Les contemplations: Aujourd'hui, 1843-1856. Victor Hugo

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Les contemplations: Aujourd'hui, 1843-1856 - Victor Hugo


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       Table des matières

      Il ne sera pas dit que ce jeune homme, ô deuil!

      Se sera de ses mains ouvert l'affreux cercueil

      Où séjourne l'ombre abhorrée,

      Hélas! et qu'il aura lui-même dans la mort

      De ses jours généreux, encor pleins jusqu'au bord,

      Renversé la coupe dorée,

      Et que sa mère, pâle et perdant la raison,

      Aura vu rapporter au seuil de sa maison,

      Sous un suaire aux plis funèbres,

      Ce fils, naguère encor pareil au jour qui naît,

      Maintenant blême et froid, tel que la mort venait

      De le faire pour les ténèbres;

      Il ne sera pas dit qu'il sera mort ainsi,

      Qu'il aura, coeur profond et par l'amour saisi,

      Donné sa vie à ma colombe,

      Et qu'il l'aura suivie au lieu morne et voilé,

      Sans que la voix du père à genoux ait parlé

      À cette âme dans cette tombe!

      En présence de tant d'amour et de vertu,

      Il ne sera pas dit que je me serai tu,

      Moi qu'attendent les maux sans nombre!

      Que je n'aurai point mis sur sa bière un flambeau,

      Et que je n'aurai pas devant son noir tombeau

      Fait asseoir une strophe sombre!

      N'ayant pu la sauver, il a voulu mourir.

      Sois béni, toi qui, jeune, à l'âge où vient s'offrir

      L'espérance joyeuse encore,

      Pouvant rester, survivre, épuiser tes printemps,

      Ayant devant les yeux l'azur de tes vingt ans

      Et le sourire de l'aurore,

      À tout ce que promet la jeunesse, aux plaisirs,

      Aux nouvelles amours, aux oublieux désirs

      Par qui toute peine est bannie,

      À l'avenir, trésor des jours à peine éclos,

      À la vie, au soleil, préféras sous les flots

      L'étreinte de cette agonie!

      Oh! quelle sombre joie à cet être charmant

      De se voir embrassée au suprême moment,

      Par ton doux désespoir fidèle!

      La pauvre âme a souri dans l'angoisse, en sentant

      À travers l'eau sinistre et l'effroyable instant

      Que tu t'en venais avec elle!

      Leurs âmes se parlaient sous les vagues rumeurs.

      --Que fais-tu? disait-elle.--Et lui disait:--Tu meurs

      Il faut bien aussi que je meure!--

      Et, les bras enlacés, doux couple frissonnant,

      Ils se sont en allés dans l'ombre; et maintenant,

      On entend le fleuve qui pleure.

      Puisque tu fus si grand, puisque tu fus si doux

      Que de vouloir mourir, jeune homme, amant, époux,

      Qu'à jamais l'aube en ta nuit brille!

      Aie à jamais sur toi l'ombre de Dieu penché!

      Sois béni sous la pierre où te voilà couché!

      Dors, mon fils, auprès de ma fille!

      Sois béni! que la brise et que l'oiseau des bois,

      Passants mystérieux, de leur plus douce voix

      Te parlent dans ta maison sombre!

      Que la source te pleure avec sa goutte d'eau!

      Que le frais liseron se glisse en ton tombeau

      Comme une caresse de l'ombre!

      Oh! s'immoler, sortir avec l'ange qui sort,

      Suivre ce qu'on aima dans l'horreur de la mort,

      Dans le sépulcre ou sur les claies,

      Donner ses jours, son sang et ses illusions!...--

      Jésus baise en pleurant ces saintes actions

      Avec les lèvres de ses plaies.

      Rien n'égale ici-bas, rien n'atteint sous les cieux

      Ces héros, doucement saignants et radieux,

      Amour, qui n'ont que toi pour règle;

      Le génie à l'oeil fixe, au vaste élan vainqueur,

      Lui-même est dépassé par ces essors du coeur;

      L'ange vole plus haut que l'aigle.

      Dors!--O mes douloureux et sombres bien-aimés!

      Dormez le chaste hymen du sépulcre! dormez!

      Dormez au bruit du flot qui gronde,

      Tandis que l'homme souffre, et que le vent lointain

      Chasse les noirs vivants à travers le destin,

      Et les marins à travers l'onde!

      Ou plutôt, car la mort n'est pas un lourd sommeil,

      Envolez-vous tous deux dans l'abîme vermeil,

      Dans les profonds gouffres de joie,

      Où le juste qui meurt semble un soleil levant,

      Où la mort au front pâle est comme un lys vivant,

      Où l'ange frissonnant flamboie!

      Fuyez, mes doux oiseaux! évadez-vous tous deux

      Loin de notre nuit froide et loin du mal hideux!

      Franchissez l'éther d'un coup d'aile!

      Volez loin de ce monde, âpre hiver sans clarté,

      Vers cette radieuse et bleue éternité,

      Dont l'âme humaine est l'hirondelle!

      O chers êtres absents, on ne vous verra plus

      Marcher au vert penchant des coteaux chevelus,

      Disant tout bas de douces choses!

      Dans le mois des chansons, des nids et des lilas,

      Vous n'irez plus semant des sourires, hélas!

      Vous n'irez plus cueillant des roses!

      On ne vous verra plus, dans ces sentiers joyeux,

      Errer, et, comme si vous évitiez les yeux

      De l'horizon vaste et superbe,

      Chercher l'obscur asile et le taillis profond

      Où passent des rayons qui tremblent et qui font

      Des taches


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