Le parfum de la Dame en noir. Гастон Леру

Читать онлайн книгу.

Le parfum de la Dame en noir - Гастон Леру


Скачать книгу
qu'il me conta sans paraître du reste y prendre le moindre plaisir. Je n'étais guère à ce qu'il me disait. Ainsi arrivâmes-nous à Toulon.

      Quel voyage! Il eût pu être si beau! À l'ordinaire, c'était avec un enthousiasme toujours nouveau que je revoyais ce pays merveilleux, cette côte d'azur aperçue au réveil comme un coin de paradis après l'horrible départ de Paris, dans la neige, dans la pluie ou dans la boue, dans l'humidité, dans le noir, dans le sale! Avec quelle joie, le soir, je posais le pied sur les quais du prestigieux P.-L.-M, sûr de retrouver le glorieux ami qui m'attendrait, le lendemain matin, au bout de ces deux rails de fer: le soleil!

      À partir de Toulon, notre impatience devint extrême. À Cannes, nous ne fûmes point surpris du tout en apercevant sur le quai de la gare M. Darzac qui nous cherchait. Il avait été certainement touché par la dépêche que Rouletabille lui avait envoyée de Dijon, annonçant l'heure de notre arrivée à Menton. Arrivé lui-même avec Mme Darzac et M. Stangerson, la veille à dix heures du matin, à Menton, il avait dû repartir ce matin même de Menton et venir au- devant de nous jusqu'à Cannes, car nous pensions bien que, d'après sa dépêche, il avait des choses confidentielles à nous dire. Il avait la figure sombre et défaite. En le voyant, nous eûmes peur.

      «Un malheur?… interrogea Rouletabille.

      – Non, pas encore!… répondit-il.

      – Dieu soit loué! fit Rouletabille en soupirant, nous arrivons à temps…»

      M. Darzac dit simplement:

      «Merci d'être venus!»

      Et il nous serra la main en silence, nous entraînant dans notre compartiment, dans lequel il nous enferma, prenant soin de tirer les rideaux, ce qui nous isola complètement. Quand nous fûmes tout à fait chez nous et que le train se fût remis en marche, il parla enfin. Son émotion était telle que sa voix en tremblait.

      «Eh bien, fit-il, il n'est pas mort!

      – Nous nous en sommes bien doutés, interrompit Rouletabille.

      Mais, en êtes-vous sûr?

      – Je l'ai vu comme je vous vois.

      – Et Mme Darzac aussi l'a vu?

      – Hélas! Mais il faut tout tenter pour qu'elle arrive à croire à quelque illusion! Je ne tiens pas à ce qu'elle redevienne folle, la malheureuse!… Ah! mes amis, quelle fatalité nous poursuit!… Qu'est-ce que cet homme est revenu faire autour de nous?… Que nous veut-il encore?…»

      Je regardai Rouletabille. Il était alors encore plus sombre que M. Darzac. Le coup qu'il craignait l'avait frappé. Il en restait affalé dans son coin. Il y eut un silence entre nous trois, puis M. Darzac reprit:

      «Écoutez! Il faut que cet homme disparaisse!… Il le faut!… On le joindra, on lui demandera ce qu'il veut… et tout l'argent qu'il voudra, on le lui donnera… ou alors, je le tue! C'est simple!… Je crois que c'est ce qu'il y a de plus simple!… N'est-ce pas votre avis?…»

      Nous ne lui répondîmes point… Il paraissait trop à plaindre.

      Rouletabille, dominant son émotion par un effort visible, engagea M. Darzac à essayer de se calmer et à nous raconter par le menu tout ce qui s'était passé depuis son départ de Paris.

      Alors, il nous apprit que l'événement s'était produit à Bourg même, ainsi que nous l'avions pensé. Il faut que l'on sache que deux compartiments du wagon-lit avaient été loués par M. Darzac. Ces deux compartiments étaient reliés entre eux par un cabinet de toilette. Dans l'un on avait mis le sac de voyage et le nécessaire de toilette de Mme Darzac, dans l'autre, les petits bagages. C'est dans ce dernier compartiment que M. et Mme Darzac et le professeur Stangerson firent le voyage de Paris à Dijon. Là, tous trois étaient descendus et avaient dîné au buffet. Ils avaient le temps puisque, arrivés à six heures vingt-sept, M. Stangerson ne quittait Dijon qu'à sept heures huit et les Darzac à sept heures exactement.

      Le professeur avait fait ses adieux à sa fille et à son gendre sur le quai même de la gare, après le dîner. M. et Mme Darzac étaient montés dans leur compartiment (le compartiment aux petits bagages) et étaient restés à la fenêtre, s'entretenant avec le professeur, jusqu'au départ du train. Celui-ci était déjà en marche, quand le professeur Stangerson, sur le quai, faisait encore des signes amicaux à M. et Mme Darzac. De Dijon à Bourg, ni M. et Mme Darzac ne pénétrèrent dans le compartiment adjacent à celui dans lequel ils se tenaient et dans lequel se trouvait le sac de voyage de Mme Darzac. La portière de ce compartiment, donnant sur le couloir, avait été fermée à Paris, aussitôt le bagage de Mme Darzac déposé. Mais cette portière n'avait été fermée ni extérieurement à clef par l'employé, ni intérieurement au verrou par les Darzac. Le rideau de cette portière avait été tiré intérieurement sur la vitre, par les soins de Mme Darzac, de telle sorte que du corridor on ne pouvait rien voir de ce qui se passait dans le compartiment. Le rideau de la portière de l'autre compartiment où se tenaient les voyageurs n'avait pas été tiré. Tout ceci fut établi par Rouletabille grâce à un questionnaire très serré dans le détail duquel je n'entre point, mais dont je donne le résultat pour établir nettement les conditions extérieures du voyage des Darzac jusqu'à Bourg et de M. Stangerson jusqu'à Dijon.

      Arrivés à Bourg, les voyageurs apprenaient que, par suite d'un accident survenu sur la ligne de Culoz, le train se trouvait immobilisé pour une heure et demie en gare de Bourg. M. et Mme Darzac étaient alors descendus, s'étaient promenés un instant. M. Darzac, au cours de la conversation qu'il eut alors avec sa femme, s'était rappelé qu'il avait omis d'écrire quelques lettres pressantes avant leur départ. Tous deux étaient entrés au buffet. M. Darzac avait demandé qu'on lui remît ce qu'il fallait pour écrire. Mathilde s'était assise à ses côtés, puis elle s'était levée et avait dit à son mari qu'elle allait se promener devant la gare, faire un petit tour pendant qu'il finirait sa correspondance.

      «C'est cela, avait répondu M. Darzac. Aussitôt que j'aurai terminé, j'irai vous rejoindre.»

      Et, maintenant, je laisse la parole à M. Darzac:

      «J'avais fini d'écrire, nous dit-il, et je me levai pour aller rejoindre Mathilde quand je la vis arriver, affolée, dans le buffet. Aussitôt qu'elle m'aperçut, elle poussa un cri et se jeta dans mes bras. «Oh! mon Dieu! disait-elle. Oh! mon Dieu!» et elle ne pouvait pas dire autre chose. Elle tremblait horriblement. Je la rassurai, je lui dis qu'elle n'avait rien à craindre puisque j'étais là, et je lui demandai doucement, patiemment, quel avait été l'objet d'une aussi subite terreur. Je la fis asseoir, car elle ne se tenait plus sur ses jambes, et la suppliai de prendre quelque chose, mais elle me dit qu'il lui serait impossible d'absorber pour le moment même une goutte d'eau, et elle claquait des dents. Enfin, elle put parler et elle me raconta, en s'interrompant presque à chaque phrase et en regardant autour d'elle avec épouvante, qu'elle était allée se promener, comme elle me l'avait dit, devant la gare, mais qu'elle n'avait pas osé s'en éloigner, pensant que j'aurais bientôt fini d'écrire. Puis elle était rentrée dans la gare et était revenue sur le quai. Elle se dirigeait vers le buffet quand elle aperçut à travers les vitres éclairées du train, les employés des wagons-lits qui dressaient les couchettes dans un wagon à côté du nôtre. Elle songea tout à coup que son sac de nuit, dans lequel elle avait mis des bijoux, était resté ouvert et elle voulut immédiatement aller le fermer, non point qu'elle mît en doute la probité parfaite de ces honnêtes gens, mais par un geste de prudence tout naturel en voyage. Elle monta donc dans le wagon, se glissa dans le couloir et arriva à la portière du compartiment qu'elle s'était réservé, et dans lequel nous n'étions point entrés depuis notre départ de Paris. Elle ouvrit cette portière, et, aussitôt, elle poussa un horrible cri. Or ce cri ne fut pas entendu, car il n'était resté personne dans le wagon et un train passait dans ce moment, remplissant la gare de la clameur de sa locomotive. Qu'était-il donc arrivé? Cette chose inouïe, affolante, monstrueuse. Dans le compartiment, la petite porte ouvrant sur le cabinet de toilette était à demi tirée à l'intérieur de ce compartiment, s'offrant de biais au regard de la personne qui entrait dans le compartiment. Cette petite porte était ornée d'une glace. Or, dans la glace, Mathilde venait d'apercevoir la figure de Larsan! Elle se rejeta


Скачать книгу