La vie simple. Рихард Вагнер

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La vie simple - Рихард Вагнер


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Pour l'homme, ce qu'il y a de plus vrai c'est ce qui le fortifie le mieux.

      Si l'humanité vit de confiance, elle vit aussi d'espérance. L'espérance est cette forme de la confiance qui se tourne vers l'avenir. Toute vie est un résultat et une aspiration. Tout ce qui est, suppose un point de départ et tend vers un point d'arrivée. Vivre c'est devenir, devenir c'est aspirer. L'immense devenir c'est l'espérance infinie. Il y de l'espérance au fond des choses et il faut que cette espérance se reflète dans le cœur de l'homme. Sans espérance pas de vie. La même puissance qui nous fait être, nous incite à monter plus haut. Quel est le sens de cet instinct tenace qui nous pousse à progresser? Le sens vrai c'est qu'il doit résulter quelque chose de la vie, qu'il s'y élabore un bien, plus grand qu'elle-même, vers lequel elle se meut lentement, et que ce douloureux semeur qui s'appelle l'homme a besoin, comme tout semeur, de compter sur le lendemain. L'histoire de l'humanité est celle de l'invincible espérance. Autrement il y a longtemps que tout serait fini. Pour marcher sous ses fardeaux, pour se guider dans la nuit, pour se relever de ses chutes et de ses ruines, pour ne point s'abandonner dans la mort même, l'humanité a eu besoin d'espérer toujours et quelquefois contre tout espoir. Voilà le cordial qui la soutient. Si nous n'avions que la logique nous aurions depuis longtemps tiré cette conclusion: Le dernier mot est partout à la mort; et nous serions morts de cette pensée. Mais nous avons l'espérance, et c'est pour cela que nous vivons et que nous croyons à la vie.

      Suso, le grand moine mystique, un des hommes les plus simples et les meilleurs qui aient jamais vécu, avait une habitude touchante: chaque fois qu'il rencontrait une femme, la plus pauvre et la plus vieille, il s'écartait respectueusement de son chemin, dût-il pour cela se mettre les pieds dans les épines ou dans une ornière boueuse. «Je fais cela, disait-il, pour rendre hommage à notre sainte dame la Vierge Marie.» Rendons à l'espérance un hommage semblable: quand nous la rencontrons sous la forme du brin de blé qui perce le sillon, de l'oiseau qui couve et nourrit sa nichée, d'une pauvre bête blessée qui se ramasse, se relève et continue son chemin, d'un paysan qui laboure et ensemence un champ ravagé par l'inondation ou la grêle, d'une nation qui lentement répare ses pertes et panse ses blessures, sous n'importe quel extérieur humble et souffreteux, saluons-la! Quand nous la rencontrons dans les légendes, dans les chants naïfs, dans les simples croyances, saluons-la encore! car c'est la même toujours, l'indestructible, la fille immortelle de Dieu.

      Nous osons trop peu espérer. L'homme de ce temps a contracté des timidités étranges. La crainte que le ciel ne tombe, ce comble de l'absurdité dans la peur, selon nos ancêtres gaulois, est entrée dans nos cœurs. La goutte d'eau doute-t-elle de l'Océan? le rayon doute-t-il du soleil? Notre sagesse sénile a réalisé ce prodige. Elle ressemble à ces vieux pédagogues grognons, dont l'office principal consiste à rabrouer les joyeuses espiègleries ou les enthousiasmes juvéniles de leurs jeunes élèves. Il est temps de redevenir enfants, de réapprendre à joindre les mains et à ouvrir de grands yeux devant le mystère qui nous enveloppe, de nous souvenir que malgré notre savoir nous ne savons que peu de chose, que le monde est plus grand que notre cerveau et que c'est heureux, car s'il est si prodigieux il doit receler des ressources inconnues et on peut lui accorder quelque crédit sans se faire taxer d'imprévoyance. Ne le traitons pas comme des créanciers un débiteur insolvable. Il faut ranimer son courage et rallumer la sainte flamme de l'espérance. Puisque le soleil se lève encore, puisque la terre refleurit, puisque l'oiseau bâtit son nid, puisque la mère sourit à son enfant, ayons le courage d'être des hommes et remettons le reste à Celui qui a nombré les étoiles. Quant à moi, je voudrais pouvoir trouver des mots enflammés pour dire à quiconque se sent le cœur abattu en ce temps désabusé: relève ton courage, espère encore, celui-là est sûr de se tromper le moins qui a l'audace d'espérer le plus. La plus naïve espérance est plus près du vrai que le désespoir le plus raisonné.

      Une autre source de lumière sur le chemin de l'humanité est la bonté. Je ne suis pas de ceux qui croient à la perfection naturelle de l'homme et enseignent que la société le corrompt. De toutes les formes du mal celle qui m'effraie le plus est au contraire la forme héréditaire. Mais je me suis parfois demandé comment il se fait que ce vieux virus empoisonné des instincts vils, des vices inoculés dans le sang, tout l'amas des servitudes que nous lègue le passé, n'ait pas eu raison de nous. C'est sans doute qu'il y a autre chose. Cette autre chose est la bonté.

      Étant donné l'inconnu qui plane sur nos têtes, notre raison bornée, l'énigme angoissante et contradictoire des destinées, le mensonge, la haine, la corruption, la souffrance, la mort, que penser? que faire? À toutes ces questions réunies une voix grande et mystérieuse a répondu: Sois bon. Il faut bien que la bonté soit divine comme la confiance, comme l'espérance, puisqu'elle ne peut pas mourir, alors que tant de puissances lui sont contraires. Elle a contre elle la férocité native de ce qu'on pourrait appeler la bête dans l'homme; elle a contre elle la ruse, la force, l'intérêt, et surtout l'ingratitude. Pourquoi passe-t-elle blanche et intacte au milieu de ces ennemis sombres, comme le prophète de la légende sacrée au milieu des fauves rugissants?

      C'est parce que ses ennemis sont chose d'en bas et que la bonté est chose d'en haut. Les cornes, les dents, les griffes, les yeux pleins d'un feu meurtrier, ne peuvent rien contre l'aile rapide qui s'élance vers les hauteurs et leur échappe. Ainsi la bonté se dérobe aux entreprises de ses ennemis. Elle fait mieux encore, elle a connu quelquefois ce beau triomphe de gagner ses persécuteurs: elle a vu les fauves se calmer, se coucher à ses pieds, obéir à sa loi.

      Au cœur même de la foi chrétienne la doctrine la plus sublime et, pour qui sait en pénétrer le sens profond, la plus humaine est celle-ci: Pour sauver l'humanité perdue le Dieu invisible est venu demeurer parmi nous sous la forme d'un homme et il n'a voulu se faire connaître qu'à ce seul signe: La bonté.

      Réparatrice, consolatrice, douce au malheureux, au méchant même, la bonté dégage la lumière sous ses pas. Elle clarifie et simplifie. La part qu'elle a choisie est la plus modeste: bander les blessures, effacer les larmes, apaiser la misère, bercer les cœurs endoloris, pardonner, concilier. Mais c'est bien d'elle que nous avons le plus besoin. Aussi puisque nous songeons à la meilleure façon de rendre la pensée féconde, simple, vraiment conforme à notre destinée humaine, nous résumerons la méthode en ces mots: Aie confiance, espère et sois bon.

      Je ne veux décourager personne des hautes spéculations, ni dissuader qui que ce soit de se pencher sur les problèmes de l'inconnu, sur les vastes abîmes de la philosophie ou de la science. Mais il faudra toujours revenir, de ces lointains voyages, vers le point où nous sommes, et souvent même à la place où nous piétinons sans résultat apparent. Il est des conditions de vie et des complications sociales où le savant, le penseur et l'ignorant ne voient pas plus clair les uns que les autres. L'époque présente nous a souvent mis en face de ce genre de situations, et je garantis à celui qui voudra suivre notre méthode, qu'il reconnaîtra bientôt qu'elle a du bon.

      Comme j'ai, en tout ceci, côtoyé le terrain religieux, dans ce qu'il a de général du moins, on me demandera peut-être de dire en quelques mots simples quelle est la meilleure religion, et je m'empresse de m'expliquer sur ce sujet. Mais peut-être ne faudrait-il pas poser la question comme on le fait d'ordinaire, en demandant quelle est la meilleure religion? Les religions ont sans doute certains caractères précis, et des qualités ou des défauts qui sont inhérents à chacune. On peut donc à la rigueur les comparer entre elles; mais à cette comparaison se mêlent toujours des partis pris ou des partialités involontaires. Il vaut mieux poser la question autrement et demander: Ma religion est-elle bonne et à quoi puis-je reconnaître qu'elle est bonne? À cette question voici la réponse: Votre religion est bonne si elle est vivante et agissante; si elle nourrit en vous le sentiment de la valeur infinie de l'existence, la confiance, l'espoir et la bonté; et elle est l'alliée de la meilleure partie de vous-même contre la plus mauvaise, et vous fait apparaître sans cesse la nécessité de devenir un homme nouveau; si elle vous fait comprendre que la douleur est une libératrice; si elle augmente en vous le respect de la conscience des autres; si elle vous rend le pardon plus facile, le bonheur moins orgueilleux, le devoir plus cher, l'au-delà moins obscur. Si oui, votre religion est bonne, peu importe son nom. Quelque rudimentaire qu'elle soit, quand elle remplit cet office, elle procède de la source authentique, elle vous


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