Le Robinson suisse ou Histoire d'une famille suisse naufragée. Johann David Wyss

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Le Robinson suisse ou Histoire d'une famille suisse naufragée - Johann David Wyss


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Franz, sur le dos de l'âne, a côté du sac de ma femme; puis nous partîmes.

      Nous avions à peine fait deux cents pas, que le baudet se jeta de côté, échappant aux mains de mon fils, et se mit à bondir ça et là, en poussant des cris si grotesques, que nous n'aurions pu nous empêcher de rire si la crainte de voir tomber notre petit cavalier ne nous eût trop émus. Je lançai mes deux chiens après le fuyard, qu'ils nous ramenèrent bientôt, mais toujours aussi agité. Nous nous mîmes alors à chercher quel motif avait pu ainsi troubler notre grison, ordinairement si paisible, et nous découvrîmes enfin que les dards du porc-épic avaient percé la triple couverture qui les enveloppait et avaient fini par stimuler notre âne comme des coups d'éperon. Le sac enchanté remplaça la couverture, et le voyage reprit son cours.

      Fritz marchait en avant, le fusil armé à la main, espérant faire de nouveau quelque beau coup; mais nous arrivâmes sans autre rencontre aux arbres dont ma femme nous avait parlé.

      «Quelle merveille! s'écria alors Ernest. Comme ils sont grands!»

      La halte commença. Nous mîmes la volaille en liberté, le cochon aussi, mais avec les deux pieds de devant attachés. Tandis que j'aidais ma femme à décharger nos animaux, nous entendîmes un coup de fusil; puis un instant après, un second derrière nous, et la voix de Fritz qui criait: «Le voilà, le voilà! mon père, c'est un chat sauvage!

      —Bravo! lui répondis-je aussitôt que je le vis reparaître chargé de sa proie. Tu viens de rendre un grand service à notre poulailler; car c'est un animal bien dangereux et bien friand de volaille. Comment l'as-tu tué?

      —Je l'ai vu sur un arbre, et je l'ai abattu d'un coup de fusil; mais dans un clin d'œil il s'est relevé; et il s'apprêtait à s'élancer, quand je lui tirai un coup de pistolet à bout portant. J'espère qu'il est bien plus beau que le chacal que Jack m'a écorché, et que mon cher frère ne me l'arrangera pas de même.

      —Oui, c'est, je crois, un margaï d'Amérique; tu peux d'abord t'en faire une ceinture comme celle de Jack, et des quatre jambes des étuis pour les services de table.

      —Et moi, mon papa, interrompit alors Jack, ne puis-je rien faire de la peau du porc-épic?

      —Tu peux en faire aussi des étuis, car Fritz ne pourra nous en donner que quatre, et nous sommes six à table; mais je crois que tu feras mieux d'en faire une cotte de maille pour l'un de nos chiens.»

      Mes enfants trouvèrent mes idées si heureuses, qu'ils ne me laissèrent aucun repos jusqu'à ce qu'elles fussent mises en œuvre. Ernest, cependant, qui se reposait tandis que sa mère et le petit Franz s'évertuaient à nous préparer à dîner, me dit:

      «Mais enfin, mon père, de quelle espèce sont ces arbres?»

      Nous hésitions entre des mangliers et des noyers, quand ma femme s'aperçut que le petit Franz mangeait une espèce de fruits, et l'entendit dire: «Oh! que c'est bon!» Elle courut à lui, les lui arracha des mains, et lui demanda: «Où as-tu trouvé cela?

      —Dans l'herbe, répondit-il, c'en est rempli: les poules et les cochons en mangent.»

      J'accourus au bruit, et je vis alors que ces beaux arbres étaient des figuiers; car c'était la véritable figue que le petit Franz avait dans les mains.

      Cependant, craignant encore de me tromper sur la nature de ce fruit, j'ordonnai de consulter notre docteur le singe. On lui apporta quelques-unes des figues, qu'il flaira quelques instants avec des mines fort drôles, et qu'il finit par avaler de bon appétit. Ma femme avait allumé du feu et rempli la marmite d'eau, que la flamme avait bientôt fait bouillir. Nous y déposâmes un morceau de porc-épic, tandis qu'un autre fut mis à la broche. Nos regards se portèrent alors vers ces arbres où ma femme voulait établir notre demeure, et nous cherchâmes quelque moyen de parvenir à ces branches si élevées. Tandis que nous étions à nous consulter, ma femme nous appela pour manger la soupe et le rôti de porc-épic, dont nous nous régalâmes.

       Table des matières

       Table des matières

      Lorsque le repas fut terminé, je dis à ma femme: «Il faut songer à notre logement pour la nuit au pied de l'arbre, car nous ne pourrons pas nous y établir ce soir; occupe-toi aussi de préparer des courroies et des harnais, afin d'aider l'âne et la vache à transporter ici le bois nécessaire à nos constructions.»

      À l'aide d'une toile à voile posée au-dessus de l'enceinte formée par les racines de l'arbre, notre demeure provisoire fut facilement construite. Ensuite je pris avec moi Fritz et Ernest, et je me rendis au rivage pour tâcher d'y trouver du bois propre à former des échelons. Nous étions à la vérité environnés de branches de figuier sèches; mais je n'osais m'y fier, et je ne trouvais de bois vert nulle part dans le voisinage. La rive était couverte de bois échoué; mais il répondit fort mal à mon attente, et nous allions retourner sur nos pas, aussi peu avancés qu'auparavant, quand par bonheur Ernest découvrit à moitié ensevelis dans le sable une quantité de grands bambous. Aidé de mes enfants, je les dégageai de ce limon, et je les coupai en morceaux de quatre à cinq pieds de long, que je divisai ensuite en trois paquets pour pouvoir les porter plus aisément.

      J'aperçus dans le lointain un buisson vert dont je pensai que le bois pourrait m'être utile; nous nous mîmes donc en marche, nos armes toujours en état, suivant notre habitude, et précédés de Bill.

      Soudain la chienne s'élança en avant, et en quelques sauts pénétra dans le buisson, d'où nous vîmes sortir aussitôt une volée de flamants. Fritz, toujours enchanté de faire le coup de fusil, tira sur les traînards, et en abattit deux. L'un resta couché mort; mais l'autre, qui n'était que légèrement blessé à l'aile, se releva et se mit à courir de toute la vitesse de ses longues jambes. Mon fils, heureux de son adresse, courut pour ramasser le mort et s'enfonça dans la vase jusqu'aux genoux.

      Quant à moi, aidé de Bill, je m'élançai sur les traces du fuyard, que je finis par atteindre et dont je liai les ailes. Pendant ce temps, Ernest s'était tranquillement assis sur l'herbe, et attendait patiemment notre retour. Chargé de mon flamant, j'arrivai près de lui, et je fus presque abasourdi de ses cris de joie en voyant les belles couleurs rouges de cet oiseau. Il était temps de retourner au logis; mais je ne voulus pas quitter ce lieu sans couper deux roseaux de l'espèce dont se servent les sauvages pour faire leurs flèches, et je dis à mes enfants que c'était pour mesurer notre arbre géant. Ils se mirent à rire, prétendant que dix de ces roseaux attachés au bout l'un de l'autre ne pourraient seulement pas atteindre la plus basse branche. Je leur rappelai l'histoire des poulets, qu'ils déclaraient imprenables: et, sans leur en dire davantage, nous nous disposâmes à revenir au logis. Ernest se chargea de mes roseaux et de mon fusil; Fritz emporta son flamant mort, et moi je me chargeai du vivant. Mais à peine avions-nous fait quelques pas, que Fritz attacha son flamant sur le dos de Bill.

      «À merveille, mon fils! mais vas-tu donc ainsi marcher à ton aise, tandis que ton frère et moi nous sommes si péniblement chargés?»

      L'enfant comprit mes paroles, et me demanda à porter le flamant blessé. Je le lui passai, et nous continuâmes à marcher jusqu'au moment où nous arrivâmes près des bambous que nous avions laissés derrière nous.

      Je me chargeai de ces paquets, et c'est dans cet équipage que nous arrivâmes près des nôtres, qui nous accueillirent avec des cris de joie et d'admiration. On ne pouvait se lasser d'examiner le flamant,


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