Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron. Ciceron

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Toutes les Oeuvres Majeures de Cicéron - Ciceron


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: « Le consul C. Flaminius qui, pendant la seconde guerre Punique, mit la république dans un si grand danger, était tribun du peuple, lorsque, malgré le sénat, malgré l’opposition de tous les bons citoyens, il porta les Romains à se soulever, en leur proposant la loi agraire. Son père vient l’arracher de la tribune où il présidait l’assemblée du peuple. Il est accusé de lèse-majesté. » Voici l’accusation : « Vous êtes coupable de lèse-majesté ; vous avez arraché de la tribune un magistrat du peuple. La défense : — « Je ne suis point coupable de lèse-majesté. » La question : — « Est-il coupable de lèse-majesté ? » La preuve : — « J’ai usé de « l’autorité que j’avais sur mon fils. » La réfutation : — « Mais celui qui se sert de l’autorité paternelle, c’est-à-dire, d’une autorité privée, contre la puissance tribunitienne, c’est-à-dire, contre l’autorité du peuple, est coupable de lèse-majesté. » Le point à juger : — « Est-il coupable de lèse-majesté, celui qui emploie contre un tribun l’autorité paternelle ? » C’est à cela qu’il faut rapporter tous vos raisonnements.

      Mais qu’on n’aille pas s’imaginer que nous ne voyons pas d’autre question dans cette cause. Nous n’envisageons ici que le point qui nous occupe ; mais lorsque, dans ce livre, nous aurons développé chaque partie, il sera facile, avec un peu d’attention, de trouver, dans quelque cause que ce soit, toutes les questions, toutes leurs parties et tous les points de discussion qui s’y rencontrent ; car nous ne voulons rien omettre.

      Le premier lieu de l’accusateur est donc la définition courte, claire et conforme à l’opinion générale, du mot dont on cherche la valeur ; par exemple : « C’est se rendre coupable de lèse-majesté que d’attenter à la majesté, ou à la grandeur, ou à la puissance du peuple, ou de ceux que le peuple a revêtus de son autorité. » Fortifiez cette courte exposition de raisons bien développées, et montrez-en la justesse. Prouvez ensuite qu’elle s’applique parfaitement à l’action de l’accusé, et que, suivant la définition que vous avez donnée du délit, votre adversaire est coupable de lèse-majesté ; appuyez-vous alors d’un lieu commun qui excite l’indignation de l’auditoire, en exagérant l’atrocité ou l’indignité de l’action.

      Il faut ensuite réfuter la définition de l’adversaire : vous la réfuterez en prouvant qu’elle est fausse. Vous citerez comme autorité l’opinion générale, en considérant de quelle manière et dans quel sens, soit en parlant, soit en écrivant, on emploie ordinairement ce mot. Vous la réfuterez encore en montrant qu’il serait aussi honteux que dangereux de t’admettre ; en faisant voir quelles en seraient les funestes conséquences ; et vous avez ici les lieux de l’honneur et de l’intérêt, que nous développerons en nous occupant des préceptes qui se rapportent au genre délibératif. Vous pouvez aussi comparer votre définition à celle de votre adversaire ; montrer que la vôtre est vraie, honnête, utile, et que la sienne est tout le contraire. Cherchez ensuite dans des causes d’une importance supérieure, ou du moins égale à celle de la vôtre, des exemples dont le rapport avec elle puisse étayer votre définition.

      XVIII. Avez-vous plusieurs choses à définir, comme lorsqu’il s’agit de savoir « Si celui qui dérobe chez un particulier des vases sacrés, est voleur ou sacrilège ; » employez plusieurs définitions, et suivez pour le reste de votre cause la marche que nous venons d’indiquer. La perversité du coupable, qui s’arroge un pouvoir égal et sur les choses et sur les mots, pour faire ce qui lui plaît, et donner à ses actions le nom qui lui convient, vous offre un autre lieu commun.

      Le premier lieu du défenseur est aussi la définition du mot, courte, claire et conforme à l’opinion générale ; par exemple : « C’est se rendre coupable de lèse-majesté que de se mêler de l’administration de l’État, quand on n’en a pus reçu le pouvoir. » Ensuite on appuie cette définition de raisons et d’exemples, puis ou prouve combien elle convient peu au fait dont il s’agit. Enfin, un lieu commun développe l’utilité ou l’honnêteté de l’action.

      Vient ensuite la réfutation de la définition adoptée par l’adversaire qui se tire de tous les lieux que nous avons indiqués à l’accusateur. Tout le reste est également semblable, excepté le dernier lieu commun ; car le défenseur doit s’indigner que, pour le mettre en danger, l’accusateur ne se contente point de dénaturer les faits ; et s’efforce encore à changer les mots. Les lieux communs, qui montrent la perfidie de l’accusateur, qui excitent la pitié, l’indignation, et ceux qui nous mettent en garde contre la pitié, se tirent de la grandeur du danger et non du genre de la cause. Aussi, s’ils ne s’offrent point dans toutes les causes, ils s’offrent dans des causes de toute espèce. Nous en avons déjà parlé dans l’état de cause nommé conjectural, ou question de fait. Quant à l’induction, nous nous eu servirons si la cause le demande.

      XIX. Si l’accusateur n’a pas droit d’intenter son action, si elle ne tombe pas sur le coupable, si le tribunal, le temps, la loi, l’accusation, la peine, offrent quelque irrégularité ; comme il faut que la cause soit changée et portée devant un autre tribunal, on l’appelle question de récusation. Il est inutile de donner des exemples de chaque genre de récusation ; ils nous entraîneraient trop loin, d’autant plus que la méthode est toujours la même. D’ailleurs plus d’un motif empêche que dans nos coutumes cet état de question se présente souvent ; car les édits de nos préteurs admettent plusieurs fins de non-recevoir ; et suivant notre droit civil, on perd sa cause quand on ne suit pas les formes prescrites. Aussi la plupart des récusations se font-elles devant le préteur ; car c’est à lui que s’adressent les demandes de fin de non-recevoir ; c’est lui qui donne, en quelque sorte, le pouvoir d’intenter une action, et qui règle la forme à suivre dans les affaires particulières. Les récusations ont donc rarement lieu devant les tribunaux ; et même, quand cela se rencontre, elles sont ordinairement peu fondées, et il faut, pour les appuyer, y joindre quelque autre état de question. Je citerai cet exemple « Dans une accusation d’empoisonnement, la cause présentée comme parricide et inscrite hors de son rang, les dépositions des témoins et les arguments de l’accusateur chargent le coupable de différents délits, et ne font que mentionner le parricide : il faut alors que le défenseur insiste vivement et longtemps sur ce point. Si l’on n’a pas prouvé le meurtre du père, c’est une injustice criante « que d’infliger le châtiment des parricides ; ce qui doit nécessairement arriver si nous sommes condamnés, puisque la cause est inscrite hors de son rang comme parricide. S’il est injuste d’infliger cette peine à l’accusé, il est également injuste de le condamner, puisque sa condamnation entraîne nécessairement cette peine. » Le défenseur, en demandant par la récusation le changement de la peine, détruira toute l’accusation ; et de plus, il appuiera sa récusation par la question de fait, en se justifiant sur tous les autres chefs dont on l’accuse.

      XX. Prenons pour exemple de récusation, dans la cause, le fait suivant : « Des gens armés, venus pour faire une violence illégale, furent repoussés par d’autres gens armés, et un cavalier romain, en se défendant, eut la main coupée par un des agresseurs. Le blessé intente une accusation de voies de fait. L’accusé demande au préteur qu’on ajoute cette restriction : A MOINS QUE CE NE SOIT NUIRE A UN HOMME ACCUSÉ DE CRIME CAPITAL. L’accusateur veut un jugement simple ; l’accusé exige qu’on y ajoute cette restriction. — Faut-il admettre ou non la restriction ? voilà la question. — il ne faut point, dans une cause portée devant de simples commissaires, prononcer d’abord sur un crime qui regarde le tribunal chargé des assassinats. » Voilà la raison. — Voici la réponse : « Les voies de fait sont telles, qu’il serait indigne de ne pas prononcer le plus tôt possible un jugement. » Le point à juger est donc : « La « gravité des voies de fait est-elle une raison suffisante pour qu’on prononce, tandis qu’il ne s’agit encore que de cette cause, sur un délit plus grave, dont le jugement appartient à un autre tribunal ? » Voilà pour cet exemple. Mais les deux parties doivent, dans toute cause, chercher par qui, avec qui, de quelle manière et dans quel temps il faut intenter l’action ou porter le jugement.

      Vous devez ici avoir recours au droit dont nous I parlerons plus bas, et montrer, par vos raisonnements, ce qu’il faut faire en pareille circonstance ; distinguer si, par malice, on n’a pas sous une fausse accusation


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