LUPIN - Les aventures du gentleman-cambrioleur. Морис Леблан
Читать онлайн книгу.Le Colonel… jusqu’à nouvel ordre.
Une peur croissante envahissait M. Kesselbach. Qui était cet homme ? Que lui voulait-il ?
Il appela :
– Chapman !
– Quelle drôle d’idée d’appeler ! Ma société ne vous suffit pas ?
– Chapman ! répéta M. Kesselbach. Chapman ! Edwards !
– Chapman ! Edwards ! dit à son tour l’inconnu. Que faites-vous donc, mes amis ? On vous réclame.
– Monsieur, je vous prie, je vous ordonne de me laisser passer.
– Mais, mon cher monsieur, qui vous en empêche ?
Il s’effaça poliment. M. Kesselbach s’avança vers la porte, l’ouvrit, et brusquement sauta en arrière. Devant cette porte il y avait un autre homme, le pistolet au poing.
Il balbutia :
– Edwards… Chap…
Il n’acheva pas. Il avait aperçu dans un coin de l’antichambre, étendus l’un près de l’autre, bâillonnés et ficelés, son secrétaire et son domestique.
M. Kesselbach, malgré sa nature inquiète, impressionnable, était brave, et le sentiment d’un danger précis, au lieu de l’abattre, lui rendait tout son ressort et toute son énergie.
Doucement, tout en simulant l’effroi, la stupeur, il recula vers la cheminée et s’appuya contre le mur. Son doigt cherchait la sonnerie électrique. Il trouva et pressa le bouton longuement.
– Et après ? fit l’inconnu.
Sans répondre, M. Kesselbach continua d’appuyer.
– Et après ? Vous espérez qu’on va venir, que tout l’hôtel est en rumeur parce que vous pressez ce bouton ?… Mais, mon pauvre monsieur, retournez-vous donc, et vous verrez que le fil est coupé.
M. Kesselbach se retourna vivement, comme s’il voulait se rendre compte, mais, d’un geste rapide, il s’empara du sac de voyage, plongea la main, saisit un revolver, le braqua sur l’homme et tira.
– Bigre ! fit celui-ci, vous chargez donc vos armes avec de l’air et du silence ?
Une seconde fois le chien claqua, puis une troisième. Aucune détonation ne se produisit.
– Encore trois coups, roi du Cap. Je ne serai content que quand j’aurai six balles dans la peau. Comment ! Vous y renoncez ? Dommage… le carton s’annonçait bien.
Il agrippa une chaise par le dossier, la fit tournoyer, s’assit à califourchon, et montrant un fauteuil à M. Kesselbach :
– Prenez donc la peine de vous asseoir, cher monsieur, et faites ici comme chez vous. Une cigarette ? Pour moi, non. Je préfère les cigares.
Il y avait une boîte sur la table. Il choisit un Upman blond et bien façonné, l’alluma et, s’inclinant :
– Je vous remercie. Ce cigare est délicieux. Et maintenant, causons, voulezvous ?
Rudolf Kesselbach écoutait avec stupéfaction. Quel était cet étrange personnage ? À le voir si paisible cependant, et si loquace, il se rassurait peu à peu et commençait à croire que la situation pourrait se dénouer sans violence ni brutalité. Il tira de sa poche un portefeuille, le déplia, exhiba un paquet respectable de bank-notes et demanda :
– Combien ?
L’autre le regarda d’un air ahuri, comme s’il avait de la peine à comprendre. Puis au bout d’un instant, appela :
– Marco !
L’homme au revolver s’avança.
– Marco, monsieur a la gentillesse de t’offrir ces quelques chiffons pour ta bonne amie. Accepte, Marco.
Tout en braquant son revolver de la main droite, Marco tendit la main gauche, reçut les billets et se retira.
– Cette question réglée selon votre désir, reprit l’inconnu, venons au but de ma visite. Je serai bref et précis. Je veux deux choses. D’abord une petite enveloppe en maroquin noir, que vous portez généralement sur vous. Ensuite, une cassette d’ébène qui, hier encore, se trouvait dans le sac de voyage. Procédons par ordre. L’enveloppe de maroquin ?
– Brûlée.
L’inconnu fronça le sourcil. Il dut avoir la vision des bonnes époques où il y avait des moyens péremptoires de faire parler ceux qui s’y refusent.
– Soit. Nous verrons ça. Et la cassette d’ébène ?
– Brûlée.
– Ah ! gronda-t-il, vous vous payez ma tête mon brave homme.
Il lui tordit le bras d’une façon implacable.
– Hier, Rudolf Kesselbach, hier, vous êtes entré au Crédit Lyonnais, sur le boulevard des Italiens, en dissimulant un paquet sous votre pardessus. Vous avez loué un coffre-fort… Précisons : le coffre numéro 16, travée 9. Après avoir signé et payé, vous êtes descendu dans les sous-sols, et, quand vous êtes remonté, vous n’aviez plus votre paquet. Est-ce exact ?
– Absolument.
– Donc, la cassette et l’enveloppe sont au Crédit Lyonnais.
– Non.
– Donnez-moi la clef de votre coffre.
– Non.
– Marco !
Marco accourut.
– Vas-y, Marco. Le quadruple nœud.
Avant même qu’il eût le temps de se mettre sur la défensive, Rudolf Kesselbach fut enserré dans un jeu de cordes qui lui meurtrirent les chairs dès qu’il voulut se débattre. Ses bras furent immobilisés derrière son dos, son buste attaché au fauteuil et ses jambes entourées de bandelettes comme les jambes d’une momie.
– Fouille, Marco.
Marco fouilla. Deux minutes après, il remettait à son chef une petite clef plate, nickelée, qui portait les numéros 16 et 9.
– Parfait. Pas d’enveloppe de maroquin ?
– Non, patron.
– Elle est dans le coffre. Monsieur Kesselbach, veuillez me dire le chiffre secret.
– Non.
– Vous refusez ?
– Oui.
– Marco ?
– Patron ?
– Applique le canon de ton revolver sur la tempe de monsieur.
– Ça y est.
– Appuie ton doigt sur la détente.
– Voilà.
– Eh bien ! Mon vieux Kesselbach, es-tu décidé à parler ?
– Non.
– Tu as dix secondes, pas une de plus. Marco ?
– Patron ?
– Dans dix secondes tu feras sauter la cervelle de monsieur.
– Entendu.
– Kesselbach, je compte : une, deux, trois, quatre, cinq, six…
Rudolf Kesselbach fit un signe :
– Tu veux parler ?
– Oui.
– Il était temps. Alors, le chiffre, le mot de la serrure ?
– Dolor.
–