé de tirer de ses ouvrages la somme que l'éditeur consent à lui donner, surtout si celui-ci ne se plaint pas ensuite de son marché, j'avouerai qu'en s'occupant ainsi de mes affaires particulières, il me paraissait être sorti tout-à-fait du domaine de la critique littéraire. D'un autre côté, Lord Byron, dans différens passages, me donnait des éloges si fort au-dessus de ce que je pouvais mériter, qu'il aurait fallu que je fusse d'un caractère plus irascible sur ces matières que je ne l'ai jamais été, pour ne pas me trouver content en somme et ne plus songer à cette affaire.
»Je fus frappé, comme tout le monde, de la force et de la vigueur d'imagination déployées dans les premiers chants de Childe Harold et les autres productions brillantes que Lord Byron lança dans le public avec une rapidité qui tenait de la profusion. Ma propre popularité comme poète commençait alors à décliner, et sincèrement je fus charmé de voir entrer un autre dans la carrière avec tant d'imagination et d'énergie. M. John Murray vint en Écosse à cette époque. Je lui parlai du plaisir que j'aurais à faire connaissance avec Lord Byron; il eut l'obligeance de faire connaître ce désir à sa seigneurie, ce qui amena entre nous un commerce de quelques lettres.
»Me trouvant à Londres pendant le printems de 1815, j'eus l'honneur d'être présenté à Lord Byron. Je m'étais, d'après les rapports d'autrui préparé à trouver un homme d'étranges habitudes, d'un caractère violent; et je doutais que notre société pût nous convenir réciproquement. Je fus agréablement détrompé; je trouvai dans Lord Byron un homme extrêmement affable et même extrêmement bon. Nous nous réunîmes une heure ou deux presque tous les jours dans le cabinet de M. Murray, et la conversation ne languissait pas. Nous nous vîmes aussi fréquemment le soir dans diverses assemblées; en sorte que, pendant deux mois, j'eus l'avantage de vivre très-intimement avec ce grand homme. Nous étions généralement d'accord, excepté sur la religion et la politique, sujets sur lesquels je suis porté à croire qu'il n'eut jamais des idées bien fixes. Je me rappelle lui avoir dit un jour, que, s'il vivait quelques années de plus, je croyais qu'il changerait de sentimens. Il me répondit assez brusquement: Ainsi, vous êtes un de ces prophètes qui annoncent que je me ferai méthodiste? – Non, répliquai-je; je ne pense pas que votre conversion soit d'un genre si commun. Je serais plutôt porté à croire que vous chercherez un asile dans le sein de l'église catholique, et que vous vous distinguerez par l'austérité de votre pénitence. Il faut que la religion à laquelle vous vous attacherez infailliblement un jour ou un autre, soit de nature à exercer beaucoup d'empire sur l'imagination. – Il sourit gravement, et sembla reconnaître que je pourrais avoir raison.
»En politique, il débitait beaucoup de ces sentimens qu'on appelle maintenant libéraux; mais je crus remarquer qu'il le faisait moins par conviction des principes qu'il professait, que par l'occasion qu'il y trouvait d'exercer son esprit satirique contre certains individus à la tête des affaires. Il était certainement fier de son rang et de l'ancienneté de sa famille, et, sous ce rapport, aussi aristocrate que pouvaient le lui permettre son bon sens et sa bonne éducation. Il me parut que quelques dégoûts reçus, je ne sais comment, lui avaient donné cette singulière manière de penser, et avaient mis ces contradictions dans son esprit; mais au fond du cœur, je n'hésite pas à le dire, Lord Byron était essentiellement patricien.
»Lord Byron n'avait pas beaucoup lu, soit en poésie, soit en histoire. J'avais l'avantage sur lui à cet égard, particulièrement d'avoir lu ce que peu de gens s'avisent de lire, ce qui me mettait souvent à même d'attirer son attention sur des ouvrages et des choses qui avaient pour lui l'intérêt de la nouveauté. Je me rappelle particulièrement lui avoir un jour récité le beau poème de Hardyknute, imitation d'une vieille ballade écossaise, dont il fut si fort affecté, que quelqu'un qui se trouvait dans le même appartement me demanda ce que je pouvais avoir dit à Lord Byron pour le mettre dans une telle agitation.
»Je vis Byron pour la première fois en 1815, à mon retour en Angleterre. Nous déjeunâmes ou dînâmes ensemble chez Long dans Bond-Street. Jamais je ne l'ai revu, depuis, si gai et de si bonne humeur; il est vrai que la présence de M. Matthews, le comédien, y contribuait beaucoup. Le pauvre Terry y était aussi. Après l'une des parties les plus gaies où je me sois jamais trouvé, mon compagnon de voyage, M. Scott de Gala, et moi, partîmes pour l'Écosse, et depuis je n'ai plus revu Lord Byron. Nous continuâmes à nous écrire de tems en tems, peut-être une fois tous les six mois. Nous nous fîmes des présens réciproques comme les héros d'Homère; je donnai à Byron un magnifique poignard monté en or, qui avait appartenu au terrible Elfi-Bey. Mais je devais jouer le rôle de Diomède dans l'Iliade, car Byron m'envoya quelque tems après un grand vase sépulcral en argent.