Les énigmes de l'Univers. Ernst Haeckel
Читать онлайн книгу.suivant les individus, mais elle se ramène toujours à la même forme primitive. De plus, chez tous les Vertébrés se trouve, du côté dorsal de ce squelette axial, l'«organe de l'âme», le système nerveux central, représenté par une moelle épinière et un cerveau; et nous pouvons dire de cet important cerveau—instrument de la conscience et de toutes les fonctions psychiques supérieures!—ce que nous avons dit de la capsule osseuse qui l'entoure, du crâne: suivant les individus, son développement et sa taille présentent les degrés les plus divers, mais, en somme, sa composition caractéristique reste la même.
Il en va de même si nous comparons les autres organes de notre corps avec ceux des autres Vertébrés: partout, par suite de l'hérédité, la disposition primitive et la position relative des organes restent les mêmes, bien que la taille et le développement de chaque partie diffèrent au plus haut degré en raison de l'adaptation à des conditions de vie très variables. C'est ainsi que nous voyons partout le sang circuler par deux vaisseaux principaux, dont l'un (l'aorte) passe au-dessus de l'intestin, l'autre (la veine principale) au-dessous, et que celui-ci, en se dilatant à un endroit précis, constitue le cœur; ce «cœur ventral» est aussi caractéristique des Vertébrés qu'inversement le «cœur dorsal» est typique chez les Articulés et les Mollusques. Un autre trait non moins spécial à tous les Vertébrés, c'est la précoce subdivision du tube digestif en un pharynx (ou «intestin branchial») servant à la respiration, et un intestin auquel se rattache le foie, (d'où le nom d'«intestin hépatique»); enfin la segmentation du système musculaire, la constitution spéciale des organes urinaires et génitaux, etc. Sous tous ces rapports anatomiques, l'homme est un véritable Vertébré.
Caractères des Tétrapodes chez l'homme.—Sous le nom de Quadrupèdes (Tétrapodes), Aristote désignait déjà tous les animaux supérieurs, à sang chaud, caractérisés par la possession de deux paires de pattes. Ce terme prit, plus tard, plus d'extension et fit place au mot latin «Quadrupèdes» après que Cuvier eût montré que les oiseaux et les hommes, qui ont deux «jambes», étaient de véritables Tétrapodes. Il démontra que le squelette interne osseux des quatre jambes chez tous les Vertébrés terrestres supérieurs, depuis les Amphibies jusqu'à l'homme, était constitué originairement de la même façon, par un nombre fixe de segments. De même, les «bras» de l'homme, les «ailes» de la chauve-souris et des oiseaux nous présentent le même squelette typique que les «membres antérieurs» des animaux coureurs, des Tétrapodes.
L'unité anatomique du squelette si compliqué, dans les quatre membres des Tétrapodes, est un fait très important. Pour s'en convaincre, il suffit de comparer attentivement le squelette d'une salamandre ou d'une grenouille avec celui d'un singe ou d'un homme. On s'apercevra aussitôt que la ceinture scapulaire, en avant et la ceinture iliaque, en arrière, sont composées par les mêmes pièces principales qu'on retrouve chez les autres «Tétrapodes». Partout, nous voyons que le premier segment de la jambe proprement dite ne renferme qu'un gros os long (en avant, l'os du bras, humerus; en arrière, l'os de la cuisse, fémur); par contre, le deuxième segment est originairement soutenu par deux os (en avant, ulna et radius; en arrière, fibula et tibia). Considérons maintenant la structure complexe du pied proprement dit: nous serons surpris de voir que les nombreux petits os qui le constituent sont partout disposés dans le même ordre et partout en même nombre; dans toutes les classes de Tétrapodes, il y a homologie, en avant, entre les trois groupes d'os du pied antérieur (ou de la «main»): I. Carpus; II. Metacarpus et III. Digiti anteriores; de même, en arrière, entre les trois groupes d'os du pied postérieur: I. Tarsus; II. Metatarsus et III. Digiti posteriores. C'était une tâche très difficile que de ramener à la même forme primitive tous ces nombreux petits os, dont chacun peut présenter des aspects si divers, subir des transformations si variées, qui peuvent s'être en partie soudés ou avoir en partie disparu—et il n'était pas moins difficile d'établir partout l'équivalence (ou homologie) des diverses parties. Cette tâche n'a été pleinement résolue que par le plus grand des anatomistes contemporains, par C. Gegenbaur. Dans ses Etudes d'anatomie comparée chez les Vertébrés (1864), il a montré comment cette «jambe à cinq doigts», caractéristique des Tétrapodes terrestres, dérivait originairement (fait qui ne remonte pas au delà de la période carbonifère) de la «nageoire» aux nombreux rayons (nageoire pectorale ou ventrale) des anciens poissons marins. Le même auteur, dans ses célèbres Etudes sur le squelette céphalique des vertébrés, 1872, avait montré que le crâne des Tétrapodes actuels dérivait de la plus ancienne forme de crâne des poissons, celle des requins (Sélaciens).
Il est encore bien digne de remarque que le nombre primitif de cinq doigts à chacune des quatre pattes, la pentadactylie qui apparaît pour la première fois chez les Amphibies de l'époque carbonifère, se soit transmise, par suite d'une rigoureuse hérédité, jusqu'à l'homme actuel. En conséquence et tout naturellement, la disposition typique des articulations et des ligaments, des muscles et des nerfs, est restée dans ses grands traits, la même chez l'homme que chez les autres «Tétrapodes»; sous ces rapports importants, encore, l'homme est un véritable Tétrapode.
Caractères des Mammifères chez l'homme.—Les Mammifères constituent la classe la plus récente et celle ayant atteint le plus haut degré de perfectionnement parmi les Vertébrés. Ils dérivent, sans doute, comme les Oiseaux et les Reptiles, de la classe plus ancienne des Amphibies; mais ils se distinguent de tous les autres Tétrapodes par un certain nombre de caractères anatomiques très frappants. Les plus saillants sont, extérieurement, le revêtement de poils qui couvre la peau ainsi que la présence de deux sortes de glandes cutanées: des glandes sudoripares et des glandes sébacées. Par une transformation locale de ces glandes dans l'épiderme abdominal, s'est constitué (pendant la période triasique?) l'organe qui est spécialement caractéristique de la classe et lui a valu son nom, la mammelle. Ce facteur important de l'élevage des jeunes, comprend les glandes mammaires et les «poches mammaires» (replis de la peau dans la région abdominale) dont le développement ultérieur donnera les mamelons, par où le jeune mammifère têtera le lait de sa mère.
Dans l'organisation interne, un trait surtout caractéristique c'est la présence d'un diaphragme complet, cloison musculeuse qui, chez tous les Mammifères—et chez eux seuls!—sépare complètement la cavité thoracique de la cavité abdominale; chez tous les autres Vertébrés, cette séparation fait défaut. Le crâne des Mammifères se distingue aussi par un certain nombre de transformations curieuses, principalement en ce qui concerne la constitution de l'appareil maxillaire (mâchoires supérieure et inférieure, osselets de l'oreille). Mais on trouve, en outre, des particularités spéciales, d'ensemble et de détail, dans le cerveau, l'organe olfactif, le cœur, les poumons, les organes génitaux externes et internes, les reins et autres parties du corps des mammifères. Tout cela réuni témoigne indubitablement d'une séparation entre ces animaux et les groupes ancestraux plus anciens des Reptiles et des Amphibies, séparation qui se serait effectuée de bonne heure, au plus tard pendant la période triasique—il y a au moins douze millions d'années de cela!—Sous tous ces rapports importants, l'homme est un véritable Mammifère.
Caractères des Placentaliens chez l'homme.—Les nombreux ordres (de 12 à 33), que la zoologie systématique moderne distingue dans la classe des Mammifères, ont été répartis dès 1816, par Blainville, en trois grands groupes naturels qu'on regarde comme ayant la valeur de sous-classes: I. Monotrèmes; II. Marsupiaux; III. Placentaliens. Ces trois sous-classes, non seulement se distinguent l'une de l'autre par des caractères importants de structure et de développement, mais correspondent en outre à trois Stades historiques différents de l'évolution de la classe, ainsi que nous le verrons. Au groupe le plus ancien, celui des Monotrèmes de la période triasique, a fait suite celui des Marsupiaux de la période jurassique, suivi lui-même, dans la période calcaire seulement, par l'apparition des Placentaliens. A cette sous-classe la plus récente, appartient l'homme lui-même, car il présente dans son organisation toutes les particularités qui distinguent les Placentaliens en général,