Don Juan, ou le Festin de pierre. Жан-Батист Мольер
Читать онлайн книгу.en ce monde que de se contenter.
– Don Juan -
Prépare-toi donc à venir avec moi, et prend soin toi-même d'apporter toutes mes armes, afin que…
(apercevant done Elvire.)
Ah! rencontre fâcheuse. Traître, tu ne m'avais pas dit qu'elle était ici elle-même.
– Sganarelle -
Monsieur, vous ne me l'avez pas demandé.
– Don Juan -
Est-elle folle, de n'avoir pas changé d'habit, et de venir en ce lieu-ci, avec son équipage de campagne ?
Scène III. – Done Elvire, Don Juan, Sganarelle.
– Done Elvire -
Me ferez-vous la grâce, don Juan, de vouloir bien me reconnaître? Et puis-je au moins espérer que vous daigniez tourner le visage de ce côté ?
– Don Juan -
Madame, je vous avoue que je suis surpris, et que je ne vous attendais pas ici.
– Done Elvire -
Oui, je vois bien que vous ne m'y attendiez pas; et vous êtes surpris, à la vérité, mais tout autrement que je ne l'espérais; et la manière dont vous le paraissez, me persuade pleinement ce que je refusais de croire. J'admire ma simplicité, et la faiblesse de mon coeur, à douter d'une trahison que tant d'apparences me confirmaient. J'ai été assez bonne, je le confesse, ou plutôt assez sotte, pour vouloir me tromper moi-même, et travailler à démentir mes yeux et mon jugement. J'ai cherché des raisons, pour excuser à ma tendresse le relâchement d'amitié qu'elle voyait en vous; et je me suis forgé exprès cent sujets légitimes d'un départ si précipité, pour vous justifier du crime dont ma raison vous accusait. Mes justes soupçons chaque jour avaient beau me parler, j'en rejetais la voix qui vous rendait criminel à mes yeux, et j'écoutais avec plaisir mille chimères ridicules, qui vous peignaient innocent à mon coeur; mais enfin cet abord ne me permet plus de douter, et le coup d'oeil qui m'a reçue m'apprend bien plus de choses que je ne voudrais en savoir. Je serais bien aise pourtant d'ouïr de votre bouche les raisons de votre départ. Parlez, don Juan, je vous prie, et voyons de quel air vous saurez vous justifier.
– Don Juan -
Madame, voilà Sganarelle, qui sait pourquoi je suis parti.
– Sganarelle -
(bas, à don Juan.)
Moi, Monsieur? je n'en sais rien, s'il vous plaît.
– Done Elvire -
Eh bien! Sganarelle, parlez. Il n'importe de quelle bouche j'entende ses raisons.
– Don Juan -
(faisant signe à Sganarelle d'approcher.)
Allons, parle donc à Madame.
– Sganarelle -
(bas, à don Juan.)
Que voulez-vous que je dise ?
– Done Elvire -
Approchez, puis qu'on le veut ainsi, et me dites un peu les causes d'un départ si prompt.
– Don Juan -
Tu ne répondras pas ?
– Sganarelle -
(bas, à don Juan.)
Je n'ai rien à répondre. Vous vous moquez de votre serviteur.
– Don Juan -
Veux-tu répondre, te dis-je ?
– Sganarelle -
Madame…
– Done Elvire -
Quoi ?
– Sganarelle -
(se tournant vers son maître.)
Monsieur…
– Don Juan -
(en le menaçant.)
Si…
– Sganarelle -
Madame, les conquérants, Alexandre, et les autres mondes sont cause de notre départ. Voilà, Monsieur, tout ce que je puis dire.
– Done Elvire -
Vous plaît-il, don Juan, de nous éclaircir ces beaux mystères ?
– Don Juan -
Madame, à vous dire la vérité…
– Done Elvire -
Ah, que vous savez mal vous défendre pour un homme de cour, et qui doit être accoutumé à ces sortes de choses! J'ai pitié de vous voir la confusion que vous avez. Que ne vous armez-vous le front d'une noble effronterie? que ne me jurez-vous que vous êtes toujours dans les mêmes sentiments pour moi, que vous m'aimez toujours avec une ardeur sans égale, et que rien n'est capable de vous détacher de moi que la mort? que ne me dites-vous que des affaires de la dernière conséquence vous ont obligé à partir sans m'en donner avis; qu'il faut que, malgré vous, vous demeuriez ici quelque temps, et que je n'ai qu'à m'en retourner d'où je viens, assurée que vous suivrez mes pas le plus tôt qu'il vous sera possible; qu'il est certain que vous brûlez de me rejoindre, et qu'éloigné de moi vous souffrez ce que souffre un corps qui est séparé de son âme? Voilà comme il faut vous défendre, et non pas être interdit comme vous êtes.
– Don Juan -
Je vous avoue, Madame, que je n'ai point le talent de dissimuler, et que je porte un coeur sincère. Je ne vous dirai point que je suis toujours dans les mêmes sentiments pour vous, et que je brûle de vous rejoindre, puisqu'enfin il est assuré que je ne suis parti que pour vous fuir; non point pour les raisons que vous pouvez vous figurer, mais par un pur motif de conscience, et pour ne croire pas qu'avec vous davantage je puisse vivre sans péché. Il m'est venu des scrupules, Madame, et j'ai ouvert les yeux de l'âme sur ce que je faisais. J'ai fait réflexion que, pour vous épouser, je vous ai dérobée à la clôture d'un couvent, que vous avez rompu des voeux qui vous engageaient autre part, et que le ciel est fort jaloux de ces sortes de choses. Le repentir m'a pris, et j'ai craint le courroux céleste. J'ai cru que notre mariage n'était qu'un adultère déguisé, qu'il nous attirerait quelque disgrâce d'en haut, et qu'enfin je devais tâcher de vous oublier, et vous donner moyen de retourner à vos premières chaînes. Voudriez-vous, Madame, vous opposer à une si sainte pensée, et que j'allasse, en vous retenant, me mettre le ciel sur les bras; que pour…
– Done Elvire -
Ah! scélérat, c'est maintenant que je te connais tout entier; et, pour mon malheur, je te connais lorsqu'il n'en est plus temps, et qu'une telle connaissance ne peut plus me servir qu'à me désespérer. Mais sache que ton crime ne demeurera pas impuni, et que le même ciel dont tu te joues me saura venger de ta perfidie.
– Don Juan -
Sganarelle, le ciel !
– Sganarelle -
Vraiment oui, nous nous moquons bien de cela, nous autres.
– Don Juan -
Madame…
– Done Elvire -
Il suffit. je n'en veux pas ouïr davantage, et je m'accuse même d'en avoir trop entendu. C'est une lâcheté que de se faire expliquer trop sa honte; et sur de tels sujets, un noble coeur, au premier mot, doit prendre son parti. N'attends pas que j'éclate ici en reproches et en injures; non, non, je n'ai point un courroux à exhaler en paroles vaines, et toute sa chaleur se réserve pour sa vengeance. Je te le dis encore, le ciel te punira, perfide, de l'outrage que tu me fais, et si le ciel n'a rien que tu puisses appréhender, appréhende du moins la colère d'une femme offensée.
Scène IV. – Don Juan, Sganarelle.
– Sganarelle -
(à part.)
Si le remords le pouvait prendre !
– Don