Le Domaine de Belton. Anthony Trollope

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Le Domaine de Belton - Anthony Trollope


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pas offensé. Je transporterais seulement mes pénates ailleurs. Dites-lui, je vous prie, que j’espère avoir le plaisir de le voir avant son départ. J’ai été hier au château dans cette intention, mais il était sorti.

      –Il va venir me chercher dans un moment.»

      Mais le cheval du colonel était à la porte, et il ne pouvait attendre l’arrivée de M. Belton.

      «Quel phénix que ce cousin! dit mistress Askerton dès que son mari fut parti.

      –C’est un excellent garçon; il est si plein de vie et d’énergie, et il a fait tant de bien à mon père Papa ne pouvait supporter l’idée de la venue de Will, et il commence déjà à se plaindre parce qu’il va s’en aller.

      –Will déjà?

      –Et pourquoi pas Will? Il est mon cousin.

      –Et ne sera-t-il rien de plus?

      –Rien de plus, mistress Askerton.

      –Vous en êtes sûre?

      –Tout à fait sûre. Mais je ne puis comprendre pourquoi on ferait de telles suppositions, parce que nous sommes appelés à nous voir intimement et que nous avons de l’amitié l’un pour l’autre. Will est mon plus proche parent, et, depuis la mort de mon pauvre frère, il est l’héritier de mon père. Il est si naturel qu’il soit mon ami, et je trouve une si grande consolation dans son amitié qu’il me semble cruel, je l’avoue, d’être l’objet de tels soupçons.

      –Soupçons, ma chère, quels soupçons?

      –Ce n’est pas que je m’en soucie, Je suis décidée à l’aimer comme un frère. Je l’admire pour son énergie et sa bonté. Je suis fière de lui comme mon ami et mon cousin, et maintenant vous pouvez soupçonner ce qu’il vous plaira.

      –Mais, ma chère, pourquoi ne deviendrait-il pas amoureux de vous? Ne serait-ce pas ce qui pourrait arriver de mieux?

      –Je hais cette manière de parler. Comme si une femme n’avait autre chose à penser toutes les fois qu’elle voit un homme.

      – Une femme n’a rien autre chose à penser.

      –Quant à moi, j’ai beaucoup d’autres choses à penser, et lui aussi.

      –Il y a bien là de quoi vous fâcher! Votre indignation est superbe.

      –Elle n’est pas superbe pour moi, car je me sens toujours honteuse de ma vivacité, et maintenant, s’il vous plaît, nous ne parlerons pas davantage de M. Will Belton. Mais, à propos, mistress Askerton, savez-vous qu’il pense vous avoir connue autrefois?»

      Clara, en disant cela, ne regarda pas son amie en face, mais elle put pourtant s’apercevoir de son trouble. Mistress Askerton devint pâle, ses traits prirent une expression d’angoisse, et elle resta un moment sans répondre.

      «Vraiment, dit-elle enfin, et où cela?

      –Je crois que c’était à Londres. Mais, après tout, ce n’était probablement pas vous, mais quelqu’un qui vous ressemble. Il dit que la dame se nommait miss Vigo.»

      En prononçant ce nom, Clara se détourna par un sentiment instinctif.

      «Miss Vigo! dit mistress Askerton, et le ton de sa oix confirma les soupçons de Clara; je me rappelle qu’elles étaient deux sœurs, et je suis flattée de la ressemblance, car elles avaient une réputation de beauté.

      –Il dit que celle dont il se souvient a épousé un monsieur Berdmore.

      –A épousé un monsieur Berdmore!»

      Le ton de la voix était le même, comme si elle faisait un effort pour parler naturellement. Alors Clara la regarda, pensant qu’il y aurait de l’affectation à détourner plus longtemps les yeux. Mistress Askerton était pâle, mais elle essayait de sourire. A ce moment on sonna à la porte du jardin, et un instant après M. Belton parut. Mistress Askerton pensa devoir faire allusion à la conversation qui venait d’avoir lieu, et entama le sujet immédiatement.

      «Clara me dit que je ressemble à une de vos amies d’autrefois, monsieur Belton?»

      Il la regarda attentivement en lui répondant:

      «Je n’ai pas le droit de l’appeler mon amie, mistress Askerton; en effet, c’était tout au plus une connaissance, mais vous ressemblez extrêmement à miss Vigo.

      –Je suis étonné que les gens n’aient pas plus de ressemblance entre eux.

      –Il y a souvent des ressemblances, mais pas jusqu’à amener des méprises. Je vous aurais accostée dans la rue en vous appelant mistress Berdmore.

      –N’ai-je pas entendu prononcer ce nom ici?» demanda Clara.

      L’expression de souffrance reparut sur les traits de mistress Askerton.

      «Ma chère, répondit-elle, j’ai une fort mauvaise mémoire, mais il me semble me rappeler que le colonel a connu autrefois aux Indes un monsieur Berdmore. Vous l’en aurez probablement entendu parler.»

      Il ne fut plus rien dit sur ce sujet, mais Clara conserva l’impression qu’il y avait un mystère dans la vie de mistress Askerton. Pourquoi eût-elle cherché à le découvrir?

      Peu après Clara se leva pour prendre congé, et mistress Askerton fit un effort pour adresser un adieu aimable à Belton.

       Table des matières

      Lorsque les deux cousins furent seuls dans le parc, ils parlèrent encore quelque temps de mistress Askerton et de sa singulière ressemblance. Will, tout en causant, considérait à part lui comment il amènerait le sujet qui l’intéressait sans se nuire par trop de précipitation.

      En quittant le cottage, ils avaient pris à travers le parc un chemin conduisant à un rocher élevé d’où l’on découvrait la mer d’un côté, et de l’autre une grande étendue de pays. Arrivés là, ils s’assirent.

      «Cet endroit est le plus joli de toute l’Angleterre, dit Clara.

      — Je n’ai pas vu toute l’Angleterre, répondit Belton.

      –Allons, Will, ne soyez pas si positif. Je dis que c’est le plus joli endroit d’Angleterre et vous ne me contredirez pas.

      –Et moi je dis que vous êtes la plus jolie fille d’Angleterre et vous ne me contredirez pas.»

      Cette manière de parler déplut à Clara. Elle trouva que son incomparable cousin n’était pas aussi parfait qu’elle le pensait.

      «Je vois, dit-elle, que si je dis des enfantillages, j’en serai punie.

      –Est-ce une punition pour vous de savoir que je vous trouve jolie?

      –Il m’est très-désagréable d’entendre traiter ce sujet. Que penseriez-vous si je me mettais à vous adresser de sots compliments?

      –Ce que je dis n’est pas sot, et il y a une grande différence entre nous.–Clara, je vous aime plus que tout au monde.»

      Elle le regarda, mais elle ne le crut pas encore: était-il possible qu’elle se fût méprise à ce point!

      «J’espère que vous m’aimez, dit-elle, vous y êtes obligé. N’avez-vous pas promis d’être mon frère?

      –Mais cela ne me suffit plus, Clara.–Clara, je veux être votre mari.

      –Will! s’écria-t-elle.

      –Maintenant vous savez tout. Pardonnez-moi si j’ai été trop brusque.

      –Oh! Will, oubliez ce que vous venez de dire. Que tout ne soit pas rompu entre nous.

      –Pourquoi


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