Le magasin d'antiquités, Tome II. Чарльз Диккенс

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Le magasin d'antiquités, Tome II - Чарльз Диккенс


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c'est la moindre des choses, dit Jowl. Car, enfin, supposez qu'il perde, et rien n'est moins vraisemblable d'après ce que je connais des chances du sort, eh bien! il vaut toujours mieux, il me semble, perdre l'argent des autres que le sien.

      – Ah! s'écria vivement Isaac List, quel plaisir de gagner! Quel plaisir de ramasser de l'argent, de brillants, de beaux petits jaunets, et de les plonger dans sa poche! Quel délice de triompher à la fin, de penser qu'on n'a pas été obligé de s'arrêter tout court et de tourner le dos à la fortune! qu'on a fait, au contraire, bravement la moitié du chemin pour la rencontrer! Mais vous ne partez pas, mon vieux monsieur?

      – Pardon, il faut que je parte, dit le vieillard qui s'était levé et qui avait fait déjà deux ou trois pas à la hâte, lorsqu'il revint non moins précipitamment: «J'aurai l'argent, tout, jusqu'au dernier sou.

      – À la bonne heure, c'est bien, ça! s'écria Isaac en sautant et le frappant sur l'épaule; j'estime en vous ce reste de jeune sang. Ah! ah! ah! Joe Jowl regrette presque de vous avoir donné des conseils. Comme nous allons rire à ses dépens! Ah! ah! ah!

      – Il m'a promis ma revanche, vous savez, dit le vieillard montrant Jowl avec un mouvement violent de sa main ridée; vous savez, il m'a promis écu pour écu, jusqu'au fond de la bourse, qu'il y ait beaucoup ou qu'il y ait peu. Rappelez-vous ça.

      – Je suis votre témoin, répondit Isaac, et j'aurai soin que tout s'exécute loyalement.

      – J'ai engagé ma parole, dit Jowl avec une feinte répugnance, et je la tiendrai. Quand aura lieu cette joute? Je souhaite que ce soit le plus tôt possible. Sera-ce cette nuit?

      – Il faut d'abord que j'aie l'argent, dit le vieillard; je l'aurai demain…

      – Pourquoi pas cette nuit? dit Jowl en insistant.

      – Il est tard; je serais obligé de trop me presser. Il faut agir avec prudence. Non, non, ce sera pour demain soir.

      – Demain, soit! dit Jowl. Buvons une goutte de réconfort. Bonne chance au plus vaillant! Remplissez les verres.»

      Le bohémien apporta trois gobelets d'étain qu'il remplit d'eau-de- vie jusqu'au bord. Le vieillard se détourna en se disant à lui- même quelques mots avant de boire. Celle qui l'écoutait entendit prononcer son propre nom, joint à des souhaits si fervents, qu'ils semblaient adressés au ciel comme une prière pleine d'angoisses.

      «Que Dieu ait pitié de nous! s'écria en elle-même la pauvre enfant. Que Dieu nous assiste à cette heure d'épreuve!.. Oh! que faire pour le sauver?..»

      Le reste de la conversation s'acheva assez brièvement sur un ton plus bas; c'étaient de bons avis sur l'exécution du projet et sur les précautions à prendre pour écarter les soupçons. Alors le vieillard échangea une poignée de main avec ses tentateurs, puis il se retira.

      Ils le suivirent des yeux tandis qu'il marchait lentement, incliné et le dos voûté; et chaque fois que le vieillard tournait la tête pour regarder en arrière, ce qui lui arrivait souvent, ils agitaient la main ou lui jetaient de loin un cri d'encouragement. Ce ne fut qu'après l'avoir vu graduellement diminuer et se perdre comme un point dans le lointain, qu'ils se retournèrent l'un vers l'autre et se hasardèrent à pousser de grands éclats de rire.

      «Ainsi, dit Jowl chauffant ses mains au feu, voilà qui est fait, enfin. Il a fallu, pour le convaincre, plus d'efforts que je ne l'aurais cru. Savez-vous qu'il n'y a pas moins de trois semaines que nous avons commencé à chauffer ça. Qu'est-ce qu'il apportera, à votre idée?

      – Quoi qu'il apporte, part à deux,» répondit Isaac List.

      L'autre secoua la tête et dit:

      «Il faudra aller vite en besogne et lui brûler la politesse; autrement, nous serions soupçonnés, et ce n'est pas une plaisanterie.»

      List et le bohémien donnèrent leur assentiment à ces paroles. Après s'être divertis quelque temps aux dépens de la crédulité de leur victime, les trois hommes laissèrent là ce sujet comme épuisé, et se mirent à causer dans un argot que l'enfant ne pouvait comprendre. Cependant, comme ils paraissaient s'entretenir de choses qui les intéressaient vivement, Nelly jugea que le moment était opportun pour s'enfuir sans être aperçue; elle se glissa d'un pas lent et discret, suivant l'ombre des haies et franchissant les fossés jusqu'à ce qu'elle eût gagné la route et fût assez loin d'eux pour se croire en sûreté. Alors elle courut de toutes ses forces vers le logis, déchirée et ensanglantée par les ronces et les épines, mais le coeur bien autrement meurtri; enfin elle se jeta tout accablée sur son lit.

      La première idée qui se présenta à son esprit, ce fut la fuite, une fuite immédiate; ce fut d'entraîner le vieillard et de mourir plutôt de faim au bord de la route que de laisser son grand-père en butte à de si terribles tentations. Nelly se souvint alors que le crime ne devait pas être commis avant la nuit suivante: elle avait donc le temps nécessaire pour réfléchir et pour aviser à ce qu'il fallait faire. Mais une horrible crainte s'empara d'elle: si en cet instant même le crime allait être commis!.. Elle tremblait d'entendre des cris inarticulés et des gémissements rompre le silence de la nuit; elle songeait en frémissant à ce que son grand-père pourrait être conduit à faire, s'il venait à être surpris au milieu du vol, n'ayant à lutter que contre une femme. Supporter une pareille torture, c'était impossible. Nelly se glissa jusqu'à la chambre où se trouvait l'argent; elle ouvrit la porte et regarda. Dieu soit loué! le vieillard n'était pas là… et mistress Jarley dormait paisiblement! L'enfant revint à sa propre chambre pour se mettre au lit.

      Mais le sommeil était-il possible? le sommeil! mais le repos même était-il possible au sein de pareilles terreurs toujours croissantes? À demi habillée, les cheveux en désordre, elle courut au lit du vieillard, qu'elle saisit par le poignet en l'arrachant au sommeil.

      «Qu'est-ce qu'il y a? s'écria-t-il, tressaillant dans son lit et fixant ses yeux sur cette figure de fantôme.

      – J'ai fait un rêve effrayant, dit l'enfant avec une énergie qui ne pouvait naître que de l'excès de sa terreur. Un rêve effrayant, horrible! Ce n'est pas la première fois. Dans ce rêve il y a des hommes aux cheveux gris comme vous; ces hommes sont au milieu d'une chambre obscurcie par la nuit, et ils volent l'or de ceux qui dorment. Debout! debout!..»

      Le vieillard trembla de tous ses membres et joignit les mains dans l'attitude de la prière.

      «Si ce n'est pour moi, dit l'enfant, si ce n'est pour moi, au nom du ciel! debout, pour nous soustraire à de telles extrémités. Ce rêve n'est que trop réel. Je ne puis dormir, je ne puis demeurer ici, je ne puis vous laisser seul dans une maison où il se fait de ces rêves-là. Debout! il faut fuir!»

      Il la contemplait comme un spectre, et elle en avait toute l'apparence; elle avait l'air d'une déterrée, et le vieillard éprouvait un tremblement redoublé.

      «Il n'y a pas de temps à perdre, dit l'enfant, pas une minute.

      Debout! venez avec moi!

      – Quoi! cette nuit? murmura le vieillard.

      – Oui, cette nuit. Demain soir il serait trop tard. Le rêve reviendrait. La fuite seule peut nous sauver. Debout!»

      Le vieillard sortit de son lit, le front humide, couvert d'une froide sueur, la sueur de l'épouvante, et, se courbant devant l'enfant, comme si c'était un ange envoyé en mission pour le conduire à sa volonté, il fut bientôt prêt à la suivre. Elle le prit par la main et l'emmena. Au moment où ils passaient devant la porte de la chambre où le vieillard s'était proposé de commettre le vol, Nelly frissonna et regarda son grand-père en face. Qu'il était pâle! et quel regard il rencontra dans les yeux de l'enfant!

      Elle le conduisit à sa propre chambre, et le tenant toujours par la main, comme si elle craignait de le perdre un instant de vue, elle rassembla son modeste bagage et suspendit son panier à son bras. Le vieillard reçut d'elle son bissac qu'il jeta sur son dos, son bâton qu'elle avait apporté, puis Nelly le fit sortir.

      Ils traversèrent des rues resserrées, des ruelles étroites; leur pas était à la fois timide


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