Cyrano de Bergerac. Edmond Rostand

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Cyrano de Bergerac - Edmond Rostand


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Hu !. . .Hu !. . .

      JODELET:

       Dussions-nous même ensemble être hués !. . .

      BELLEROSE:

       Il faut évacuer la salle !. . .

      JODELET:

       Évacuez !. . .

       (On commence à sortir, pendant que Cyrano regarde d'un air satisfait. Mais la foule s'arrête bientôt en entendant la scène suivante, et la sortie cesse. Les femmes qui, dans les loges, étaient déjà debout, leur manteau remis, s'arrêtent pour écouter, et finissent par se rasseoir.)

      LE BRET (à Cyrano): C'est fou !. . .

      UN FÂCHEUX (qui s'est approché de Cyrano): Le comédien Montfleury ! quel scandale ! Mais il est protégé par le duc de Candale ! Avez-vous un patron ?

      CYRANO:

       Non !

      LE FÂCHEUX:

       Vous n'avez pas ?. . .

      CYRANO:

       Non !

      LE FÂCHEUX:

       Quoi, pas un grand seigneur pour couvrir de son nom ?. . .

      CYRANO (agacé): Non, ai-je dit deux fois. Faut-il donc que je trisse ? Non, pas de protecteur. . . (La main à son épée): mais une protectrice !

      LE FÂCHEUX:

       Mais vous allez quitter la ville ?

      CYRANO:

       C'est selon.

      LE FÂCHEUX:

       Mais le duc de Candale a le bras long !

      CYRANO:

       Moins long

       Que n'est le mien. . .

       (Montrant son épée): quand je lui mets cette rallonge !

      LE FÂCHEUX:

       Mais vous ne songez pas à prétendre. . .

      CYRANO:

       J'y songe.

      LE FÂCHEUX:

       Mais. . .

      CYRANO:

       Tournez les talons, maintenant.

      LE FÂCHEUX:

       Mais. . .

      CYRANO:

       Tournez !

       —Ou dites-moi pourquoi vous regardez mon nez.

      LE FÂCHEUX (ahuri): Je. . .

      CYRANO (marchant sur lui): Qu'a-t-il d'étonnant ?

      LE FÂCHEUX (reculant): Votre Grâce se trompe. . .

      CYRANO:

       Est-il mol et ballant, monsieur, comme une trompe ?. . .

      LE FÂCHEUX (même jeu): Je n'ai pas. . .

      CYRANO:

       Ou crochu comme un bec de hibou ?

      LE FÂCHEUX:

       Je. . .

      CYRANO:

       Y distingue-t-on une verrue au bout ?

      LE FÂCHEUX:

       Mais. . .

      CYRANO:

       Ou si quelque mouche, à pas lents, s'y promène ?

       Qu'a-t-il d'hétéroclite ?

      LE FÂCHEUX:

       Oh !. . .

      CYRANO:

       Est-ce un phénomène ?

      LE FÂCHEUX:

       Mais d'y porter les yeux j'avais su me garder !

      CYRANO:

       Et pourquoi, s'il vous plaît, ne pas le regarder ?

      LE FÂCHEUX:

       J'avais. . .

      CYRANO:

       Il vous dégoûte alors ?

      LE FÂCHEUX:

       Monsieur. . .

      CYRANO:

       Malsaine

       Vous semble sa couleur ?

      LE FÂCHEUX:

       Monsieur !

      CYRANO:

       Sa forme, obscène ?

      LE FÂCHEUX:

       Mais du tout !. . .

      CYRANO:

       Pourquoi donc prendre un air dénigrant ?

       —Peut-être que monsieur le trouve un peu trop grand ?

      LE FÂCHEUX (balbutiant): Je le trouve petit, tout petit, minuscule !

      CYRANO:

       Hein ? comment ? m'accuser d'un pareil ridicule ?

       Petit, mon nez ? Holà !

      LE FÂCHEUX:

       Ciel !

      CYRANO:

       Énorme, mon nez !

       —Vil camus, sot camard, tête plate, apprenez

       Que je m'enorgueillis d'un pareil appendice,

       Attendu qu'un grand nez est proprement l'indice

       D'un homme affable, bon, courtois, spirituel,

       Libéral, courageux, tel que je suis, et tel

       Qu'il vous est interdit à jamais de vous croire,

       Déplorable maraud ! car la face sans gloire

       Que va chercher ma main en haut de votre col,

       Est aussi dénuée. . .

       (Il le soufflette.)

      LE FÂCHEUX:

       Aï !

      CYRANO:

       De fierté, d'envol,

       De lyrisme, de pittoresque, d'étincelle,

       De somptuosité, de Nez enfin, que celle. . .

       (Il se retourne par les épaules, joignant le geste à la parole): Que va chercher ma botte au bas de votre dos !

      LE FÂCHEUX (se sauvant): Au secours ! A la garde !

      CYRANO:

       Avis donc aux badauds

       Qui trouveraient plaisant mon milieu de visage,

       Et si le plaisantin est noble, mon usage

       Est de lui mettre, avant de le laisser s'enfuir,

       Pas devant, et plus haut, du fer, et non du cuir !

      DE GUICHE (qui est descendu de la scène, avec les marquis): Mais à la fin il nous ennuie !

      LE VICOMTE DE VALVERT (haussant les épaules): Il fanfaronne !

      DE GUICHE:

       Personne ne va donc lui répondre ?. . .

      LE VICOMTE:

       Personne ?

       Attendez ! Je vais lui lancer un de ces traits !. . .

       (Il s'avance vers Cyrano qui l'observe, et se campant devant lui d'un air fat): Vous. . .vous avez un nez. . .heu. . .un nez. . .très grand.

      CYRANO (gravement): Très !

      LE VICOMTE (riant): Ha !

      CYRANO


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