Les conteurs à la ronde. Dickens Charles
Читать онлайн книгу.de cette saison semblent m'y retenir; les préceptes de ces fêtes chrétiennes semblent me rappeler qu'il est bon d'être dans mon château.
Et ce, château est? – observa une grande et bienveillante voix de la famille. – Oui, je vais vous le dire, répondit le parent pauvre secouant la tête et regardant le feu, – mon Château est un château en l'air*. John, notre estimable hôte, l'a deviné. Mon château est dans l'air. J'ai fini, soyez indulgents pour mon histoire.
II – L'HISTOIRE DE L'ENFANT
Il y avait une fois un voyageur, il y a de cela bien des années, et le voyageur partit pour un voyage. C'était un voyage magique, qui devait sembler très long lorsqu'il le commença et très court lorsqu'il eut fait la moitié du chemin.
Pendant quelque temps il voyagea le long d'un sentier assez sombre, sans rien rencontrer, jusqu'à ce qu'enfin il aperçût un joli petit enfant; le voyageur demanda à l'enfant: «Que fais-tu ici?» Et l'enfant répondit: «Je suis toujours à jouer, viens jouer avec moi.»
Le voyageur joua avec cet enfant toute la journée, et ils menèrent joyeuse vie tous les deux. Le ciel était si bleu, le soleil était si brillant, l'eau était si étincelante, les feuilles étaient si vertes, les fleurs étaient si fraîches, ils entendirent chanter tant d'oiseaux et virent tant de papillons, que tout leur paraissait superbe. C'était la saison du printemps. Quand il pleuvait, ils aimaient à regarder tomber les gouttes de la pluie et à respirer les odeurs des plantes. Quand il ventait, c'était charmant d'écouter le vent et d'imaginer qu'il se parlait à lui- même ou à ceux qui pouvaient le comprendre. D'où vient-il ainsi? se demandaient le voyageur et l'enfant, tandis qu'il sifflait, hurlait, poussait les nuages devant lui, courbait les arbres, tourbillonnait dans les cheminées, ébranlait la maison et soulevait les vagues d'une mer furieuse. Mais neigeait-il? encore mieux, car ils n'aimaient rien tant que de regarder descendre les flocons de neige semblables au duvet qui se détacherait de la poitrine d'une myriade d'oiseaux blancs, et quel plaisir de voir cette belle neige s'épaissir sur la terre, puis d'écouter le silence sur les routes et les sentiers de la campagne!
Ils avaient en abondance les plus beaux joujoux du monde et les plus admirables livres d'images, des livres qui étaient remplis de cimeterres, de babouches et de turbans, de nains, de génies et de fées, de Barbes-Bleues, de fèves merveilleuses, de trésors, de cavernes et de forêts, de Valentins et d'Orsons… toutes choses nouvelles et bien vraies!
Mais un jour, tout-à-coup, le voyageur perdit l'enfant. Il l'appela, l'appela encore, et il n'obtint aucune réponse. Alors il reprit sa route et chemina quelque temps sans rien rencontrer, jusqu'à ce qu'enfin il aperçût un beau jeune garçon; à ce jeune garçon le voyageur demanda: «Que fais-tu là?» Et le jeune garçon lui répondit: «Je suis toujours à apprendre. Viens apprendre avec moi.»
Le voyageur apprit, avec ce jeune garçon, ce qu'étaient Jupiter et Junon, les Grecs et les Romains, d'autres choses encore et plus que je n'en pourrais dire, ni lui non plus, car il en eut bientôt oublié beaucoup. Mais ils n'apprenaient pas toujours, ils avaient les jeux les plus amusants qu'on ait jamais joués, ils ramaient sur la rivière en été, ils patinaient sur la glace en hiver. Ils se promenaient à pied et ils se promenaient à cheval; ils jouaient à la paume et à tous les jeux de balle, aux barres, au cheval fondu, à saute-mouton, à plus de jeux que je n'en puis dire, et personne n'était plus fort qu'eux à ces jeux-là; ils avaient aussi des congés et des vacances, des gâteaux du jour des Rois, des bals où ils dansaient jusqu'à minuit, et de vrais théâtres où ils voyaient de vrais palais en vrai or et en vrai argent sortir de la terre; bref ils y voyaient tous les prodiges du monde en quelques heures. Quant à des amis, ils avaient de si tendres amis et un si grand nombre de ces amis que le temps me manque pour les compter. Ils étaient tous jeunes comme le jeune garçon et se promettaient de ne jamais rester étrangers l'un à l'autre pendant tout le reste de la vie.
Cependant, un jour, au milieu de tous ces plaisirs, le voyageur perdit le jeune garçon, comme il avait perdu l'enfant, et après l'avoir appelé en vain, il poursuivit son voyage. Il chemina pendant un peu de temps sans rien rencontrer, jusqu'à ce qu'enfin il vît un jeune homme. Il demanda donc au jeune homme: «Que faites-vous ici?» Et le jeune homme répondit: «Je suis toujours à faire l'amour. Viens faire l'amour avec moi.»
Le voyageur alla avec ce jeune homme, et ils s'en furent auprès d'une des plus jolies filles qu'on ait jamais vues, juste comme Fanny, là dans le coin, – elle avait les yeux comme Fanny, des cheveux comme Fanny, des fossettes aux joues comme Fanny, et elle riait et rougissait juste comme Fanny pendant que je parle d'elle. Alors le jeune homme devint tout de suite amoureux, – juste comme quelqu'un que je ne veux pas nommer, la première fois qu'il vint ici, devint amoureux de Fanny. Eh bien! il était taquiné quelquefois, juste comme quelqu'un était taquiné par Fanny; ils se querellaient quelquefois, juste comme quelqu'un et Fanny; puis ils se raccommodaient, allaient chuchoter dans les coins, s'écrivaient des lettres toute la journée, se disaient malheureux quand ils étaient loin l'un de l'autre, se cherchaient sans cesse en prétendant ne pas se chercher. Noël vint, ils furent fiancés, s'assirent l'un à côté de l'autre auprès du feu, et ils devaient bientôt se marier… exactement comme quelqu'un que je ne veux pas nommer et Fanny.
Mais le voyageur les perdit de vue un jour, comme il avait perdu l'enfant et le jeune garçon: il les appela, ils ne revinrent ni ne répondirent, et il reprit son chemin. Il voyagea donc pendant un peu de temps sans rien rencontrer, jusqu'à ce qu'il aperçût un homme d'un âge mûr, et il demanda à cet homme: «Que faites-vous ici!» Et la réponse fut: «Je suis toujours occupé, venez vous occuper avec moi.»
Il alla donc travailler avec cet homme, et, pour cela, ils se rendirent à la forêt. La forêt qu'ils parcoururent était longue; au commencement, les arbres étaient verts comme ceux d'un bois printanier; puis Ie feuillage s'épaissit comme un bois d'été; quelques-uns des petits arbres les plus pressés de verdir brunissaient aussi les premiers. L'homme n'était pas seul; il avait une femme du même âge que lui, qui était sa femme, et ils avaient des enfants qui étaient aussi avec eux. C'est ainsi qu'ils s'en allèrent tous ensemble à travers le bois, abattant les arbres, se frayant des sentiers entre les branches et les feuilles abattues, portant des fagots et travaillant sans cesse.
Quelquefois ils arrivaient à une longue avenue qui aboutissait à des taillis plus sombres, et alors ils entendaient une petite voix qui leur criait de loin: «Père, père, je suis un autre enfant, attendez-moi.» Et, au même instant, ils apercevaient une petite créature qui grandissait à mesure qu'ils avançaient et qui courait pour les rejoindre. Quand le nouveau-venu était auprès d'eux, ils s'empressaient tous autour de lui, le baisaient, le caressaient, et tous se remettaient en marche.
Quelquefois ils s'arrêtaient à quelque carrefour de la forêt d'où partaient différentes avenues, et l'un des enfants disait: «Père, je vais à la mer;» un autre: «Père, je vais aux Indes;» un autre: «Père, je vais aller chercher fortune où je pourrai;» un autre enfin: «Père, je vais au ciel.» C'est ainsi qu'après bien des larmes au moment de la séparation, chacun des ces enfants prenait une des avenues et il s'éloignait solitaire; mais l'enfant qui avait dit: «Je vais au ciel,» s'élevait dans l'air et y disparaissait.
Chaque fois qu'avait lieu une de ces séparations, le voyageur regardait le père qui levait les yeux au-dessus des arbres où le jour commençait à décliner et le soleil à descendre sur l'horizon. Il remarquait aussi que ses cheveux grisonnaient; mais ils ne pouvaient s'arrêter longtemps, car ils avaient un long voyage devant eux, et il leur fallait travailler sans cesse.
À la fin, il y avait eu tant de séparations qu'il ne restait plus un seul des enfants. Le père, la mère et le voyageur se trouvèrent seuls à continuer leur route. Le bois était devenu jaune, puis il avait bruni et déjà les feuilles tombaient d'elles-mêmes.
Ils arrivaient à une avenue plus sombre que les autres, et ils pressaient le pas sans y jeter un regard, quand la femme s'arrêta.
– Mon mari, dit-elle, on m'appelle.
Ils écoutèrent, et entendirent dans la sombre avenue une voix qui criait de loin: «Mère, mère!»
C'était
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L'équivalent français du «Château en l'air, a Castle in the air», est le «Château en Espagne»; mais le traducteur a cru devoir conserver le sens littéral de l'expression anglaise.