Le Rideau levé; ou l'Education de Laure. Honoré-Gabriel de Riqueti Mirabeau

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Le Rideau levé; ou l'Education de Laure - Honoré-Gabriel de Riqueti Mirabeau


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chère Laure, vous ne pouvez rester sans gouvernante; on m'en envoie une qui arrivera demain: on m'en a fait beaucoup d'éloges, mais il est nécessaire de la connaître pour juger s'ils ne sont point outrés…

      Je ne m'attendais nullement à cette nouvelle; je t'avoue, chère Eugénie, qu'elle m'attrista: sa présence me gênait déjà, sans savoir pourquoi, et sa personne me déplaisait, même avant de l'avoir vue.

      En effet, Lucette arriva le jour qu'elle était annoncée.

      C'était une grande fille très bien faite, entre dix-neuf et vingt ans: belle gorge, fort blanche, d'une figure revenante sans être jolie; elle n'avait de régulier qu'une bouche très bien dessinée, des lèvres vermeilles, les dents petites, d'un bel émail et parfaitement rangées. J'en fus frappée d'abord.

      Mon père m'avait appris à connaître une belle bouche en me félicitant cent fois sur cet avantage. Lucette unissait à cela un excellent caractère, beaucoup de douceur, de bonté, et une humeur charmante. Mon amitié, malgré ma petite prévention, se porta bientôt vers elle, et j'ai eu lieu de m'y attacher fortement. Je m'aperçus que mon père la reçut avec une satisfaction qui répandit la sérénité dans ses yeux.

      L'envie et la jalousie, ma chère, sont étrangères à mon coeur, rien ne me paraît plus mal fondé. D'ailleurs, ce qui fait naître les désirs des hommes ne tient souvent pas à notre beauté, ni à notre mérite: ainsi, pour notre propre bonheur, laissons-les libres, sans inquiétude. Il y en a dont l'infidélité est souvent un feu léger, qu'un instant voit disparaître aussitôt qu'il a brillé. S'ils pensent, s'ils réfléchissent, bientôt on les voit revenir auprès d'une femme dont l'humeur douce et agréable les met dans l'impossibilité de vivre sans elle. S'ils ne pensent pas, la perte est bien faible.

      Eh! quelle folie de s'en tourmenter!

      Je ne raisonnais pas encore avec autant de sagacité; cependant, je ne sentais point de jalousie contre Lucette: il est vrai que ses amitiés, ses caresses et celles que mon père continuait de me faire, la bannissaient loin de moi. Je n'apercevais de différence que dans la réserve qu'il observait lorsque Lucette était présente, mais je donnais cette conduite à la prudence. Un temps se passa de cette manière, pendant lequel je m'aperçus enfin de ses attentions pour elle. Toutes les occasions qui pouvaient s'en présenter, il ne les laissait point échapper. Cependant, mon affection pour Lucette fut bientôt d'accord avec celle de mon père.

      Lucette avait désiré coucher dans ma chambre, et mon père s'y était prêté. Le matin, à son réveil, il venait nous embrasser; j'étais dans un lit à côté d'elle. Cet arrangement, et le prétexte de venir me voir, lui donnait la facilité de s'amuser avec nous, et de faire à Lucette toutes les avances qu'il pouvait hasarder devant moi. Je voyais bien qu'elle ne le rebutait pas, mais je ne trouvais pas qu'elle répondît à ses empressements comme je l'aurais fait et le désirais d'elle; je ne pouvais en concevoir la raison. Je jugeais par moi-même, et je croyais qu'en aimant avec tant de tendresse ce cher papa, tout le monde devait avoir mon coeur, penser et sentir comme moi. Je ne pus me refuser de lui en faire des reproches:

      – Pourquoi, ma bonne, n'aimez-vous pas mon papa, lui qui paraît avoir tant d'amitié pour vous? Vous êtes bien ingrate…

      Elle souriait à ces reproches, en m'assurant que je les lui faisais injustement. En effet, cet éloignement apparent ne tarda pas à se dissiper.

      Un soir, après le repas, nous rentrâmes dans la pièce que j'occupais; il nous présenta de la liqueur. Une demi-heure était à peine écoulée que Lucette s'endormit profondément; il me prit alors entre ses bras et, m'emportant dans sa chambre, il me fit mettre dans son lit. Surprise de cet arrangement nouveau, ma curiosité fut à l'instant réveillée. Je me relevai un moment après et courus d'un pas léger à la porte vitrée où j'écartai le bord du rideau.

      Je fus bien étonnée de voir toute la gorge de Lucette entièrement découverte. Quel sein charmant! deux demi-globes d'une blancheur de neige, du milieu desquels sortaient deux fraises naissantes d'une couleur de chair plus animée, reposaient sur sa poitrine; fermes comme l'ivoire, ils n'avaient de mouvement que celui de sa respiration. Mon père les regardait, les maniait, les baisait et les suçait: rien ne la réveillait. Bientôt, il lui ôta tous ses habits, et la porta sur le bord du lit qui était en face de la porte où j'étais. Il releva sa chemise; je vis deux cuisses d'albâtre, rondes et potelées, qu'il écarta, j'aperçus alors une petite fente vermeille, garnie d'un poil fort brun; il l'entrouvrit; il y posa les doigts en remuant la main avec activité: rien ne la retirait de sa léthargie. Animée par cette vue, instruite par l'exemple, j'imitai sur la mienne les mouvements que je voyais. J'éprouvais une sensation qui m'était inconnue.

      Mon père la coucha dans le lit, et vint à la porte vitrée pour la fermer. Je me sauvai, et courus m'enfoncer dans celui où il m'avait mise. Aussitôt que j'y fus étendue, profitant des lumières que je venais d'acquérir, et réfléchissant sur ce que j'avais vu, je recommençai mes frottements. J'étais toute en feu; cette sensation que j'avais éprouvée s'augmenta par degrés, et parvint à une telle énergie que mon âme, concentrée dans le milieu de moi-même, avait quitté toutes les autres parties de mon corps pour ne s'arrêter que dans cet endroit: je tombai pour la première fois dans un état inconnu dont j'étais enchantée.

      Revenue à moi, quelle fut ma surprise, en me tâtant au même endroit, de me trouver toute mouillée. J'eus dans le premier instant une vive inquiétude, qui se dissipa par le souvenir du plaisir que j'avais ressenti, et par un doux sommeil qui me retraça pendant la nuit, dans des songes flatteurs, les agréables images de mon père caressant Lucette. J'étais même encore endormie quand il vint, le lendemain, me réveiller par ses embrassements, que je lui rendis avec usure.

      Depuis ce jour, ma bonne et lui me parurent de la meilleure intelligence, quoiqu'il ne restât plus, le matin, si longtemps près de nous. Ils n'imaginaient pas que je fusse au fait de rien et, dans leur sécurité, ils se faisaient dans la journée mille agaceries, qui étaient ordinairement le prélude des retraites qu'ils allaient souvent faire ensemble dans sa chambre, où ils restaient assez longtemps. J'imaginais bien qu'ils allaient répéter ce que j'avais déjà vu; je ne poussais pas alors mes idées plus loin; cependant, je mourais d'envie de jouir encore du même spectacle. Tu vas juger, ma chère, du violent désir qui me tourmentait: il était enfin arrivé, cet instant où je devais tout apprendre.

      Trois jours après celui dont je viens de te rendre compte, voulant, à quelque prix que ce fût, satisfaire mon désir curieux, lorsque mon père fut sorti et ma bonne occupée, j'imaginai de mettre une soie au coin du rideau et de la faire passer par le coin opposé d'un des carreaux. Cet arrangement préparé, je ne tardai pas à en profiter. Le lendemain, mon père, qui n'avait sur lui qu'une robe de taffetas, entraîna Lucette qui était aussi légèrement vêtue: ils prirent le soin de fermer exactement la porte et d'arranger le rideau; mais j'avais vaincu tous les obstacles et mon expédient me réussit, au moins en partie. Ils n'y eurent pas été deux minutes qu'impatiente je fus à la porte, et je soulevai faiblement le rideau. J'aperçus Lucette. Ses tétons étaient entièrement découverts; mon père la tenait dans ses bras et la couvrait de ses baisers. Mais, tourmenté de désirs, bientôt jupes, corset, chemise, tout fut à bas. Qu'elle me parut bien dans cet état! et que j'aimais à la voir ainsi!

      La fraîcheur et les grâces de la jeunesse étaient répandues sur elle. Chère Eugénie, la beauté des femmes a donc un pouvoir bien singulier, un attrait bien puissant, puisqu'elle nous intéresse aussi! Oui, ma chère, elle est touchante, même pour notre sexe, par ses belles formes arrondies, le satiné et le coloris brillant d'une belle peau! Tu me l'as fait ressentir dans tes bras, et tu l'as éprouvé comme moi.

      Mon père fut bientôt dans un état pareil à celui où il avait mis Lucette. Cette vue m'attacha par sa nouveauté.

      Il l'emporta sur un lit de repos que je ne pouvais découvrir.

      Dévorée par ma curiosité, je ne ménageai plus rien, je levai le rideau jusqu'à ce que je puisse les voir entièrement. Rien ne fut soustrait à mes regards puisque rien ne gênait leurs plaisirs. Lucette, couchée sur lui, les fesses en l'air, les jambes écartées, me laissait apercevoir toute l'ouverture de sa fente, entre deux petites éminences


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