L'Agent Zéro . Джек Марс
Читать онлайн книгу.vendeur pointa du doigt l’arrière du magasin. Il n’avait pas prononcé un seul mot de toute la transaction.
Avant de se changer, Reid s’examina pour la première fois dans un miroir propre. Bon sang, il avait une sale gueule. Son œil droit était fortement gonflé et du sang tachait les bandages. Il fallait qu’il trouve une pharmacie pour acheter un kit de premier secours digne de ce nom. Il fit glisser son jean, crasseux et légèrement ensanglanté au niveau de sa cuisse blessée, en grimaçant de douleur. Quelque chose le surprit en tombant au sol. C’était le Beretta. Il avait presque oublié qu’il l’avait.
Le pistolet était plus lourd qu’il ne l’aurait imaginé. Neuf-cent-quarante-cinq grammes, non chargé, savait-il. Le tenir en main était comme embrasser une ancienne maîtresse, familier et étranger à la fois. Il le posa pour finir de se changer, fourra ses anciens vêtements dans le sac de shopping, et remit le pistolet dans la ceinture de son nouveau jean, au creux de son dos.
Une fois de retour sur le boulevard, Reid garda la tête basse et marcha d’un pas rapide, ne quittant pas des yeux le trottoir. Il n’avait pas besoin que d’autres visions viennent le distraire pour le moment. Il jeta le sac contenant ses anciens vêtements dans une poubelle à l’angle d’une rue, sans même cesser de marcher.
“Oh ! Excusez-moi,” dit-il alors que son épaule venait de heurter violemment une passante vêtue d’un tailleur. Elle le fusilla du regard. “C’est ça, désolé.” Elle soupira dans un souffle avant de s’éloigner. Il fourra ses mains dans les poches de son blouson, ainsi que le téléphone mobile qu’il venait de dérober dans le sac de la femme.
C’était facile. Trop facile.
Deux croisements plus loin, il s’arrêta sous l’auvent d’un grand magasin et sortit le téléphone de sa poche. Il poussa un soupir de soulagement : il avait choisi la femme d’affaires pour une raison précise, et son instinct s’avérait payant. Skype était installé sur son téléphone et son compte était associé à un numéro américain.
Il ouvrit le navigateur internet du téléphone, chercha le numéro du Pap’s Deli dans le Bronx, et lança l’appel.
Une jeune voix masculine ne tarda pas à répondre. “Pap’s, que puis-je faire pour vous ?”
“Ronnie ?” L’un de ses étudiants de l’année passée travaillait à mi-temps chez le traiteur préféré de Reid. “C’est le Professeur Lawson.”
“Salut, Professeur !” répondit le jeune homme avec entrain. “Comment allez-vous ? Vous voulez passer commande à emporter ?”
“Non. Enfin, oui… on peut dire ça. Écoutez, j’ai vraiment besoin que vous me rendiez un gros service, Ronnie.” Pap’s Deli n’était qu’à six pâtés de maisons de chez lui. Quand il faisait beau, il n’hésitait pas à s’y rendre à pied pour aller chercher des sandwiches. “Vous avez Skype sur votre téléphone ?”
“Ouais ?” dit Ronnie d’une voix étonnée.
“Bien. Voici ce que j’aimerais que vous fassiez. Écrivez ce numéro…” Il demanda à son ancien étudiant de faire un saut chez lui en vitesse, de voir qui était là, si toutefois il y avait quelqu’un, puis de rappeler le numéro américain sur le téléphone.
“Professeur, est-ce que vous avez des ennuis ?”
“Non, Ronnie, je vais bien,” mentit-il. “J’ai perdu mon téléphone et une gentille dame me laisse utiliser le sien pour faire savoir à mes filles que je vais bien. Mais je n’ai que quelques minutes. Donc si vous pouviez, s’il vous plait…”
“C’est bon, Professeur. C’est un plaisir. Je vous rappelle très vite.” Ronnie raccrocha.
En attendant, Reid fit les cent pas sous l’auvent du magasin, regardant le téléphone sans cesse pour ne pas manquer l’appel. Quand le téléphone sonna, il eut l’impression d’avoir attendu une heure, alors que seulement six minutes s’étaient écoulées.
“Allô ?” Il répondit à l’appel Skype dès la première sonnerie. “Ronnie ?”
“Reid, c’est toi ?” prononça une voix féminine agitée.
“Linda !” dit Reid dans un souffle. “Je suis content que tu sois là. Écoute, j’ai besoin de savoir…”
“Reid, qu’est-ce qui s’est passé ? Où es-tu ?” demanda-t-elle.
“Les filles, elles sont à…”
“Qu’est-ce qui s’est passé ?” insista Linda. “Les filles se sont levées ce matin, paniquées parce que tu étais parti, donc elles m’ont appelée et je suis venue immédiatement…”
“Linda, s’il te plait,” tenta-t-il de l’interrompre, “Où sont-elles ?”
Elle parlait sans l’écouter, clairement affolée. Linda avait beaucoup de qualités, mais gérer une situation de crise n’en faisait pas partie. “Maya a dit que tu partais parfois te promener le matin, mais que les deux portes étaient ouvertes à l’avant et à l’arrière de la maison. Du coup, elle voulait appeler la police et elle a dit que tu ne pars jamais en laissant ton téléphone à la maison. Et maintenant, voici cet employé du traiteur qui me tend ce téléphone…”
“Linda !” cria Reid brusquement. Deux hommes d’un certain âge qui passaient par là se retournèrent d’étonnement. “Où sont les filles ?”
“Elles sont ici,” dit-elle, haletante. “Elles sont toutes les deux à la maison, avec moi.”
“Elles n’ont rien ?”
“Non, rien du tout. Reid, qu’est-ce qui se passe ?”
“As-tu appelé la police ?”
“Pas encore, non… À la télé, ils disent toujours qu’il faut attendre vingt-quatre heures avant de signaler une disparition… Est-ce que tu as des ennuis ? D’où est-ce que tu m’appelle ? C’est le compte Skype de qui ?”
“Je ne peux pas te le dire. Contente-toi de m’écouter. Demande aux filles de faire leur valise et amène-les à l’hôtel. Pas quelque chose de proche, sors de la ville. Peut-être à Jersey…”
“Reid, de quoi ?”
“Mon portefeuille est sur mon bureau, à l’étage. N’utilise pas directement la carte de crédit. Retire des sous avec n’importe quelle carte qu’il y a dedans et utilise cet argent pour payer le séjour. Ne donne pas de date de départ.”
“Reid ! Je ne ferai rien du tout tant que tu ne me diras pas… attends une seconde.” La voix de Linda devint étouffée et distante. “Oui, c’est lui. Il va bien, je crois. Attends, Maya !”
“Papa ? Papa, c’est toi ?” Une voix différente avait pris l’appareil. “Qu’est-ce qui s’est passé ? Où es-tu ?”
“Maya ! Je, euh, j’ai eu une urgence, à la toute dernière minute. Je ne voulais pas vous réveiller…”
“Tu te moques de moi ?” Sa voix était aiguë, agitée et inquiète en même temps. “Je ne suis pas stupide, Papa. Dis-moi la vérité.”
Il soupira. “Tu as raison. Je suis désolé. Je ne peux pas te dire où je suis, Maya. Et je ne dois pas rester au téléphone trop longtemps. Fais seulement ce que ta tante te demande, OK ? Tu vas quitter la maison pour un petit moment. Ne va pas à l’école. Ne va nulle part. Ne parle pas de moi que ce soit au téléphone ou sur l’ordinateur. Tu comprends ?”
“Non, je ne comprends pas ! Est-ce que tu as des ennuis ? Doit-on appeler la police ?”
“Non, ne fais pas ça”, dit-il. “Pas encore. Laisse-moi… juste du temps pour résoudre un truc.”
Elle garda le silence un long moment. Puis, elle finit