Le Fils de Coralie: Comédie en quatre actes en prose. Delpit Albert

Читать онлайн книгу.

Le Fils de Coralie: Comédie en quatre actes en prose - Delpit Albert


Скачать книгу
sort

      SCÈNE VIII

Les Mêmes, moins ÉDITHGODEFROY

      Je ne suis pas fâché d'avoir éloigné Édith. Mes chers amis, sachez que je suis au comble de mes vœux.

BONCHAMP

      Bah!

GODEFROY

      Cela ne vous étonne pas de voir que le capitaine sollicite gravement un rendez-vous au lieu de venir comme d'habitude?

CÉSARINE

      En effet.

BONCHAMP

      Moi pas. Il va te demander la main d'Édith. Tu la lui donneras et tu feras bien. C'est un brave garçon.

CÉSARINE

      Tu marierais ta fille avec cet artilleur?

GODEFROY

      Certainement!

CÉSARINE

      Mon frère, vous allez!..

GODEFROY

      Eh bien, oui. Je suis ton frère; tout le monde le sait. Ce n'est pas la peine de le répéter… Tu ferais bien mieux de me tutoyer. D'ailleurs, depuis un mois, j'indiquais à Daniel par tous les moyens possibles que sa recherche serait agréée. Il avait l'air de ne pas comprendre. On eût dit qu'il n'osait pas.

CÉSARINE

      Quand on n'ose pas… c'est mauvais signe.

BONCHAMP

      Allons, voyons, ma bonne amie…

CÉSARINE

      Et ce sera de ta faute, s'il arrive un malheur. Je t'avais prévenu. Tu as accueilli ce M. Daniel presque sans le connaître.

GODEFROY

      Sans le connaître! Il est capitaine à vingt-cinq ans!

CÉSARINE

      La belle avance! Othello était amiral: ça ne l'a pas empêché d'assassiner sa femme!

BONCHAMP

      O Shakespeare!

CÉSARINE

      Tu lui as ouvert ta maison sans avoir eu le temps de l'apprécier.

GODEFROY

      Je l'apprécie, puisque je sais qu'il est millionnaire.

CÉSARINE

      C'est un garçon hautain, cassant, incapable d'éprouver des sentiments passionnés. Il a fait un traité sur l'hérédité physique et morale!

BONCHAMP

      Et puis pas romanesque.

CÉSARINE

      Il manque de surface. Où est sa famille? On ne l'a jamais vue. Daniel! Il s'appelle Daniel!.. Est-ce que c'est un nom, ça? Ce garçon est, j'en jugerais, d'une famille de paysans, enrichie dans le commerce des bestiaux. Belle alliance pour ma nièce!

GODEFROY

      Assez, Césarine!

CÉSARINE, avec colère

      Godefroy!

GODEFROY

      Tu peux t'indigner, me maudire et même me déshériter, cela m'est, parbleu! bien égal. Daniel!.. tout court, tu entends?.. Daniel me plaît; c'est un homme de cœur, estimé de ses chefs, aimé de ses amis. Si Édith le trouve à son goût, c'est une affaire réglée. Certes, je soupçonne bien qu'il ne sort pas de la cuisse de Jupiter. Je suis de ton avis sur ce point-là; une fois n'est pas coutume. Cette tante qu'il nous amène est, j'imagine, une vraie paysanne, probablement enrichie dans le commerce des bestiaux, comme tu dis. Est-ce que nous sommes des Montmorency, nous autres? D'ailleurs, tu connais mes idées. Je t'ai mille fois répété que j'étais un homme indépendant, au-dessus des préjugés. Je prendrai le capitaine pour gendre, si, comme je l'espère, Édith y consent. Tant vaut l'intelligence, tant vaut l'homme.

CÉSARINE

      Quand l'homme vaut un million!

BONCHAMP, serrant la main de Godefroy

      Mon compliment. Tu as parlé trois minutes sans dire une bêtise.

UN DOMESTIQUE, annonçant

      Le capitaine Daniel!

GODEFROY

      Enfin!

      SCÈNE IX

Les Mêmes, DANIELGODEFROY

      Vous voici donc, mon cher!

DANIEL, saluant

      Monsieur… (Saluant Césarine.) Je vous présente mes hommages, mademoiselle.

CÉSARINE, sèchement

      Vous êtes bien bon, monsieur. (Elle le lorgne.) Édith l'aime… Il n'a pourtant rien d'extraordinaire.

GODEFROY

      Madame votre tante est arrivée avec vous?

DANIEL

      Oui, monsieur.

GODEFROY

      J'espère que nous aurons bientôt le plaisir de la connaître. Mais pourquoi diable me demander un rendez-vous de façon solennelle? Est-ce que ma maison ne vous est pas ouverte?

DANIEL

      C'est que j'ai à vous parler de choses graves.

GODEFROY, souriant

      Un entretien particulier?

DANIEL

      Oui, monsieur.

CÉSARINE, sèchement

      Je vois que je suis de trop et je me retire.

DANIEL

      Non, mademoiselle; vous êtes la sœur de M. Godefroy, et, comme telle, je vous prie de vouloir bien rester.

BONCHAMP

      Je vous laisse. (A Daniel.) Vous savez que je vous suis acquis, mon cher capitaine. Si vous avez besoin de moi…

DANIEL

      Je le sais, monsieur, et vous remercie du fond du cœur.

Bonchamp sort

      SCÈNE X

DANIEL, GODEFROY, CÉSARINEGODEFROY

      Maintenant que nous sommes entre nous, mon cher ami… Mais asseyez-vous d'abord, je vous prie.

Godefroy et Césarine s'asseyent. – Daniel reste deboutDANIEL

      Quand j'ai eu l'honneur de vous être présenté, il y a deux mois, au bal de la Préfecture, vous avez été assez bon pour m'accueillir de tout cœur. Votre maison m'a été ouverte. Puis, les semaines ont passé, et un jour j'ai senti que je n'avais pu voir mademoiselle votre fille sans l'aimer…

Il s'arrête un peu émuGODEFROY, bas à Césarine

      J'étais sûr qu'il allait faire sa demande!

CÉSARINE, à part

      Décidément, il n'a rien d'extraordinaire.

DANIEL

      Avant d'aller plus loin, monsieur, permettez-moi de vous adresser une question. Dans mes rapports avec vous, ai-je agi autrement que ne doit le faire un galant homme?

GODEFROY, riant

      Quelle idée!

DANIEL

      C'est que plusieurs fois j'ai voulu causer avec vous de ma position, de ma fortune, de ma famille…

GODEFROY

      C'est inutile.

DANIEL

      Permettez-moi d'insister.

GODEFROY

      C'est inutile, vous dis-je! Vous êtes riche, bien de votre personne, officier, décoré, dans une situation superbe…

DANIEL

      Vous m'avez toujours interrompu de cette manière-là! Pourtant aujourd'hui il faut que nous abordions cette question. Ma tante, madame Dubois, est arrivée ce matin à Montauban. Elle viendra vous adresser officiellement une demande en mariage. Auparavant…

GODEFROY

      Auparavant, je n'ai rien à apprendre. Votre vie est au grand jour, n'est-il pas vrai? Vous aimez ma fille, et j'espère qu'elle vous aimera. Que faut-il de plus? Vous êtes d'une famille de paysans, hein? Je l'ai deviné. Que m'importe! Je suis un homme indépendant, au-dessus des préjugés! C'est vous qu'Édith épousera, non votre famille. Si vous étiez pauvre, je vous la donnerais tout de même. (Césarine tousse très fort. Godefroy reprend, avec dignité.) Tu dis?

CÉSARINE

      Je ne dis rien, je tousse. Continue.

GODEFROY

      J'ajouterai même que je voudrais que vous


Скачать книгу