Les grandes espérances. Чарльз Диккенс

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Les grandes espérances - Чарльз Диккенс


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habituelle quand il était rêveur, c'est-à-dire en se mettant à tisonner le feu; je vais te dire. Mon père, mon petit Pip, s'adonnait à la boisson, et quand il avait bu, il frappait à coups de marteau sur ma mère, sans miséricorde, c'était presque la seule personne qu'il eût à frapper, excepté moi, et il me frappait avec toute la vigueur qu'il aurait dû mettre à frapper son enclume. Tu m'écoutes, et… tu me comprends, mon petit Pip, n'est-ce pas?

      – Oui, Joe.

      – En conséquence, ma mère et moi, nous quittâmes mon père à plusieurs reprises; alors ma mère, en s'en allant à son ouvrage, me disait: «Joe, s'il plaît à Dieu, tu auras une bonne éducation.» Et elle me mettait à l'école. Mais mon père avait cela de bon dans sa dureté, qu'il ne pouvait se passer longtemps de nous: donc, il s'en venait avec un tas de monde faire un tel tapage à la porte des maisons où nous étions, que les habitants n'avaient qu'une chose à faire, c'était de nous livrer à lui. Alors, il nous emmenait chez nous, et là il nous frappait de plus belle; comme tu le penses bien, mon petit Pip, dit Joe en laissant le feu et le poker en repos pour réfléchir; tout cela n'avançait pas mon éducation.

      – Certainement non, mon pauvre Joe!

      – Cependant, prends garde, mon petit Pip, continua Joe, en reprenant le poker, et en donnant deux ou trois coups fort judicieux dans le foyer, il faut rendre justice à chacun: mon père avait cela de bon, vois-tu?»

      Je ne voyais rien de bon dans tout cela; mais je ne le lui dis pas.

      «Oui, continua Joe, il fallait que quelqu'un fît bouillir la marmite; sans cela, la marmite n'aurait pas bouilli du tout, sais-tu?..»

      Je le savais et je te le dis.

      «En conséquence, mon père ne m'empêchait pas d'aller travailler; c'est ainsi que je me mis à apprendre mon métier actuel, qui était aussi le sien, et je travaillais dur, je t'en réponds, mon petit Pip. Je vins à bout de le soutenir jusqu'à sa mort et de le faire enterrer convenablement, et j'avais l'intention de faire écrire sur sa tombe: «Souviens-toi, lecteur, que, malgré ses torts, il avait eu du bon dans sa dureté.»

      Joe récita cette épitaphe avec un certain orgueil, qui me fit lui demander si par hasard il ne l'aurait pas composée lui-même.

      «Je l'ai composée moi-même, dit Joe, et d'un seul jet, comme qui dirait forger un fer à cheval d'un seul coup de marteau. Je n'ai jamais été aussi surpris de ma vie; je ne pouvais en croire mes propres yeux; à te dire vrai, je ne pouvais croire que c'était mon ouvrage. Comme je te le disais, mon petit Pip, j'avais eu l'intention de faire graver cela sur sa tombe; mais la poésie ne se donne pas: qu'on la grave en creux ou en relief, en ronde ou en gothique, ça coûte de l'argent, et je n'en fis rien. Sans parler des croquemorts, tout l'argent que je pus épargner fut pour ma mère. Elle était d'une pauvre santé et bien cassée, la pauvre femme! Elle ne tarda pas à suivre mon père et à goûter à son tour la paix éternelle.»

      Les gros yeux bleus de Joe se mouillèrent de larmes; il en frotta d'abord un, puis l'autre, avec le pommeau du poker, objet peu convenable pour cet usage, il faut l'avouer.

      «J'étais bien isolé, alors, dit Joe, car je vivais seul ici. Je fis connaissance de ta sœur, tu sais, mon petit Pip…»

      Et il me regardait comme s'il n'ignorait pas que mon opinion différât de la sienne; «… et ta sœur est un beau corps de femme.»

      Je regardai le feu pour ne pas laisser voir à Joe le doute qui se peignait sur ma physionomie.

      «Quelles que soient les opinions de la famille ou du monde à cet égard, mon petit Pip, ta sœur est, comme je te le dis… un… beau… corps… de… femme…» dit Joe en frappant avec le poker le charbon de terre à chaque mot qu'il disait.

      Je ne trouvai rien de mieux à dire que ceci:

      «Je suis bien aise de te voir penser ainsi, Joe.

      – Et moi aussi, reprit-il en me pinçant amicalement, je suis bien aise de le penser, mon petit Pip… Un peu rousse et un peu osseuse, par-ci par là; mais qu'est-ce que cela me fait, à moi?»

      J'observai, avec beaucoup de justesse, que si cela ne lui faisait rien à lui, à plus forte raison, cela ne devait rien faire aux autres.

      «Certainement! fit Joe. Tu as raison, mon petit Pip! Quand je fis la connaissance de ta sœur, elle me dit comment elle t'élevait «à la main!» ce qui était très bon de sa part, comme disaient les autres, et moi-même je finis par dire comme eux. Quant à toi, ajouta Joe qui avait l'air de considérer quelque chose de très laid, si tu avais pu voir combien tu étais maigre et chétif, mon pauvre garçon, tu aurais conservé la plus triste opinion de toi-même!

      – Ce que tu dis là n'est pas très consolant, mais ça ne fait rien, Joe.

      – Mais ça me faisait quelque chose à moi, reprit-il avec tendresse et simplicité. Aussi, quand j'offris à ta sœur de devenir ma compagne; quand à l'église et d'autres fois, je la priais de m'accompagner à la forge, je lui dis: «Amenez le pauvre petit avec vous… Que Dieu bénisse le pauvre cher petit, il y a place pour lui à la forge!»

      J'éclatai en sanglots et saisis Joe par le cou, en lui demandant pardon. Il laissa tomber le poker pour m'embrasser, et me dit:

      «Nous serons toujours les meilleurs amis du monde, mon petit Pip, n'est-ce pas?.. Ne pleure pas, mon petit Pip…»

      Après cette petite interruption, Joe reprit:

      «Eh bien! tu vois, mon petit Pip, où nous en sommes; maintenant, en te tenant dans mes bras et sur mon cœur, je dois te prévenir que je suis affreusement triste, oui, tout ce qu'il y a de plus triste; mais il ne faut pas que Mrs Joe s'en doute. Il faut que cela reste un secret, si je puis m'exprimer ainsi. Et pourquoi un secret? Le pourquoi, je vais te le dire, mon petit Pip.»

      Il avait repris le poker, sans lequel il semblait ne pouvoir mener à bonne fin sa démonstration.

      «Ta sœur s'est adonnée au gouvernement.

      Adonnée au gouvernement, Joe? repris-je étonné; car il m'était venu la drôle d'idée (je craignais et j'allais même jusqu'à espérer) que Joe s'était séparé de sa femme en faveur des Lords de l'Amirauté ou des Lords de la Trésorerie.

      – Adonnée au gouvernement, répéta Joe; je veux dire par là qu'elle nous gouverne, toi et moi.

      – Oh!

      – Et elle ne tient pas à avoir chez elle des gens instruits, continua Joe, et moi moins qu'un autre, dans la crainte que je ne secoue le joug comme un rebelle, vois-tu.»

      J'allais demander pourquoi il ne le faisait pas, quand Joe m'arrêta.

      «Attends un peu, je sais ce que tu veux dire, mon petit Pip, attends un peu! Je ne nie pas que Mrs Joe ne nous traite quelquefois comme des nègres, et qu'à certaines époques elle ne nous tombe dessus avec une violence que nous ne méritons pas: à ces époques, quand ta sœur a la tête montée, mon petit Pip, je dois avouer que je la trouve un peu brusque.»

      Joe n'avait dit ces paroles qu'après avoir regardé du côté de la porte, et en baissant la voix.

      «Pourquoi je ne me révolte pas?.. Voilà ce que tu allais me demander, quand je t'ai interrompu, Pip?

      – Oui, Joe.

      – Eh bien! dit Joe en passant son poker dans sa main gauche, afin de pouvoir caresser ses favoris de sa main droite, ta sœur est un esprit fort, un esprit fort, un esprit fort, tu m'entends bien?

      – Qu'est-ce que c'est que cela?» demandai-je, dans l'espoir de l'empêcher d'aller plus loin.

      Mais Joe était mieux préparé pour sa définition que je ne m'y étais attendu; il m'arrêta par une argumentation évasive, et me répondit en me regardant en face:

      «Elle!.. mais moi, je ne suis pas un esprit fort, reprit Joe en cessant de me regarder en face, et ce que je vais te dire est parfaitement sérieux, mon petit Pip. Je vois toujours ma pauvre mère, mourant à petit feu et ne pouvant goûter un seul jour de tranquillité pendant sa vie; de sorte que je crains


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