La Cible Zéro. Джек Марс

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La Cible Zéro - Джек Марс


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Ils étaient là, emprisonnés quelque part dans les tréfonds de son cerveau, coulant au goutte à goutte comme un robinet qui fuit, en général quand une stimulation visuelle ou orale les délivrait. Le retrait sauvage du suppresseur de mémoire avait causé un choc à son système limbique qui empêchait les souvenirs de revenir tout d’un coup… et Reid en était plutôt soulagé. En se basant sur le peu qu’il savait de sa vie en tant qu’Agent Zéro, il n’était pas sûr de vouloir se souvenir de tout. Sa plus grosse inquiétude était de se rappeler de quelque chose dont il ne voudrait pas se souvenir, un regret douloureux ou un acte horrible dont Reid Lawson aurait du mal à vivre en le sachant.

      En outre, il avait été extrêmement occupé en permanence depuis les événements de février. La CIA l’avait aidé à reloger sa famille. À son retour aux États-Unis, il avait été envoyé avec ses filles à Alexandria, en Virginie, pas très loin de Washington, DC. L’agence l’avait également aidé à trouver un poste de professeur adjoint à l’Université de Georgetown.

      Depuis, il avait été pris dans un tourbillon de choses à faire : inscrire les filles dans leur nouvelle école, s’acclimater à son nouveau boulot et déménager dans cette nouvelle maison en Virginie. Mais Reid y avait grandement contribué en s’occupant constamment l’esprit avec de nouvelles tâches qu’il se créait lui-même. Il avait repeint les pièces. Il avait amélioré la domotique. Il avait acheté de nouveaux meubles et de nouveaux vêtements pour l’école des filles. Il pouvait se le permettre : la CIA lui avait alloué une belle somme pour son implication à stopper l’organisation terroriste appelée Amon. C’était plus que son salaire annuel en tant que professeur. La somme lui était versée mensuellement pour éviter toute suspicion. Les chèques arrivaient sur son compte bancaire en tant que frais de consultation pour une fausse société d’édition censée créer une série de livres d’histoire à publier.

      Entre l’argent et une bonne dose de temps libre (il ne donnait que quelques cours par semaine pour le moment), Reid essayait de s’occuper autant que possible. En effet, s’arrêter ne serait-ce qu’un petit moment signifiait penser. Et pensait signifiait réfléchir, non seulement à sa mémoire en morceaux, mais aussi à d’autres choses désagréables.

      Comme les neuf noms qu’il avait mémorisés. Les neuf visages qu’il avait observés. Les neuf vies qui avaient été perdues à cause de son échec.

      “Non,” murmura-t-il tout bas, seul dans le couloir d’entrée de leur nouvelle maison. “Ne t’inflige pas ça.” Il ne voulait pas se souvenir de ça maintenant. Aussi, il se dirigea vers la cuisine où Maya farfouillait dans le réfrigérateur pour trouver quelque chose à manger.

      “Je crois que je vais commander des pizzas,” annonça-t-il. Comme elle ne répondait pas, il ajouta, “Qu’est-ce que tu en penses ?”

      Elle referma le frigo en soupirant et s’adossa contre ce dernier. “Ça me va,” se contenta-t-elle de répondre. Puis, elle regarda autour d’elle. “La cuisine est plus jolie. J’adore la lucarne au plafond. La cour est plus grande aussi.”

      Reid sourit. “Je parlais des pizzas.”

      “Je sais,” répliqua-t-elle en haussant les épaules. “Mais comme on dirait que tu préfères éviter certains sujets ces derniers temps, je me suis dit que j’allais faire pareil.”

      Il fut une nouvelle fois saisi par sa dureté. À plusieurs reprises, elle avait réclamé des informations sur ce qui lui était arrivé quand il avait disparu, mais il mettait toujours un terme à la conversation en insistant sur le fait que son histoire de couverture était la vérité, ce qui la mettait en colère car elle savait bien qu’il mentait. Ensuite, elle lâchait l’affaire pendant une semaine environ, avant que le cercle vicieux ne reprenne.

      “Tu n’as pas besoin de te comporter ainsi, Maya,” dit-il.

      “Je vais aller voir ce que fait Sara.” Maya tourna les talons et quitta la cuisine. L’instant d’après, il entendit ses pas dans l’escalier.

      Il se pinça le bout du nez en guise de frustration. C’était dans des moments comme ça que Kate lui manquait le plus. Elle avait toujours su exactement quoi dire. Elle aurait su comment gérer deux adolescentes ayant subi ce qu’elles avaient subi.

      Sa volonté de continuer à mentir était en train de faiblir. Il n’en pouvait plus de réciter son histoire de couverture encore et encore, celle que la CIA lui avait intimé de raconter à sa famille et à ses collègues sur la raison pour laquelle il avait disparu pendant une semaine entière. Cette histoire racontait que des agents fédéraux étaient venus frapper à sa porte pour lui demander de l’aide dans une affaire importante. En tant que professeur pour l’Ivy League, Reid était l’unique personne pouvant les aider dans leurs recherches. Pour ses filles, il avait passé la majeure partie de cette semaine-là dans des salles de réunion à consulter des livres et à scruter un écran d’ordinateur. C’était tout ce qu’il avait le droit de dire et il n’était pas autorisé à leur fournir de plus amples détails.

      Il ne pouvait certainement pas leur parler de son passé dans la clandestinité en tant qu’Agent Zéro, ni leur dire qu’il avait aidé à empêcher Amon de bombarder le Forum Économique Mondial de Davos, en Suisse. Il ne pouvait pas leur raconter qu’il avait tué lui-même plus d’une dizaine de personnes en l’espace de seulement quelques jours, ni que chacun d’entre eux étant connu pour être terroriste.

      Il devait s’en tenir à sa vague histoire de couverture, non seulement pour le bien de la CIA, mais aussi pour la sécurité de ses filles. Alors qu’il était parti dans une course folle à travers l’Europe, ses deux filles avaient été forcées de fuir New York, livrées à elles-mêmes pendant plusieurs jours, avant d’être récupérées par la CIA et conduites en lieu sûr. Elles avaient failli être enlevées par deux fanatiques d’Amon, une pensée qui hérissait encore les poils sur la nuque de Reid, parce que ça voulait dire que ce groupe terroriste avait des membres aux États-Unis. Et cela jouait certainement sur sa nature surprotectrice ces derniers temps.

      On avait dit aux filles que les deux hommes qui avaient essayé de les embarquer étaient membres d’un gang local qui kidnappait des enfants dans le secteur. Sara semblait plutôt sceptique quant à cette histoire, mais elle avait accepté cette version en se disant que son père ne lui mentirait pas sur une chose pareille (ce qui, bien sûr, rendait Reid encore plus mal). Cette situation, ainsi que son aversion totale pour ce sujet, faisaient qu’il était plus facile pour elle d’éluder le problème et d’avancer dans la vie.

      Maya, de son côté, était plus que dubitative. Elle était non seulement assez intelligente pour en savoir plus, mais elle avait également été en contact avec Reid par Skype durant cette épreuve et avait apparemment recueilli assez d’informations de son côté pour émettre quelques hypothèses. Elle avait elle-même assisté à la mort des deux radicaux abattus par l’Agent Watson et n’était plus tout à fait la même depuis.

      Reid ne savait vraiment pas quoi faire, à part essayer de continuer à mener une vie aussi normale que possible.

      Reid prit son téléphone portable et appela la pizzeria du haut de la rue, passant commande pour deux pizzas moyennes : une quatre fromages (la préférée de Sara), puis une autre aux saucisses et aux poivrons verts (la préférée de Maya).

      Alors qu’il raccrochait, il entendit de nouveau des pas dans l’escalier. C’était Maya qui retournait à la cuisine. “Sara fait la sieste.”

      “Encore ?” Sara dort beaucoup la journée ces derniers temps. “Elle ne dort pas la nuit ou quoi ?”

      Maya haussa les épaules. “Je ne sais pas. Tu devrais peut-être lui demander.”

      “J’ai essayé. Mais elle ne me dira rien.”

      “Peut-être que c’est parce qu’elle ne comprend pas ce qui s’est passé,” suggéra Maya.

      “Je vous ai déjà expliqué ce qui s’était passé.” Ne me faites pas


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