Private Letters of Edward Gibbon (1753-1794) Volume 2 (of 2). Edward Gibbon

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Private Letters of Edward Gibbon (1753-1794) Volume 2 (of 2) - Edward Gibbon


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par vous dire que j'éviterois de vous y inviter, si vous étiez entièrement désœuvré; les jours sont longs alors, et laissent bien du vuide; mais homme de lettres, comme vous êtes, je ne connois point de société qui vous convienne mieux. Nous aurons autour de nous un cercle, comme il seroit impossible d'en trouver ailleurs dans un aussi petit espace. Madame de Corcelles, Mademoiselle Sulens, et M. de Montolieu, (Madame est morte,) Messrs. Polier et leurs femmes, Madame de Severy, et M. et Madame de Nassau, Mademoiselle de Chandieu, Madame de St. Cierge, et M. avec leurs deux filles jolies et aimables, Mesdames de Crousaz, Polier, de Charrières, &c. font un fonds de bonne compagnie dont on ne se lasse point, et dont M. de Servan est si content qu'il regrette toujours d'être obligé de retourner dans ses terres, et ne respire que pour s'établir tout à fait à Lausanne. Il passa tout l'hyver de 1782 avec nous, et il fut, on ne peut plus, agréable. Vous trouverez les mœurs changées en bien, et plus conformes à nos ages, et à nos caractères; peu de grandes assemblées, de grands repas, mais beaucoup de petits soupers, de petites assemblées, où l'on fait ce qu'on veut, où l'on cause, lit, &c. et dont on écarte avec soin les facheux de toute espèce. Il y a le Dimanche une société, où tout ce qu'il y a d'un peu distingué en étrangères et étrangers, est invité. Cela fait des assemblées de 40 à 50 personnes, où l'on voit ce qu'on ne voit guères le reste de la semaine, et ces espèces de rout font quelquefois plaisir. Nous sommes fort dégoûtés des étrangers, surtout des jeunes gens, et nous les écartons avec soin de nos petits comités, à moins qu'ils n'ayent du mérite, ou quelques talens. A cet égard un de nos petits travers, c'est l'engouement; mais vous en profiterez, mon cher Monsieur, comme Edward Gibbon, et comme mon ami; vous serez d'abord l'homme à la mode, et je vois d'ici que vous soutiendrez fort bien ce rôle, sans vous en fâcher, dût on un peu vous surfaire. Je sens que tu me flattes, mais tu me fais plaisir, est peut-être le meilleur vers de Destouches.

      Voilà donc l'hyver; l'étude le matin, quelques conversations, quand vous serez fatigué, avec quelque homme de lettres, ou amateur, ou du moins qui aura vu quelque chose; à l'heure qu'il vous plaira un dîner, point de fermier général, mais l'honnête épicurien, avec un ou deux amis quand vous voudrez: puis quelques visites, une soirée, souvent un souper. Quant à l'été, vu votre manière d'aimer la campagne, on diroit que ma remise a été faite pour vous; pendant que vous vous y promènerez en sénateur, je serai souvent en bon paysan Suisse, devant mon châlet, ou dans ma chaumière; puis nous nous rencontrerons tout à coup, et tâcherons de nous remettre au niveau l'un de l'autre. Nous fermerons nos portes à l'ordinaire, excepté aux étrangers qui passent leur chemin; mais quand nous voudrons, nous y aurons tous ceux que nous aimerons à y voir; car on ne demande pas mieux que d'y venir se réjouir. J'ai eu, un beau jour d'Avril ce printems, un déjeûner, qui m'a coûté quelques Louis, où il y avoit plus de 40 personnes, je ne sais combien de petites tables, une bonne musique au milieu du verger, et une quantité de jeunes et jolies personnes dansant des branles, et formant des chiffres en cadence; j'ai vu bien des fêtes, j'en ai peu vu de plus jolies. Quand mon parc vous ennuyera, nous aurons, ou nous louerons ensemble (et ce sera ainsi un plaisir peu cher) un cabriolet léger, avec deux chevaux gentils, et nous irons visiter nos amis dispersés dans les campagnes, qui nous recevront à bras ouverts. Vous en serez content de nos campagnes; toujours en proportion vous comprenez, et vous trouverez en général un heureux changement pour les agrémens de la société, et une sorte de recherche simple, mais élégante. Les bergères du Printems, excepté Madame de Vanberg, ne sont sans doute plus présentables, mais il y en a d'autres assez gentilles, et quoiqu'elles ne soyent pas en bien grand nombre, il y en aura toujours assez pour vous, mon cher Monsieur. Peu à peu mon imagination m'a emporte, et mon style s'égaye, comme cela nous arrivoit quelquefois dans nos châteaux en Espagne. Il est bien tems de finir cet article, résumons nous plus sérieusement.

      Si vous exécutez le plan que vous avez imaginé, j'aimerois même à dire que vous embrassez, surtout d'après ce que vous marquez vous même, Si je ne consultois que mon cœur et ma raison, je romperois sur le champ cette indigne chaine, &c. Eh! que voulez-vous consulter, si ce n'est votre cœur et votre raison? Si, dis-je, vous exécutez ce plan, vous retrouverez une liberté et une indépendance, que vous n'auriez jamais dû perdre, et dont vous méritez de jouir, une aisance qui ne vous coûtera qu'un voyage de quelques jours, une tranquillité que vous ne pouvez avoir à Londres, et enfin un ami qui n'a peut-être pas été un jour sans penser à vous, et qui malgré ses défauts, ses foiblesses et son infériorité, est encore un des compagnons qui vous convient le mieux.

      Il me reste à vous apprendre pourquoi je vous réponds si tard: vous savez déjà actuellement que ce n'est pas manque d'amitié et de zèle pour la chose; mais votre lettre m'a été renvoyée de Lausanne ici, à Strasbourg, et je n'ai passé qu'une poste sans y répondre, ce qui n'est pas trop, vous l'avouerez, pour un pareil bavardage. Je suis parti de Lausanne la veille de Pâques pour venir voir un M. Bourcard de Basle, fort de mes amis; il est ici auprès du Comte de Cagliostro, pour profiter de ses remèdes. Vous aurez entendu parler peut-être de cet homme extraordinaire à tous égards. Comme j'ai été assez malade tout l'hyver, je profite aussi de ses remèdes; mais comme le tems du séjour du Comte ici n'est rien moins que sûr, le mieux sera que vous m'écriviez à M. D. chez M. Bourcard du Kirshgarten, à Basle.

      Vous comprenez combien à tous égards, il est nécessaire m'écrire sans perte de tems, dès que vous aurez pris une résolution. Adieu, mon cher ami.*

      462.

       A M. Deyverdun

      HIS GRATITUDE TO DEYVERDUN.

      *Je reçois votre lettre du 10 Juin, le 21 de ce mois. Aujourd'hui Mardi le 24, je mets la main à la plume (comme dit M. Fréron) pour y répondre, quoique ma missive ne puisse partir par arrangement des postes, que Vendredi prochain, 27 du courant. O merveille de la grace efficace! Elle n'agit pas moins puissamment sur vous, et moyennant le secours toujours prêt, et toujours prompt de nos couriers, un mois nous suffit pour la demande et la réponse. Je remercie mille fois le génie de l'amitié, qui m'a poussé, après mille efforts inutiles, à vous écrire enfin au moment le plus critique et le plus favorable. Jamais démarche n'a répondu si parfaitement à tous mes vœux et à toutes mes espérances. Je comptois sans doute sur la durée et la vérité de vos sentimens; mais j'ignorois (telle est la foiblesse humaine) jusqu'à quel point ils avoient pu être attiédis par le tems et l'éloignement; et je savois encore moins l'état actuel de votre santé, de votre fortune et de vos liaisons, qui auroient pu opposer tant d'obstacles à notre réunion.

      Vous m'écrivez, vous m'aimez toujours; vous désirez avec zèle, avec ardeur, de réaliser nos anciens projets; vous le pouvez, vous le voulez; vous m'offrez dès l'automne votre maison, et quelle terrasse! votre société, et quelle société! L'arrangement nous convient à tous les deux; je retrouve à la fois le compagnon de ma jeunesse, un sage conseiller, et un peintre qui fait représenter et exagérer même les objets les plus rians. Ces exagérations me font pour le moins autant de plaisir que la simple vérité. Si votre portrait étoit tout à fait ressemblant, ces agrémens n'existeroient que hors de nous mêmes, et j'aime encore mieux les retrouver dans la vivacité de votre cœur et de votre imagination. Ce n'est pas que je ne reconnoisse un grand fond de vérité dans le tableau de Lausanne; je connois le lieu de la scène, je me transporte en idée sur notre terrasse, je vois ces côteaux, ce lac, ces montagnes, ouvrage favoris de la nature, et je conçois sans peine les embellissemens que votre goût s'est plu y ajouter. Je me rappelle depuis vingt ou trente ans les mœurs, l'esprit, l'aisance de la société, et je comprends que ce véritable ton de la bonne compagnie se perpétue, et s'épure de père en fils, ou plutôt de mère en fille; car il m'a toujours paru qu'à Lausanne, aussi bien qu'en France, les femmes sont très supérieures aux hommes. Dans un pareil séjour, je craindrois la dissipation bien plus que l'ennui, et le tourbillon de Lausanne étonneroit un philosophe accoutumé depuis tant d'années à la tranquillité de Londres. Vous êtes trop instruit pour regarder ce propos, comme une mauvaise plaisanterie; c'est dans les détroits qu'on est entrainé par la rapidité des courans: il n'y en a point en pleine mer. Dès qu'on ne recherche plus les plaisirs bruyans, et qu'on s'affranchit volontiers des devoirs pénibles, la liberté d'un simple particulier se fortifie par l'immensité de la ville. Quant à moi, l'application à mon grand ouvrage,


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