La Saga de Njal. Anonyme

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La Saga de Njal - Anonyme


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       Table des matières

      Gunnar descendait vers l'embouchure de la rivière; lui et Kolskegg étaient tous deux sur un vaisseau, et Hallvard sur l'autre. Et voici qu'ils virent des vaisseaux devant eux. Alors Gunnar dit: «Soyons prêts, s'ils viennent sur nous; autrement n'ayons point affaire à eux». Ils firent comme il avait dit et mirent les vaisseaux en état de combattre. Les autres séparèrent leurs vaisseaux et firent un passage au milieu. Gunnar s'avança entre eux.

      Vandil saisit un croc de fer et le jeta sur le vaisseau de Gunnar, et il le tira à lui. Ölvir avait donné à Gunnar une bonne épée. Gunnar la brandit (et il n'avait pas mis son casque); il sauta sur l'avant du vaisseau de Vandil et frappa tout d'abord sur un homme qu'il tua.

      Karl mena son vaisseau de l'autre côté et lança un javelot à travers le vaisseau de Gunnar; et il visait Gunnar au milieu du corps. Gunnar le voit, et se tourne si vite que l'œil ne peut le suivre. Il prend le javelot de la main gauche et le lance sur le vaisseau de Karl; et un homme qui était là fut tué.

      Kolskegg saisit une ancre et la jette sur le vaisseau de Karl. La pointe de l'ancre entra dans le bordage et sortit au travers; et le flot noir entra dans l'ouverture, et tous les hommes, quittant le vaisseau, sautèrent sur les autres.

      Gunnar revint d'un bond sur son vaisseau. À ce moment Hallvard s'approcha, et il se fit alors une grande tuerie. Ceux de Gunnar voyaient que leur chef était sans crainte, et chacun faisait ce qu'il pouvait. Gunnar tantôt frappait, tantôt lançait des javelots, et nombre d'hommes reçurent la mort de sa main. Kolskegg l'aidait bien. Karl sauta sur le vaisseau de son frère Vandil, et ils combattirent ensemble tout le jour. Un moment, sur le vaisseau de Gunnar, Kolskegg prit du repos. Gunnar le vit et chanta:

      «Tu as pris plus de soin, vaillant corbeau, des aigles voraces qui mangent les hommes morts, que de toi-même. Demain plus d'un viendra ici, boire le breuvage des loups; mais toi, tandis que tu tires l'épée, tu souffres les tourments de la soif».

      Alors Kolskegg prit une corne pleine de mjöd et but. Après cela il recommença à combattre. Et il arriva que les deux frères sautèrent sur le vaisseau de Vandil; et Kolskegg venait le long d'un des bords, et Gunnar le long de l'autre. Vandil vint à la rencontre de Gunnar, et lui porta un coup; et l'épée entra dans le bouclier. Gunnar fit tourner vivement le bouclier, où l'épée tenait, et elle se brisa au dessous de la poignée. Gunnar frappa à son tour, et il semblait qu'il y eût trois épées en l'air, et Vandil ne savait de quel côté parer. D'un coup d'épée, Gunnar lui coupa les deux jambes. En même temps Kolskegg perçait Karl d'un javelot. Après cela ils firent beaucoup de butin.

      De là ils allèrent au Sud, en Danemark, et de là à l'est dans le Smaland. Et ils se battaient partout, et ils avaient toujours la victoire. Ils ne revinrent pas à l'automne.

      L'été suivant, ils allèrent à Rafal et trouvèrent là des pirates. Ils les attaquèrent et eurent la victoire. Après cela ils allèrent à l'est, jusqu'à Eysysl et ils restèrent là quelques temps sous un promontoire. Ils virent un homme qui descendait tout seul de la montagne. Gunnar vint à terre, à la rencontre de l'homme, et ils parlèrent ensemble. Gunnar lui demanda son nom, il se nommait Tofi. Gunnar demanda ce qu'il voulait. «C'est toi que je cherche, dit-il; il y a ici des vaisseaux de guerre à l'ancre de l'autre côté du promontoire, et je vais te dire qui les commande. Deux frères les commandent: l'un s'appelle Hallgrim et l'autre Kolskegg. Je sais qu'ils sont grands hommes de guerre; et je sais aussi qu'ils ont des armes si bonnes qu'il ne s'en trouve pas de pareilles. Hallgrim a une hallebarde qu'il a fait ensorceler, de sorte que nulle autre arme que cette hallebarde ne pourra lui donner la mort. Et il y a ceci encore: c'est qu'il sait tout d'abord quand la hallebarde doit aller au combat; car alors elle résonne si fort qu'on l'entend de loin; si grande est la vertu qu'il y a en elle». Alors Gunnar chanta:

      «Je l'aurai bientôt, cette hallebarde, quand j'aurai tué le guerrier terrible. J'entasserai les morts, et les armes résonneront sur les casques. Alors je m'en irai sur le coursier d'Endil [vaisseau], quand les sorciers auront perdu la vie dans la tempête de Sigar [bataille]».

      «Kolskegg, dit Tofi, a une épée courte. C'est l'arme la meilleure qu'on puisse voir. Ils ont du monde, un tiers de plus que vous. Ils ont aussi beaucoup de butin qu'ils ont mis en sûreté à terre et je sais au juste où il est. Ils ont envoyé un vaisseau pour vous épier, le long du promontoire, et ils savent que vous êtes là. Ils font maintenant de grands apprêts de combat, et ils veulent tomber sur vous, sitôt qu'ils auront fini. Vous n'avez donc que deux choses à faire: ou vous en aller tout de suite, ou vous préparer à combattre le plus vite que vous pourrez. Mais si vous avez la victoire, je vous mènerai là où est tout le butin».

      Gunnar lui donna un anneau d'or. Puis il alla vers ses hommes et leur dit qu'il y avait des vaisseaux de guerre de l'autre côté du promontoire: «et ils savent déjà que nous sommes là. Prenons donc nos armes et préparons toutes choses vite et bien; car il y a du butin à gagner». Ils firent donc leurs préparatifs. Et sitôt qu'ils sont prêts, ils voient des vaisseaux qui viennent à eux. La bataille s'engage, et ils combattent longtemps, et il se fait une grande tuerie. Gunnar tuait quantité d'hommes. Ceux d'Hallgrim sautèrent sur le vaisseau de Gunnar. Gunnar vint à la rencontre d'Hallgrim. Hallgrim pointa sur lui sa hallebarde. Il y avait une poutre en travers du vaisseau, et Gunnar sauta en arrière, par dessus la poutre. Son bouclier restait devant, et la hallebarde de Halgrim y entra, et dans la poutre après. Gunnar donna un coup d'épée sur le bras d'Hallgrim, et le bras fut paralysé, mais l'épée ne mordait pas; alors la hallebarde tomba à terre. Gunnar la prit et transperça Halgrim. Puis il chanta:

      «Je l'ai tué, le grand tueur d'hommes. Il levait son épée comme un éclair dans le combat. J'ai appris aux pays lointains la vertu des armes magiques d'Hallgrim. Tous les vaillants hommes sauront comment elle est venue en ma puissance, la hallebarde qui nourrit les loups. Voici qu'elle me suivra dans les combats jusqu'à la fin de ma vie».

      Et Gunnar tint son serment, et il porta la hallebarde tant qu'il vécut.

      Les deux Kolskegg combattaient l'un contre l'autre, et c'était chose douteuse de savoir de quel côté la chance tournerait. Alors Gunnar approcha et donna à Kolskegg le coup de la mort.

      Après cela les pirates demandèrent merci. Gunnar consentit à leur demande. Il fit reconnaître les morts, et prit le butin qui était à eux. Mais à ceux à qui il avait fait merci, il donna leurs armes et leurs vêtements, et leur dit de retourner dans leurs pays. Ils s'en allèrent, et Gunnar prit tout le butin qu'ils laissaient derrière eux.

      Tofi vint trouver Gunnar après la bataille et lui offrit de le conduire au butin que les pirates avaient mis en sûreté, et il dit qu'il y en avait plus, et du meilleur, que celui qu'ils avaient pris jusque là. Gunnar dit qu'il voulait bien. Il alla à terre avec Tofi. Tofi marchait le premier, vers le bois, et Gunnar derrière lui. Ils vinrent à un endroit où il y avait beaucoup de bois amoncelé. Tofi dit que le butin était dessous. Ils ôtèrent le bois et trouvèrent dessous de l'or et de l'argent, des vêtements et de bonnes armes. Ils portèrent ce butin jusqu'aux vaisseaux.

      Gunnar demanda à Tofi comment il voulait être récompensé. Tofi répondit: «Je suis un homme de race danoise, et je désire que tu me ramènes vers mes parents». Gunnar demanda comment il se trouvait dans les pays de l'est. «J'ai été pris par des pirates, dit Tofi, et ils m'ont jeté à terre ici à Eysysl, et j'y suis resté depuis lors».

       Table des matières

      Gunnar le prit avec lui et dit à Kolskegg et à Hallvard: «Nous devrions maintenant aller en Norvège». Ils furent contents de cela et dirent que c'était à lui de décider. Gunnar fit donc voile loin du pays de l'est avec beaucoup de butin. Il avait dix vaisseaux, il les amena à Heidabær en Danemark.


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