Maman Léo. Paul Feval

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Maman Léo - Paul  Feval


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ayez votre leçon faite mieux que cela, car un rien, une mouche qui vole la met dans tous ses états. Asseyez-vous encore un petit peu, brave madame... Mais est-ce étonnant comme tout le monde l'aime! j'étais bien certain que vous sauteriez sur l'idée de la voir comme sur du gâteau! Elle a un charme dans son petit doigt, c'est sûr. Allumez donc voir un petit bout de chandelle pendant que je vas fourgonner le poêle. Il n'y a pas de bourrelets à vos portes, dites donc!

      —Allume, Échalot! ordonna Mme Samayoux.

      —Tiens! fit M. Constant, qui avait déjà le tisonnier à la main, j'avais oublié ce bonhomme-là.

      Il ajouta en baissant la voix:

      —Ça aurait pu causer un grand malheur, si quelqu'un avait écouté les choses qu'il me reste à vous dire.

      Échalot venait en ce moment vers la table avec de la lumière. En la posant auprès de la bouteille, et malgré sa timidité accoutumée, il regarda M. Constant bien en face.

      Les yeux de celui-ci étaient justement fixés sur lui par-dessus ses lunettes. Les paupières d'Échalot se baissèrent et le sang lui monta aux joues.

      M. Constant allongea le bras et lui toucha l'épaule.

      Échalot recula.

      —Ma poule, lui dit l'officier de santé, tu as les oreilles longues, je vois ça, et tu voudrais bien écouter la suite.

      —C'est une bonne et simple créature, interrompit la veuve.

      —Brave madame, fit observer M. Constant avec une sorte de sévérité, ce ne sont pas nos affaires que nous traitons ici, et il y a des choses qu'il ne faut pas confier aux innocents. Va-t'en voir dehors si le printemps s'avance, bonhomme!

      Il ajouta:

      —Et souviens-toi que se taire vaut toujours mieux que parler. J'ai ton signalement là.

      Un petit coup sec, frappé entre deux sourcils, ponctua la phrase.

      Échalot, sans répondre, se dirigea aussitôt vers la porte.

      Dès qu'il eut franchi le seuil, il respira longuement et ôta sa casquette, comme s'il avait besoin de baigner sa tête brûlante dans l'air froid du dehors.

      —Si c'est lui, murmura-t-il, mon affaire n'est pas bonne, et ce n'est pourtant pas Amédée qui peut suffire à élever Saladin.

      Il se retourna vivement au souvenir de l'enfant qui restait dans la baraque, et fut sur le point de rentrer. Mais il n'osa pas.

      —Je m'alignerais avec n'importe qui, fit-il comme pour s'excuser vis-à-vis de lui-même. J'irais chercher le petit ou la patronne au fond de l'eau ou au milieu du feu; mais ces gens-là me font peur, quoi! et je n'ai plus de sang dans les veines. Tant que la patronne est là, l'enfant n'a rien à craindre. Je vas guetter, dès qu'elle sera partie, je rentrerai.

      Il fit un pas dans la direction de la rue Saint-Denis; ses jambes flageolaient sous lui comme s'il eût été ivre.

      Il ne fit qu'un pas. Son regard avait rencontré dans les terrains, à droite du tracé de la rue de Rambuteau, un coupé attelé d'un cheval noir dont le cocher, immobile, semblait dormir entre les collets fourrés de son carrick.

      Il ne dormait pas, cependant, car à des intervalles réguliers une bouffée de fumée formait un petit nuage autour de sa tête.

      Quand Échalot reprit sa marche, ses jambes ne tremblaient plus. Il s'approcha de la voiture en étouffant le bruit de ses pas dans la neige et regarda le cheval attentivement.

      Puis, prenant la voie battue et allant les mains derrière le dos, comme un passant, il appela tout bas:

      —Oh! hé! Giovan-Battista!

      Le cocher tressaillit sous son carrick et tourna la tête sans répondre.

      —Est-ce que Toulonnais-l'Amitié a sa petite dame dans ce quartier-ci? demanda encore Échalot.

      Le cocher repartit cette fois avec un fort accent napolitain.

      —Vous vous trompez, l'ami, suivez votre chemin.

      —Pardon, excuse, fit Échalot, qui obéit, pas d'affront! je vous prenais pour une connaissance.

      Et au lieu de continuer vers la rue Saint-Denis, il disparut dans les terrains, derrière la baraque de Mme Samayoux.

      À l'intérieur, la dompteuse avait repris place vis-à-vis de M. Constant, qui disait:

      —Dans ces affaires-là, ma bonne dame, je ne me confierais ni à mon frère ni à mon père, et vous allez bien voir que la moindre imprudence pourrait tout perdre. Le Dr Samuel est un particulier qui ne se dérangerait pas pour le pape, et ça se conçoit, puisque son établissement est en vogue, sa clientèle superbe, et qu'en plus il a toute une charretée de foin dans ses bottes. Eh bien! depuis que la petite demoiselle est chez nous, il a mis son propre appartement à la disposition de la famille, qui va et qui vient là-dedans sans se gêner. Il est amoureux de l'enfant comme tout le monde: c'est un sort!

      Nous sommes à mercredi; dimanche dernier, la famille s'est rassemblée dans la chambre à coucher du docteur, et on lui a demandé son avis; j'étais là, et moi, qui le connais pour n'avoir point le cœur trop tendre, je peux bien dire que sa voix chevrotait quand il répliqua:

      —C'est un pauvre cœur blessé si profondément que ni les soins ni les remèdes n'y feront rien. Elle aime, sa vie entière est dans son amour, et si elle perdait celui qu'elle aime, elle mourrait.

      —Ah! fit Mme Samayoux, qui écoutait avec une attention avide, je le devine bien, ce médecin-là! j'en ai vu de pareils. Il peut être brusque, il peut être rude, mais il a une bonne âme.

      —Ma foi, repartit M. Constant en riant, voilà longtemps que je le connais, et je ne m'étais pas trop aperçu qu'il avait le cœur tendre; mais de voir la demoiselle blanche et belle sur son lit, ça amollirait un caillou. Voilà donc la famille aux champs, comme vous pensez, après une déclaration pareille. Mme la marquise pleurait comme une fontaine, M. de Saint-Louis mouillait son grand mouchoir, et le colonel lui-même oubliait de tourner ses pouces. Vous verrez tout ce monde-là, c'est des grands seigneurs, mais pas trop fiers.

      «Il y a un autre docteur, un docteur en droit, celui-là, ce qui est plus que d'être avocat, et jurisconsulte par-dessus le marché: le plus retors de tous les malins! On lui avait donné l'affaire à examiner comme ami de la famille. Mme la marquise lui a pris les deux mains et lui a dit: «Nous n'avons plus d'espoir qu'en vous.» «Le bonhomme a répondu: «Je n'ai jamais trompé personne, je ne commencerai pas par vous, qui êtes de ma société et de mon amitié. De faire acquitter ce jeune gaillard-là par un jury c'est aussi impossible que de prendre la lune avec les dents. Il y a évidence, on l'a pris la main dans le sac, et son affaire est jugée.»

      —Mais alors, s'est écriée Mme la marquise, Valentine va mourir!

      Et le colonel a ajouté en s'adressant au docteur en droit:

      —Je donnerais bien une pièce de deux ou trois mille louis à celui qui trouverait le moyen de nous tirer de peine.

      —Parbleu! a répondu le jurisconsulte, avec de l'argent, on produit des miracles.

      —Est-ce qu'on pourrait acheter les juges ou le jury? a demandé la marquise.

      Les femmes ne savent pas, c'est sûr, et après tout, si on y mettait le prix... mais n'importe!

      Le docteur en droit a répondu:

      —Ce n'est pas cela que j'entends, je pensais à une évasion. Si vous aviez vu comme tout le monde a tombé là-dessus!

      Car ces bonnes gens-là, malgré leur orgueil et leurs armoiries, ne reculeront devant rien dès qu'il s'agira de sauver la petite demoiselle; vous verrez ça par vous-même.

      —Est-ce que vous pensez,


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