Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome II. Constantin-François Volney

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Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome II - Constantin-François Volney


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lit dans les annales chinoises, que dans une année correspondante à l’an 599 de J.-C. (commencée le 25 décembre 598), il arriva à la Chine une colonie d’hommes occidentaux qui s’établirent (à tel endroit) et qui conservèrent, avec leurs lois une forme d’année et une ère particulière à eux. Or, un auteur chinois remarque que l’année correspondante à 1384 de J.-C. (commencée au solstice d’hiver 1383) était 586e depuis l’arrivée de cette colonie à la Chine, et la 1942e de leur ère, formée d’années de 365 jours

      Si de l’an 1384 nous remontons au delà de notre ère pour compléter une somme de 1,942, nous aurons 558 pour première année de l’ère de ces Occidentaux. Fréret veut trouver 560, et il voit ici l’époque de Kyrus, qui en effet parvint à l’empire cette année là; mais puisque l’an 558 est le résultat naturel, n’est-ce pas plutôt l’époque de cette conversion des Perses à la religion de Zoroastre, dont nous avons parlé page 250, et qui réellement tombe à la jonction des années 557 et 55854? Toujours est-il certain que ces Occidentaux furent des Perses zoroastriens, comme le démontre Anquetil, par les noms de leurs mois, et que cette époque est entièrement oubliée en Perse. Maintenant que nous avons le secret de l’ignorance et de l’audace des compilateurs de ce pays, procédons à l’analyse de leurs listes, et voyons de quels rois factices ils ont composé leurs premières dynasties.

      D’abord, partant d’un point connu, c’est-à-dire de Kestasp, pris pour Darius Hystasp, remontons, et voyons si les rois mentionnés par Mirkhond et par Ferdousi, ne répondent pas à quelques rois cités par Hérodote et par les autres Grecs.

      § V.

      Dynastie Kêan ou Kaian

      Le mot ou kai signifie géant et grand en pehlevi, nous disent les auteurs; et nous ajoutons qu’en arménien skai signifie la même chose.

      Selon Mirkhond,

      «L’art de tirer l’arc fut porté à sa perfection sous ces princes; et de là s’est établi le proverbe persan, un arc kêanien, pour dire un arc très-fort, dont peu de gens sont capables de tirer.»

      Ce fait remarquable nous rappelle l’anecdote de Kyaxar, qui ayant donné l’hospitalité aux Scythes chasseurs, leur confia des jeunes gens de sa cour, pour être instruits à tirer l’arc à la manière scythe. De cette école a dû venir la supériorité des Parthes, qui furent un peuple mêlé de Kurdes et de Mèdes. Ces rois kêaniens doivent donc être les Mèdes d’Hérodote: nous trouvons le persan dans kyaxar, qui s’explique très-bien: le grand vainqueur.

      Selon Ferdousi et selon Mirkhond, Kê Qobâd ne fut point fils de roi; il vivait simple particulier retiré. L’Iran était dévasté par des étrangers. Zâl, gouverneur de Zablestan, et père du célèbre Roustam, ayant rassemblé une armée pour les repousser et rétablir l’ordre, forma un grand conseil de guerre, et tint ce discours aux chefs:-

      «Guerriers magnanimes, instruits par l’expérience et les dangers, j’ai assemblé cette armée et tâché de la rendre formidable; mais tous les cœurs sont découragés faute d’un roi qui unisse leurs bras: les affaires roulent sans guide; l’armée agit et marche sans chef; lorsque Zou occupait le trône, notre situation avait un meilleur aspect. Choisissons un homme de race royale; donnons-lui les marques distinctives (de la royauté). Un roi établira l’ordre dans le monde. Un corps de nation ne peut exister sans chef. Les prêtres nous indiquent pour cette dignité un descendant de Feridon, un homme éminent par sa grandeur d’ame et par sa justice

      Maintenant comparons ce qu’Hérodote nous dit de l’élection de Déïokès, liv. Ier, § XCVI et suivants.

      Après que les Mèdes eurent détruit l’empire assyrien, devenus indépendants, ils furent bientôt tourmentés de tous les désordres de l’anarchie:

      «Or il y avait chez eux un sage appelé Déïokès, qui, s’étant fait remarquer par ses bonnes mœurs et par sa justice, fut établi juge de sa bourgade, par le suffrage de ses concitoyens....

      «Lorsqu’il vit sa réputation répandue, et les clients affluer, il se retira… Les brigandages recommencèrent; les Mèdes s’assemblèrent, tinrent conseil sur leur situation; les amis de Déïokès y parlèrent, je pense, en ces termes:—Puisque la vie (troublée) que nous menons ne nous permet plus d’habiter ce pays, choisissons un roi.... La Médie étant alors gouvernée par de sages lois, nous pourrons cultiver en paix nos campagnes, sans crainte d’être chassés par l’injustice et la violence....—Ce discours persuada les Mèdes de se donner un roi.»

      L’on voit que le fond des deux récits est semblable..... Aussi Kê Qobâd est-il peint comme un roi pacifique, livré aux soins administratifs..... Il fit le premier poser sur les chemins les bornes milliaires appelées farsang (de 2,568 toises); il établit une dîme pour payer les troupes réglées; il fit sa résidence dans l’Irâq Adjàmi, c’est-à-dire en Médie; et comme les Perses n’ont aucune idée d’Ecbatanes, ils supposent que ce fut à Ispahan: tout cela convient à Déïokès.

      Le second roi, Kai Kaôus, fut fils de Qobâd selon les uns, mais la chronique Madjmal-el-Taoûarik, qui en général est savante, observe que plusieurs le disent fils d’Aphra, fils de Qobâd..... Aphra est sûrement Phraortes, qui a été supprimé par les Perses, pour les avoir subjugués et soumis aux Mèdes.

      Kai Kaoûs, dans les premières années de son règne, entreprend, contre un peuple belliqueux, une guerre dont Ferdousi rapporte une circonstance notable. Ce poète dit que,

      «Pendant une bataille livrée par Kê Kaôus, son armée et lui-même furent frappés d’un aveuglement subit et magique, et que cet événement avait été prédit à l’ennemi par un de ses magiciens

      N’est-ce pas là évidemment l’éclipse de Kyaxarès, dans sa bataille contre Alyattes? et cela d’autant mieux que, pour les Orientaux, magie, astronomie, sont tous synonymes. Cette guerre est placée dans le Manzanderan; mais nous avons déja dit qu’il ne faut attendre aucune exactitude géographique des Orientaux. Nous en avons des preuves, même dans les traducteurs syriaques, arabes, arméniens et persans des livres hébreux, qui très-fréquemment ont commis de grossières erreurs. Quant à Ferdouzi et à Mirkhond même, tout fait principal est pour eux un canevas sur lequel ils brodent à discrétion; et comme ces deux écrivains, payés par des princes, avaient en vue de les flatter, ils ont souvent introduit des accessoires, des motifs, des sentences, qui n’existaient pas dans leurs auteurs: sans compter que ces auteurs, eux-mêmes compilateurs et copistes de troisième, quatrième et dixième main, avaient pris les mêmes libertés avec les originaux; en sorte que toutes ces narrations ne ressemblent pas plus à la vérité historique, que les romans de Roland et de ses preux à l’histoire de Charlemagne.... Aussi, après l’aveuglement magique, Kê Kaôus se trouve-t-il prisonnier; mais le paladin Roustam accourt, le délivre, et le pays se soumet. Peu de temps après, Kê Kaôus tourne ses armes contre l’Égypte, la Syrie et le Roùm, qui est le nom de l’Asie mineure depuis sa possession par les Romains. Tout lui réussit par la valeur de Roustam. Ce héros, que l’on fait vivre plus de 200 ans, joue un grand rôle sous Kai Kaôus, c’est-à-dire Kyaxar. Or, en considérant que d’abord il jouit de la plus grande faveur, qu’ensuite il fut disgracié, et se retira dans un pays éloigné, où il finit par avoir la guerre avec les rois de Perse; que de sa personne il était le guerrier le plus accompli, le cavalier le plus adroit, le chasseur le plus habile, etc.; il nous semble évident que Roustam fut le Parsondas de Ktésias, si célèbre par ses exploits, par sa faveur près d’Artaïos-Kyaxarès, par son aventure romanesque à Babylone; finalement, par sa révolte contre le roi mède, et par sa retraite chez les Cadusiens,


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<p>54</p>

Il faut qu’il y ait erreur dans les 599 cités par Fréret.