Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc

Читать онлайн книгу.

Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 1 - (A) - Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc


Скачать книгу
d'Autun, fermée par une voûte en berceau ogival renforcée d'arcs-doubleaux, fut décorée par une arcature aveugle extérieure qui remplit cette surélévation nue des maçonneries, bien que par le fait elle ne soit d'aucune utilité; elle n'était placée là que pour occuper les yeux, et comme une tradition des galeries à jour des édifices romans des bords du Rhin.

      Cette arcature (15) a cela de particulier qu'elle est, comme forme, une imitation des galeries ou chemins de ronde des deux portes antiques existant encore dans cette ville (portes de Saint-André et d'Arrou). Il faut croire que ce motif fut très-goûté alors, car il fut répété à satiété dans la cathédrale d'Autun et dans les églises de Beaune et de Saulieu qui ne sont que des imitations de cet édifice, ainsi que dans un grand nombre de petites églises du Mâconnais et de la haute Bourgogne. À l'extérieur des absides, les arcatures romanes sont prodiguées dans les édifices religieux du Languedoc, de la Provence, et particulièrement de la Saintonge, du Poitou et du Berry. On voit encore une belle ceinture d'arcatures alternativement aveugles ou percées de fenêtres à l'extérieur du triforium de l'église ronde de Neuvy-Saint-Sépulcre (Indre), XIe siècle (voy. SAINT-SÉPULCRE). Ce système d'arcatures encadrant des fenêtres est adopté en auvergne à l'extérieur des absides, dans les parties supérieures des nefs et des pignons des transsepts; en voici un exemple tiré du bras de croix nord de l'église Saint-Étienne de Nevers, élevée au XIe siècle sur le plan des églises auvergnates (16).

      Cette arcature présente une disposition qui appartient aux églises de cette province, c'est ce triangle qui vient remplacer l'arc plein cintre dans certains cas. L'église de Notre-Dame-du-Port, à Clermont, nous donne à l'extrémité des bras de croix nord et sud une arcature à peu près pareille à celle-ci; mais à Saint-Étienne de Nevers ces arcatures décorent l'intérieur et l'extérieur du pignon du croisillon nord, tandis qu'à Notre-Dame-du-Port elles n'existent qu'à l'intérieur. Il n'est pas besoin de dire que les arcatures hautes des nefs ou des absides ne pouvaient plus trouver leur place du moment que la voûte en arcs-ogives était adoptée, puisque alors les archivoltes des fenêtres s'élevaient jusque sous les corniches supérieures; aussi ne les rencontre-t-on plus dans les monuments des XIIIe, XIVe et XVe siècles, si ce n'est dans la cathédrale de Reims, où l'on voit apparaître comme un dernier reflet de la tradition des arcatures romanes supérieures. Ici, ces arcatures surmontent les corniches et pourraient être considérées comme des balustrades si leur dimension extraordinaire n'empêchait de les confondre avec ce membre de l'architecture ogivale. Ce sont plutôt des claires-voies dont on ne s'explique guère l'utilité. Les chapelles du choeur de la cathédrale de Reims sont surmontées de rangées de colonnes isolées portant des arcs et un bandeau. Cette, décoration, qui date du XIIIe siècle, prend une grande importance par ses dimensions; elle a le défaut d'être hors d'échelle avec les autres parties de l'édifice, et rapetisse les chapelles à cause de son analogie avec les formes d'une balustrade (17).

      Les couronnements du choeur de cette même cathédrale étaient également terminés par une arcature aveugle dont il reste une grande quantité de fragments reposés et restaurés à la fin du XVe siècle, après l'incendie des combles. Là, cette arcature se comprend mieux, elle masquait un chéneau; mais l'arcature à jour de la nef, refaite également au XVe siècle en suivant les formes adoptées à la fin du XIIIe siècle, n'est plus qu'une imitation de ce parti quant à l'apparence extérieure seulement, puisqu'elle ne répond à aucun besoin. Les tours centrales des églises, élevées sur le milieu de la croisée, sont souvent décorées à l'intérieur ou à l'extérieur, pendant les époques romanes ou de transition, d'arcatures aveugles, surtout dans la Normandie, l'Auvergne, la Saintonge et l'Angoumois, où ce mode de tapisser les nus des murs dans les parties supérieures des édifices paraît avoir été particulièrement adopté. Les souches des tours centrales des cathédrales de Coutances à l'intérieur, de Rouen à l'intérieur et à l'extérieur, de Bayeux à l'extérieur, des églises de Saint-Étienne de Caen à l'intérieur, de Notre-Dame-du-Port et d'Issoire à l'extérieur, de la plupart des églises de la Charente, etc., sont munies d'arcatures (voy. TOUR, CLOCHER). Nous voyons aussi les arcatures employées comme décoration dans les étages supérieurs des clochers plantés sur les façades des églises romanes et du commencement du XIIIe siècle, au-dessus des portails, sous les roses.

      Les trois derniers étages du clocher nord de la cathédrale de Sens, dit tour de Plomb, sont entourés d'arcatures aveugles formant galerie à jour seulement dans les milieux du second étage. Nous donnons ici (18) le dessin de l'arcature trilobée supérieure de ce clocher. On remarquera que les colonnettes accouplées de cette arcature sont supportées par des figures marchant sur des lions; ces sortes de cariatides se rencontrent dans quelques édifices de la Champagne et d'une partie de la Bourgogne (voy. SUPPORT).

       ARCATURES ORNEMENT. Il nous reste à parler des arcatures qui se rencontrent si fréquemment disposées dans les soubassements des ébrasements des portails des églises, et qui sont bien réellement alors une simple décoration. Les arcatures dont nous avons précédemment parlé sont bâties, font presque toujours partie de la construction, leurs arcs sont composés de claveaux, et forment, ainsi que nous l'avons fait ressortir plus haut, comme autant d'arcs de décharge portés sur des colonnes monolythes; tandis que les arcatures de socles sont la plupart du temps évidées dans des blocs de pierre.

      Telles sont les arcatures placées au-dessous des statues aujourd'hui détruites des portails de la cathédrale de Sées (19), qui datent des premières années du XIIIe siècle; celles du portail nord de la cathédrale de Troyes qui, bien qu'un peu postérieures, présentent une disposition analogue; celles du portail sud de la cathédrale d'Amiens avec des arcs entrelacés (20) posées de 1220 à 1225; celles si finement sculptées et d'un goût si pur qui tapissent les parements des soubassements de la porte centrale de la cathédrale de Paris, et entre lesquelles sont représentés les Vertus et Vices (21), 1220 environ; celles qui sont disposées dans une place pareille à la place Sainte-Anne, de la même façade, et entre lesquelles sont gravées en creux des fleurs de lis simulant une tenture; celles enfin de la porte de la Vierge (22), toujours de la cathédrale de Paris, traitées avec un soin et une grandeur de style peu ordinaires.

      Cette dernière arcature peut être donnée comme un des modèles les plus complets de ce genre de décoration, et nous ne connaissons rien qui puisse lui être comparé. Elle est enrichie de sculptures de la plus grande beauté, et qui ont le mérite d'être parfaitement disposées pour la place qu'elles occupent. Les personnages ou animaux ronde bosse qui remplissent les écoinçons entre les arcs, formaient comme des supports sous les grandes figures adossées à des colonnes, autrefois debout sur ce soubassement, et rappelaient le martyre des saints ou les personnifiaient. La forte saillie de ces figures s'échappant entre les petites archivoltes, était en rapport avec la grandeur et le haut relief des statues, tandis que toute la sculpture placée sous les arcs et dans les entre-colonnements n'est plus qu'une sorte de tapisserie dont le peu de relief ne détruit pas la grande unité de ce beau soubassement. On peut voir, bien que la gravure ne donne qu'une faible idée de cette décoration, comme la saillie des bas-reliefs se perd avec le fond à mesure qu'ils se rapprochent du sol. Les ornements entre les colonnes ne sont plus même que des gravures en creux, non point sèches comme un simple trait, mais présentant des parties larges et grasses évidées en coquille. La construction de ce soubassement est en harmonie parfaite avec l'ornementation. Les fonds tiennent à la bâtisse. Les colonnettes jumelles monolythes, rendues très-résistantes par l'espèce de cloison ornée qui


Скачать книгу