Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron. Ciceron

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Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron - Ciceron


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n’a plus que trois parties. On peut en juger par cet exemple : « Il faut craindre Carthage, si nous la laissons subsister, ou il faut la détruire ; or, il ne faut pas la craindre ; il ne reste donc qu’à la détruire. »

      XL. Quelques rhéteurs prétendent que l’on peut, que l’on doit même quelquefois supprimer la conclusion, quand la conséquence est évidente, ce qui réduit le raisonnement à deux parties. « Si elle est mère, elle n’est point vierge. Or, elle est mère. » Il suffit, disent-ils, d’établir la proposition et l’assomption, la conséquence étant si claire que la conclusion devient inutile. Pour moi, il me semble que tout raisonnement doit avoir une conclusion ; j’ajoute seulement qu’il faut éviter ce qui leur déplaît avec raison, et ne jamais donner à ce qui est évident la forme d’une conclusion.

      Pour éviter cet écueil, il faut connaître les différents genres de conclusions. Tantôt la conclusion se forme de la réunion de la majeure et de la mineure. Par exemple « Que si toutes les « lois doivent avoir pour but l’intérêt de la patrie, et si l’accusé a sauvé la patrie, certes il ne peut pas tout à la fois avoir sauvé la patrie et désobéi aux lois. » Tantôt elle se tire des contraires : « Le comble de la démence serait donc de compter sur la fidélité de ceux dont la perfidie nous a si souvent trompés. » Ou bien l’on n’exprime que la conséquence seule : « Donc il faut détruire Carthage. » On peut encore se contenter d’exprimer ce qui suit nécessairement la conséquence. Ainsi, dans ce raisonnement : « Si elle est mère, elle a eu commerce avec un homme ; or, elle est mère ; » la conséquence inévitable est celle-ci : « Donc elle a eu commerce avec un homme. » Mais si vous ne voulez pas exprimer cette conséquence, et que vous vous borniez à ce qui la suit : « Donc elle a été incestueuse, » vous concluez votre raisonnement, et vous évitez une conclusion trop évidente.

      Ainsi, un raisonnement est-il long, il faut conclure par la réunion des prémisses ou par les contraires ; est-il court, exposez seulement la conséquence. Quand elle est trop évidente, ne vous y arrêtez pas et n’exprimez que ce qui la suit.

      Ceux qui prétendent qu’un argument peut n’avoir qu’une seule partie, le posent ainsi, et prétendent que c’est assez pour le raisonnement : « Puisqu’elle est mère, elle a eu commerce avec un homme ; » car de cette manière il n’est besoin ni de proposition, ni d’assomption, ni de preuve, ni de conclusion. Mais l’ambiguïté du mot argumentation produit leur erreur ; car ce mot, qui se prend dans un double sens, signifie en même temps et les raisons qui rendent une chose probable ou nécessaire, et l’art de les exposer. Ainsi, lorsqu’ils disent simplement : « Puisqu’elle est mère, elle a eu commerce avec un homme, » ils donnent la raison, mais sans art ; et nous ne nous occupons ici que de l’art et de ses parties.

      XLI. Cette objection est donc frivole ; et la distinction que nous venons d’établir réfute tout ce qu’on pourrait dire contre notre division, en prétendant qu’on peut supprimer la proposition ou l’assomption. Les raisons qui la rendent probable ou nécessaire, doivent faire impression sur l’auditoire, de quelque manière qu’elles soient exposées ; mais si l’on ne s’attachait qu’à cet effet, sans s’inquiéter de la manière d’exposer les raisons une fois trouvées, la différence qu’on établit entre le talent et la médiocrité serait chimérique.

      Il faudra surtout varier vos tournures ; dans tous les genres, l’uniformité enfante le dégoût. Pour le prévenir, ne suivez point toujours la même marche, et répandez d’abord de la variété dans la forme de vos arguments : employez tantôt l’induction, tantôt l’épichérème. Que votre raisonnement même ne commence pas toujours par la proposition, ne soit pas toujours divisé en cinq parties ; ne suivez pas constamment le même plan dans l’amplification et les ornements de vos divisions : mais commencez tantôt par l’assomption, tantôt par une des deux preuves ou par toutes les deux. Employez tantôt une conclusion, tantôt une autre. Rien n’est plus facile ; et pour s’en convaincre, il suffit d’écrire ou de s’exercer sur quelques-uns des exemples que nous avons proposés.

      Nous avons, ce me semble, assez développé les différentes parties du raisonnement. Nous n’ignorons pas, et il n’est peut-être pas inutile de le dire en cet endroit, nous n’ignorons pas que la méthode philosophique enseigne d’autres moyens aussi nombreux que subtils de développer les arguments ; mais nous les croyons étrangers à l’art oratoire. Tout ce qui nous a semblé appartenir à l’éloquence, nous ne prétendons pas l’avoir mieux traité que les autres ; mais nous y avons apporté plus de soin et d’exactitude. Maintenant, continuons notre route en suivant l’ordre que nous avons établi.

      XLII. La réfutation détruit, ou du moins affaiblit par des arguments les assertions de l’adversaire. Elle puise aux mêmes sources que la confirmation ; car les mêmes lieux qui servent à confirmer une chose peuvent servir aussi à l’infirmer. Il ne faut doue encore ici considérer que les choses et les personnes ; et l’on peut appliquer à cette partie de l’éloquence les préceptes que nous avons tracés sur la manière de trouver et d’établir des arguments. Néanmoins, pour donner une théorie sur ce sujet, nous développerons les différentes espèces de réfutations : suivez ces principes, et vous détruirez, ou vous affaiblirez du moins sans peine toutes les objections de vos adversaires.

      On réfute un raisonnement en n’accordant pas une ou plusieurs des choses que renferment les prémisses ; ou, si l’on accorde les prémisses, en niant la conclusion qu’on en tire, ou en montrant que le genre même du raisonnement est vicieux ; ou en opposant à une raison solide une objection aussi forte, ou même plus solide encore. Voulez-vous ne pas accorder à votre adversaire ce qu’il avance d’abord, niez que ce qu’il établit comme probable ait la moindre vraisemblance ; niez que ses comparaisons offrent le moindre rapport avec te sujet ; donnez un autre sens aux jugements qu’il cite, ou condamnez-les absolument ; rejetez ce qu’il regarde comme des indices ; attaquez sa conséquence sous un ou plusieurs rapports ; démontrez que son énumération est fausse, ou, s’il emploie une simple conclusion, prouvez qu’elle manque de justesse ; car ce sont là, comme nous l’avons enseigné ci-dessus, les lieux où l’on puise tout ce qui peut rendre un fait probable ou nécessaire.

      XLIII. On réfute une chose donnée pour probable, soit quand elle est d’une fausseté évidente, comme : « Il n’est personne qui ne préfère l’argent à la sagesse ; » soit quand le contraire est aussi probable : « Pour qui le devoir n’est-il pas plus sacré que l’intérêt ? » soit lorsqu’elle est tout à fait incroyable ; par exemple « Qu’un homme d’une avarice reconnue a, sans motifs importants, négligé un gain considérable ; » ou bien si l’on généralise ce qui n’est vrai que de certains individus ou de certaines choses ; comme : « Tous les pauvres préfèrent l’intérêt au devoir.— Ce lieu est désert ; c’est là qu’on a dû commettre le meurtre. — Comment un homme a-t-il pu être tué dans un lieu fréquenté ? ou si l’on regarde comme impossible ce qui n’arrive que rarement, comme Curion, dans son discours pour Fulvius : « La vue seule d’un objet, un coup d’œil, ne suffisent pas pour inspirer de l’amour. »

      Pour les indices, les mêmes lieux qui servent à les établir, serviront à les attaquer. lI faut d’abord en démontrer la vérité ; puis, qu’ils sont propres à la chose dont il s’agit, comme, k sang est l’indice d’un meurtre ; ensuite prouver qu’oit a fait ce qu’on ne devait pas faire, ou qu’on n’a pas fait ce qu’on devait faire ; que l’accusé était sur ce point parfaitement instruit de la loi et de la coutume ; car tout cela appartient aux indices. Nous en parlerons avec plus d’étendue quand nous traiterons particulièrement de la question de conjecture. Il faut donc, dans la réfutation, démontrer que chacun de ces indices ne prouve rien ; qu’il est peu important, qu’il fait plus pour nous que pour nos adversaires, qu’il est absolument faux, ou même qu’il pourrait conduire à d’autres soupçons.

      XLIV. Votre adversaire a-t-il établi une comparaison, il cherche entre deux faits ou deux causes des rapports que vous devez détruire pour le réfuter. Vous y réussirez en montrant des différences frappantes dans le genre et la nature, la force et la grandeur, le temps et le lieu, les personnes et l’opinion ; en appréciant, en remettant


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