Le Cabinet des Fées. Anonyme

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Le Cabinet des Fées - Anonyme


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d'un arbre pour voir s'il ne découvrirait rien: tournant la tête de tous côtés, il vit une petite lueur comme d'une chandelle, mais que était bien loin par delà la forêt. Il descendit de l'arbre, et lorsqu'il fut à terre il ne vit plus rien: cela le désola.

      Cependant, ayant marché quelque temps avec ses frères du côté qu'il avait vu la lumière, il la revit en sortant du bois. Ils arrivèrent enfin à la maison où était cette chandelle, non sans bien des frayeurs, car souvent ils la perdaient de vue; ce qui leur arrivait toutes les fois qu'ils descendaient dans quelque fond.

      Ils heurtèrent à la porte, et une bonne femme vint leur ouvrir. Elle leur demanda ce qu'ils voulaient.

      Le petit Poucet lui dit qu'ils étaient de pauvres enfants qui s'étaient perdus dans la forêt, et qui demandaient à coucher par charité.

      Cette femme, les voyant tous si jolis, se mit à pleurer, et leur dit:

      --Hélas! mes pauvres enfants, où êtes-vous venus? Savez-vous bien que c'est ici la maison d'un ogre qui mange les petits enfants!

      --Hélas! madame, lui répondit le petit Poucet, qui tremblait de toute sa force aussi bien que ses frères, que ferons-nous? Il est bien sûr que les loups de la forêt ne manqueront pas de nous manger cette nuit, si vous ne voulez pas nous retirer chez vous; et, cela étant, nous aimons mieux que ce soit monsieur qui nous mange: peut-être qu'il aura pitié de nous, si vous voulez bien l'en prier.

      La femme de l'ogre, qui crut qu'elle pourrait les cacher à son mari jusqu'au lendemain matin, les laissa entrer, et les mena se chauffer auprès d'un bon feu; car il y avait un mouton tout entier à la broche pour le souper de l'ogre.

      Comme ils commençaient à se chauffer, ils entendirent heurter trois ou quatre grands coups à la porte: c'était l'ogre qui revenait. Aussitôt sa femme les fit cacher sous le lit, et alla ouvrir la porte.

      L'ogre demanda d'abord si le souper était prêt et si on avait tiré du vin; et aussitôt il se mit à table. Le mouton était encore tout sanglant, mais il ne lui sembla que meilleur. Il flairait à droite et à gauche, disant qu'il sentait la chair fraîche.

      --Je sens la chair fraîche, te dis-je encore une fois, reprit l'ogre en regardant sa femme de travers, et il y a ici quelque chose que je n'entends pas.

      En disant ces mots, il se leva de table et alla droit au lit.

      Il les tira de dessous le lit l'un après l'autre.

      Ces pauvres enfants se mirent à genoux en lui demandant pardon: mais ils avaient affaire au plus cruel de tous les ogres, qui, bien loin d'avoir de la pitié, les dévorait déjà des yeux, et disait à sa femme que ce serait là de friands morceaux, lorsqu'elle leur aurait fait une bonne sauce.

      Il alla prendre un grand couteau; et, en approchant de ces pauvres enfants, il l'aiguisait sur une longue pierre qu'il tenait à sa main gauche.

      Il en avait déjà empoigné un, lorsque sa femme lui dit:

      --Que voulez-vous faire à l'heure qu'il est? N'aurez-vous pas assez de temps demain?

      --Tais-toi! reprit l'ogre; ils en seront plus mortifiés.

      --Mais vous avez encore tant de viande! reprit sa femme: voilà un veau, deux moutons et la moitié d'un cochon.

      --Tu as raison, dit l'ogre, donne-leur bien à souper afin qu'ils ne maigrissent pas, et va les mener coucher.

      La bonne femme fut ravie de joie et leur porta bien à souper; mais ils ne purent manger, tant ils étaient saisis de peur.

      L'ogre avait sept filles qui n'étaient encore que des enfants: ces petites ogresses avaient toutes le teint fort beau, parce qu'elles mangeaient de la chair fraîche, comme leur père; mais elles avaient des petits yeux gris et tout ronds, le nez crochu, et une fort grande bouche avec de longues dents fort aiguës et fort éloignées l'une de l'autre; elles n'étaient pas encore fort méchantes, mais elles promettaient beaucoup, car elles mordaient déjà les petits enfants pour en sucer le sang.

      On les avait fait coucher de bonne heure, et elles étaient toutes sept dans un grand lit, ayant chacune une couronne d'or sur la tête.

      Il y avait dans la même chambre un autre lit de la même grandeur: ce fut dans ce lit que la femme de l'ogre mit coucher les sept petits garçons; après quoi elle alla se coucher.

      Le petit Poucet, qui avait remarqué que les filles de l'ogre avaient des couronnes d'or sur la tête, et qui craignait qu'il ne prît à l'ogre quelque remords de ne les avoir pas égorgés dès le soir même, se leva vers le milieu de la nuit; et, prenant les bonnets de ses frères et le sien, il alla doucement les mettre sur la tête des sept filles de l'ogre, après leur avoir ôté leurs couronnes d'or, qu'il mit sur la tête de ses frères et sur la sienne, afin que l'ogre les prît pour ses filles, et ses filles pour les garçons qu'il voulait égorger.

      La chose réussit comme il l'avait pensé; car l'ogre, s'étant éveillé sur le minuit, eut regret d'avoir différé au lendemain ce qu'il pouvait exécuter la veille. Il se jeta donc brusquement hors du lit, et prenant son grand couteau:

      --Allons voir, dit-il, comment se portent nos petits drôles; n'en faisons pas à deux fois!

      Il monta donc à tâtons à la chambre de ses filles, et s'approcha du lit où étaient les petits garçons, qui dormaient tous, excepté le petit Poucet, qui eut bien peur lorsqu'il sentit la main de l'ogre qui lui tâtait la tête, comme il avait tâté celles de tous ses frères.

      L'ogre, qui sentit les couronnes d'or:

      --Vraiment, dit-il, j'allais faire là un bel ouvrage! je vois bien que j'ai bu trop hier au soir.

      Il alla ensuite au lit de ses filles, où ayant senti les petits bonnets des garçons:--Ah! les voilà, dit-il, nos gaillards! travaillons hardiment.

      Fort content de cette expédition, il alla se recoucher auprès de sa femme.

      Aussitôt que le petit Poucet entendit ronfler l'ogre, il réveilla ses frères, et leur dit de s'habiller promptement et de le suivre. Ils descendirent doucement dans le jardin et sautèrent par-dessus les murailles. Ils coururent presque toute la nuit, toujours en tremblant et sans savoir où ils allaient.

      L'ogre, s'étant éveillé, dit à sa femme:

      --Va-t'en là-haut habiller ces petits drôles d'hier au soir.

      L'ogresse fut fort étonnée de la bonté de son mari, ne se doutant point de la manière qu'il entendait qu'elle les habillât, et croyant qu'il lui ordonnait de les aller vêtir: elle monta en haut, où elle fut bien surprise, lorsqu'elle aperçut ses sept filles égorgées et nageant dans leur sang. Elle commença par s'évanouir (car c'est le premier expédient que trouvent presque toutes les femmes en pareilles rencontres).

      L'ogre, craignant que sa femme ne fût trop long-temps à faire la besogne dont il l'avait chargée, monta


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