Jane Austen: Oeuvres Majeures. Джейн Остин

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Jane Austen: Oeuvres Majeures - Джейн Остин


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à Altenham dans des termes qui l’obligèrent à se rendre directement à Londres, où je lui donnais rendez-vous. Il y fut exact, car l’homme qui manque aux lois de l’honneur avec un sexe faible et sans défense, n’a garde d’y manquer avec son propre sexe. Nous nous rencontrâmes donc, lui pour défendre et moi pour punir sa conduite. Il fut blessé au bras ; je n’en voulais pas à sa vie, et lors même que le désir de la conserver l’aurait engagé à m’offrir de réparer ses torts en épousant Caroline, je n’y aurais pas consenti. L’exemple de sa mère m’a trop fait sentir les dangers d’une union qui n’est pas fondée sur un attachement et une estime réciproques. J’aime mieux consoler mon enfant d’une faiblesse excusable, peut-être, dans un âge aussi tendre, que de l’exposer à devenir bien plus coupable, en l’unissant à un homme dont les principes sont aussi relâchés. Désolé de n’avoir pas su prévenir le malheur de la fille de mon Elisa, d’avoir si mal répondu à sa confiance, je consacre le reste de ma vie à adoucir ses peines, à la réconcilier avec elle-même, à la consoler d’une faute qu’elle peut encore réparer à force de vertus, et en remplissant tous les devoirs qui lui sont imposés.

      — Est-elle à Londres ?

      — Non, sa santé avait besoin d’un air plus pur. Je la trouvai près de devenir mère. Son fils qui sera le mien, l’occupe uniquement. Je l’ai placée à la campagne chez des gens dont je suis sûr, comme une jeune veuve ; et si l’on peut croire à l’efficacité d’un profond et sincère repentir, le ciel lui a pardonné une faute aussi chèrement payée.

      Se rappelant tout-à-coup que Maria avait peut-être besoin de sa sœur, que madame Jennings allait rentrer, il termina sa visite, recevant encore tous les remercîmens d’Elinor, et la laissant pleine d’estime pour lui, de compassion pour sa fille adoptive et d’indignation contre Willoughby.

      CHAPITRE XXXIII.

       Table des matières

      Elinor trouva bientôt l’occasion de répéter cette conversation à sa sœur ; mais l’effet fut très-différent de ce qu’elle avait imaginé. Maria n’eut pas l’air d’avoir un seul doute ; elle écouta le récit avec la plus ferme et la plus soumise attention, sans faire aucune remarque, aucune objection, sans interrompre cette narration par la moindre exclamation douloureuse. Elle n’essaya point de justifier Willoughby ; elle versait des larmes, et semblait convenir par son silence qu’elle sentait que c’était impossible. Toute sa conduite prouva à Elinor que la conviction de cette perfidie avait frappé son esprit, mais sans guérir son cœur. Elle vit aussi avec satisfaction, mais avec une grande surprise, qu’elle ne cherchait plus à éviter le colonel Brandon. Quand il entrait dans le salon elle ne sortait plus ; elle ne lui parlait pas la première, mais elle lui répondait avec beaucoup de politesse et même avec une sorte de respect, et ne se permettait plus un seul mot contre lui. Ce pauvre colonel, disait-elle à Elinor, comme je l’ai mal jugé ! Il a aimé passionnément, et il a été trahi ; ah ! combien je le plains. En tout elle était plus calme, plus résignée en apparence ; mais elle n’en paraissait pas moins malheureuse. Son esprit avait pris une assiette plus tranquille, mais aussi plus mélancolique ; et toujours elle était plongée dans un profond abattement. Elle sentit plus pesamment la perte des vertus et du caractère qu’elle avait supposés à Willoughby, qu’elle n’avait senti celle de son cœur. La séduction de mademoiselle Williams ; l’abandon qui en avait été la suite ; la misère de cette pauvre jeune fille, qui contrastait si fort avec la gaîté brillante de son séducteur ; un doute sur les desseins qu’il pouvait avoir eus sur elle-même, lorsqu’il feignait si bien un amour qu’il n’avait peut-être pas : tout cela réuni l’oppressait au point de ne pouvoir plus même en parler avec Elinor ; et nourrissant en silence le chagrin qui la dévorait, elle causait plus de peine à sa sœur que si elle le lui avait confié du matin au soir.

      Elles recevaient de leur mère de fréquentes lettres qui n’étaient qu’une répétition de tout ce que Maria avait dit et senti. Sa douleur égalait presque celle de cette dernière, et son indignation surpassait celle d’Elinor. Des pages entières arrivaient tous les jours, pour dire et redire toutes ses pensées, tous ses sentimens, pour exprimer sa sollicitude sur sa chère Maria, pour la supplier d’avoir un courage dont elle ne lui donnait pas l’exemple, et pour la recommander à Elinor. Malgré son désir de les revoir toutes les deux, elle insistait positivement pour qu’elles ne revinssent pas encore à Barton ; ce lieu plus que tout autre retracerait à sa pauvre Maria son bonheur passé, et nourrirait son amour et son affliction : à chaque place, disait-elle, elle verrait en imagination Willoughby comme elle l’avait vu, tendre, empressé, uniquement occupé d’elle et des moyens de lui plaire… et l’imprudente mère ne songeait pas qu’en présentant elle-même ce tableau à Maria, elle lui faisait tout le mal qu’elle voulait éviter. Elinor vit avec chagrin que chaque lettre de la Chaumière redoublait la tristesse de sa sœur ; elle en vint à croire qu’en effet madame Dashwood faisait mieux de ne pas la rappeler auprès d’elle, et qu’elles ne feraient que s’exciter ensemble aux regrets et à la douleur. Madame Dashwood les engageait à profiter de l’invitation et de la générosité de madame Jennings, et à rester au moins pendant les six semaines qu’elle avait fixées pour leur séjour à Londres : une variété d’objets, d’occupations, de société, pourraient peut-être, disait-elle, distraire sa chère Maria de ses tristes pensées et lui procurer quelqu’autre objet d’intérêt. La rencontre fortuite de Willoughby ne l’inquiétait point ; elle n’était pas à craindre ; tous leurs amis, toutes leurs connaissances partageaient sans doute son indignation et n’auraient garde de l’inviter. Maria avait même moins de chance de le rencontrer qu’à Barton ; il pouvait être obligé d’un jour à l’autre de faire une visite à madame Smith à Altenham, à l’occasion de son mariage, et même d’y amener sa femme, ce qui serait absolument insupportable, et ne manquerait pas d’arriver. Un autre motif se joignait encore à ceux-là pour engager ses filles à rester à Londres. Une lettre de M. John Dashwood lui avait annoncé que dans le milieu de février ils y seraient établis en famille. Elle désirait beaucoup que ses filles fussent à même de voir leur frère ; sans le dire elle pensait aussi que son Elinor gagnerait sûrement le cœur de madame Ferrars, et qu’elle verrait au moins une de ses filles heureuse et bien établie. Maria avait promis de se laisser guider par l’opinion de sa mère ; elle s’y soumit donc sans opposition, quoique la sienne fût absolument contraire. Maman se trompe sur tous les points, pensait-elle ; en me faisant rester à Londres, elle me prive des consolations que je trouverais dans sa tendre sympathie pour l’excès de mon malheur, et je ne serais pas forcée de voir une société dont le manque total de goût et de sentimens me repousse et me blesse, et avec laquelle je ne puis espérer un seul instant de repos. La seule chose qui lui fît prendre son parti sur cette décision, fut l’avantage d’Elinor, qui pourrait voir Edward journellement chez sa sœur. Elinor de son côté, pensant qu’avec des relations de famille aussi intimes, elle ne pourrait pas toujours éviter Edward, fortifiait son âme pour s’accoutumer à le voir, non plus comme son futur époux, mais comme celui de Lucy Stéeles, et croyait ainsi que sa mère, que dans les dispositions mélancoliques de Maria, un peu des distractions de la ville lui valait mieux qu’une solitude, remplie de si dangereux souvenirs.

      Ses soins pour que sa sœur n’entendît jamais le nom de Willoughby prononcé devant elle, ne furent pas sans succès. Ni madame Jennings, ni aucun de ses enfans, sans en excepter la babillarde petite dame Palmer, ne parlaient jamais de lui devant elle ; mais ils s’en dédommageaient amplement lorsqu’elle n’était pas avec eux, ce qui arrivait souvent ; et la pauvre Elinor était obligée de supporter seule leur curiosité, leur indignation, et, ce qui était pire encore, leur pitié pour sa sœur. Sir Georges pouvait à peine croire que cela fût possible ; un homme dont il avait toujours eu bonne opinion, un si bon garçon, le meilleur écuyer et le plus habile chasseur de l’Angleterre ! et quel danseur infatigable ! c’était une chose incroyable ; il le donnait à tous les diables du plus profond de son cœur ; il ne lui dirait plus une seule parole pour tous les biens du monde, à ce scélérat, à ce trompeur ! pas même, disait-il,


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