Journal d'un bourgeois de Paris, 1405-1449. Anonyme

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Journal d'un bourgeois de Paris, 1405-1449 - Anonyme


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le jour de Pasques, qui furent le XIXe jour d'avril, mais ilz ne le firent point par sens [333], car il fut sceu par ceulx de la bande, qui les prindrent et les misdrent en prinson.

      140. Et le XXIIIIe jour dudit moys d'avril IIIIc XVI, fut [mené] en ung tumberel à boue, le doyen de Tours, chanoyne de Paris, frere de l'evesque de Paris de devant cellui qui pour lors estoit, nommé Nicole d'Orgemont, filx de feu Pierre d'Orgemont [334]. En ce point, vestu d'un grant mantel [de] viollet, et chapperon de mesmes, fut mené es halles de Paris, [et] en une charrette devant estoient deux hommes de honneur sur deux aiz, chascun une croix de boys en sa main; et avoit l'un esté eschevin de Paris, et l'autre estoit homme de honneur et estoit en ars nommé maistre Regnault [335], et l'eschevin Robert de Belloy [336]. Et à ces deux on coppa les testes, voyant ledit d'Orgemont, lequel n'avoit que ung pié, et après la justice fut ramené [sans oster dudit tumberel] en prinson ou chastel de Sainct-Anthoine, et environ quatre jours après, fut presché ou parviz Nostre-Dame et condampné en chartre perpetuelle au pain et à l'eaue.

      141. Item, le premier sabmedi de may ensuivant furent decollez pour ce fait trois moult honnestes hommes, et de moult bonne renommée, c'est assavoir, le signeur de l'Ours [337], de la porte Baudet, ung tainturier nommé Durant de Bry [338], ung marchant de laton et espinglier nommé Jehan Perquin; et estoit ledit tainturier maistre de la soixantaine des arbalestiers de Paris.

      142. Item, le VIIe jour de may, fut crié parmy Paris, que nul ne fust si hardy de faire assemblée à corps, ne à nopces, ne en quelque maniere sans le congié du prevost de Paris. En ce temps avoit, quant on faisoit nopces, certains commissaires et sergens aux despens de l'espousé, pour garder que homme ne murmurast de rien.

      143. Item, le VIIIe jour de may, vendredi, furent ostées les chaisnes de fer qui estoient à Paris et furent portées à la porte Sainct-Anthoine [339]. En ce temps estoit [touzjours] le pain si cher que petiz mesnaiges n'en povoient avoir leur saoul, car la charté dura moult longuement, et coustoit bien la XIIne, que on avoit devant pour XVIII deniers, IIII solz parisis.

      144. Item, le sabmedi ensuivant, IXe jour dudit moys, furent ostées les armeures aux bouchers en leurs maisons, tant de Sainct-Germain, de Sainct-Marcel, de Saincte-Geneviefve [et] de Paris.

       145. Item, le lundi ensuivant, fut crié parmy Paris, sur peine d'estre repputé vray [340] traistre, que tout homme, prestre, clerc ou lay, portast ou envoiast toutes ses armeures, quelles qu'elles fussent, ou espées, ou badelaires, ou hachetes, ou quelque armeure qu'il eust, au chastel de Sainct-Anthoine.

      146. Item, le vendredi, XVe jour dudit moys, firent lesdiz commencer à abatre la grant boucherie de Paris [341], et le dimenche ensuivant vendirent les bouchers de ladicte boucherie leurs chars sur le pont Nostre-Dame, moult esbahiz pour les franchises qu'ilz avoient en la boucherie, qui leur furent toutes ostées [342]; et sembloit ce dimenche que les[diz] bouchers eussent [eu] quinze jours ou trois sepmaines [de temps] à faire leurs estaulx, tant furent bien ordonnez du vendredi jusques au dimenche.

      147. Item, le vendredi ensuivant, furent commencées à murer les portes comme autresfoys.

      148. Item, le lendemain de la Sainct Laurens ensuivant, firent crier lesdiz bandez parmy Paris, que nul ne fust si hardy d'avoir à sa fenestre coffre ne pot, ne hotte, ne coste en jardin, ne bouteille à vin aigre à sa fenestre qui fust sur rue, sur peine de perdre corps et biens, ne que nulz ne se baingnast en la riviere sur peine d'estre pendu par la gorge.

      149. Item, le jour de Sainct Laurens ensuivant, firent chanter lesdiz bandez aux Quinze-Vingt, fust tort ou droit, et y avoit commissaires et sergens qui faisoient chanter devant eulx telz prebstres qu'ilz vouloient, malgré ceulx dudit lieu, lesquelx vouloient que on leur fist droit de certains prinsonniers qui estoient à Graville [343], lesquelx furent prins en la franchise par l'oultraige du prevost de Paris; et furent prins le XXVe jour de may, vigille de l'Ascencion Nostre-Seigneur [344], et fut avant la Sainct Laurens ensuivant que on chantast ne messe ne vespres en ladicte eglise.

      150. Item, la premiere sepmaine de septembre ensuivant, fist on deffense aux bouchiers que plus ne vendissent leur char sur le pont Nostre-Dame, et en celle dicte sepmaine commencerent à vendre en la halle de Beauvays [345], à Petit-Pont, à la porte Baudays, et environ xv jours après commencerent à vendre devant Sainct-Lieufray [346] au Trou-Pugnais [347].

      151. Item, en celle sepmaine fut crié que nul sergent à cheval ne demourast hors de la ville de Paris, sur peine de perdre son office.

       152. Item, fut crié celle dicte sepmaine que lesdiz estaulx de boucherie seroient baillez au prouffit du roy au plus offrant [348], et que lesdiz bouchiers n'y auroient quelque franchise.

      153. Item, le mois d'octobre ensuivant, fut commencée la boucherie du cymetiere Sainct-Jehan, et fut achevée, et [y] vindrent vendre ceulx de derriere Sainct-Gervais, le premier dimenche de febvrier oudit an.

      [1417.]

      154. Item, le XXe jour de febvrier [349] oudit an, fut crié que on ne prinst nulle monnoye à Paris que celle du roy [350], qui moult fist grant dommaige aux gens de Paris, car la monnoye du duc de Bretagne et du duc de Bourgongne estoient prinses comme celles du roy, dont plusieurs marchans, riches et pouvres, et autres gens qui en avoient perdirent moult, car pour la deffence homme n'en eust eu quelque neccessité senon au buillon; mais environ ung moys après, on reprint les dessusdictes monnoyes [351], et deffendues comme davant furent.

       155. Item, le IIIe jour d'avril oudit an, trespassa monseigneur de Guienne, ainsné filx du roy de France, à Compigne [352], qui avoit esté xv moys ou environ Dalphin [353].

      156. Item, ledit roy Louys, l'an mil IIIIc [XVII], trespassa environ trois jours en la fin [354].

      157. Item, en icelluy temps, on avoit vin sain et net pour ung denier la pinte, mais de grosses tailles [trois ou quatre] tous les ans; et n'osoit nul parler du duc de Bourgongne, qu'il ne fust en peril [355] de perdre le corps ou la chevance, ou d'estre banny.

      158. Item, le XXIXe jour de may ensuivant, vigille de la Penthecoste, fut crié que nul ne prinst quelque monnoie que celle du coing du roy seullement, et que on ne marchandast que à solz et à livres [356]; et furent aussi criez à prendre petiz moutons d'or pour XVI solz parisis, qui n'en valloient pas plus de XI solz parisis [357].

      159. Et le lundi ensuivant, premier jour des festes de Penthecoste, commencerent les gens de Paris, c'est assavoir, de quelque estat qu'ilz fussent, prebstres ou clercs, ou autres, à curer les voiries [358] ou à faire curer à leur argent; et fut celle queullecte si aspre, qu'il falloit que chascun, de quelque estat qu'il fust, de v jours en v jours en baillast argent, et quant on poyoit pour cent on ny en mettoit mie XL, et avoient les gouverneurs le remenant [359].

      160. Item, celle dicte sepmaine, fut fait le pont leveys à la porte Sainct-Anthoine, et celle année furent faictes les maisons entre les bastilles et l'escorcherie aux Tuilleries [360].

      161. Item, en cellui temps, fut prins de par le prevost de Paris ung nommé Loys Bourdon, chevalier, qui tant fit de peine au chastel d'Estampes, comme devant est dit, et fut noyé pour ses demerites. Et fut la royne privée du tout, que plus ne seroit au conseil, et lui fut son estat amendry. Et demourerent les choses en ce point, sinon que tousjours prenoient lesdiz gouverneurs desquelx vouloient et les bannissoient; et si failloit qu'ilz allassent où lesdiz gouverneurs vouloient, et en mains de trois sepmaines en bannirent plus de VIIIc [361], sans ceulx qui demourerent en prinson.

      162. Item, en ce temps, à l'issue d'aoust, s'esmeut [362] le duc de Bourgongne pour venir à Paris, et vint en conquestant villes, cités, chasteaulx, et partout faisoit crier, de par le roy et le daulphin, et de par luy que on n'y paiast nulles subsides; dont les gouverneurs de Paris prinrent si grant haine contre lui qu'ilz faisoient [faire processions [363] et faisoient] prescher qu'ilz savoient bien de vray qu'il voulloit estre roy de France, et que par lui et que par son conseil estoient les Engloys en Normendie. Et par toutes les rues de Paris avoit espies, qui estoient residans et demourans à Paris, qui leurs propres voisins faisoient prendre et emprinsonner; et nul homme, après ce qu'ilz estoient prins, n'en osoit parler aucunement,


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