Les Néo-Ruraux Tome 1: Le Berger. Wolfgang Bendick
Читать онлайн книгу.concernent des indications pratiques pour gérer des situations difficiles et peuvent également être consultés en se référant à l’annexe sur les mots clés à la fin de ce livre.
Le futur « néo-paysan » devrait lire ce livre un crayon de couleur à la main pour souligner tout ce qui lui saute aux yeux. Car nous avons fait de nombreuses choses de travers par ignorance. Et si nous parvenions à transmettre quelques expériences au lecteur et ainsi l’aider à éviter quelques erreurs, alors nos efforts seront récompensés une fois de plus !
Le rêveur peut se laisser porter par les événements merveilleux se déroulant dans une vallée reculée des Pyrénées, par la migration du peuple Hippie, qui a contribué à garder toute une région en vie et dont les idées sont devenues la base de notre quotidien.
EXPRESSO À PARIS
Ludwig était d’accord pour m’accompagner pendant un mois dans les Pyrénées et m’aider à rénover la maison. Nous avions décidé de partir le mardi. Mais nous nous rendîmes compte qu’il s’agissait du mardi gras. Nous trouvions trop risqué de partir ce jour-là, avec tous ces conducteurs éméchés qui se trouveraient alors sur la route. Nous décalâmes donc le départ d'un jour. Et c’était mieux ainsi, comme en témoignaient les nombreuses épaves de voitures sur le trajet !
Avec les affaires du déménagement dans le combi et la remorque, il n’était pas recommandé de traverser la Suisse, même si c’était le chemin le plus court. En longeant le Lac de Constance, nous arrivâmes dans la Forêt Noire. Le brouillard s’étendait dans les vallées et ne nous permettait pas d’avancer bien vite, en particulier parce que nous devions faire un grand détour pour éviter Schaffhausen, l’enclave suisse. Nous avions chargé au maximum notre combi à plateau Volkswagen, avec tout ce dont nous n’avions actuellement pas besoin chez nous. De plus, nous avions attaché une échelle en bois longue de six mètres sur la bâche, un cadeau de mon père, car mes parents avaient déménagé dans une maison de plain-pied. Derrière, dans la remorque, se trouvaient la motofaucheuse et le vieux treuil pour foin équipé de trois cent mètres de câble, recouverts d’autres appareils, le tout soigneusement arrimé par des cordes.
Nous traversâmes un petit village. « Regarde, là ! », s’écria Ludwig. « La boulangerie ? », rétorquai-je d’un air interrogateur. « J’ai passé la nuit du nouvel an précisément dans cette vitrine, ou plutôt sur son rebord ! » « Ce n’était pas vraiment le meilleur endroit ! » répondis-je. « Si, parce que de la grille qui se trouvait au sol juste devant, émanait de l’air chaud, sans doute parce qu’elle se trouvait au-dessus des fourneaux. » « Je peux m’imaginer quelque chose de mieux ! Tu revenais d’une fête, ou alors pourquoi... ? » « Non ! La fête battait son plein à la maison, et j’ai eu envie de boire un expresso à Paris, vite fait. Tu te souviens, nous y étions tous allés à l’époque, avec ton premier combi VW... Et du coup je me suis posté au bord de la route et j’ai tendu le pouce. À deux heures du matin j’étais ici. Et puis plus rien ! Lorsque la boulangerie a ouvert, j’ai acheté un petit pain chaud et je me suis posté de l’autre côté de la route ! »
À Huningue, nous sommes passés au-dessus du Rhin et voulûmes passer la frontière. Il y avait un gros chantier. Apparemment le poste de frontière était en train d’être modernisé pour la circulation des poids lourds. À force de panneaux de déviation et du brouillard, nous avions sûrement dû rater la douane et vîmes soudain le premier panneau d’une localité française au bord de la route. « Appuie sur le champignon et continue ! », suggéra Ludwig. « Évidemment ! Ça nous a évité des ennuis ! », acquiesçai-je.
Au bout de deux jours, nous arrivâmes au camping où nous attendait notre caravane. « Achetez, achetez ! », ainsi nous accueillit le propriétaire, « Le franc français a chuté, le mark allemand a pris de la valeur ! » Avait-il oublié que nous avions déjà acheté il y a deux semaines ? Nous nous procurâmes quelques bouteilles de vin rouge, du fromage et des baguettes et célébrâmes notre arrivée en France. Tôt le lendemain matin, nous nous rendîmes dans le village près duquel se trouvait notre ferme. J’étais impatient de pouvoir poser les pieds sur nos propres terres ! D’abord nous nous arrêtâmes à la maison où nous avions déposé nos affaires. Mais le cadenas n’était plus là et on pouvait entrer sans clé. Malgré la semi-obscurité, je remarquai que quelqu'un avait tout inspecté. J’espérais que personne ne s’était servi ! Nous voulions refermer la porte lorsqu'un jeune un peu rondouillard apparut devant nous. Il avait une tête ronde et les cheveux ébouriffés et fumait une cigarette avec ce tabac gris et puant, le ‘Caporal’, que tous les bergers semblaient fumer ici ! Il nous sourit et grommela des mots incompréhensibles. Personne ne savait donc parler français ici ? Si ! Lorsqu’il s’aperçut que nous ne comprenions pas, il répéta, de façon un peu plus claire : « Un sacré bazar, ce que vous avez là-dedans ! » Qu’entendait-il par ‘bazar’, peut-être les affaires que nous avions déposées ici ? Il avait donc été là-dedans ! Et l’ancien propriétaire de notre ferme à qui appartenait cette maison visiblement aussi, car c’est lui qui en avait la clé. Il valait mieux ne plus rien laisser ici et monter sans attendre tout ce que nous avions apporté avec nous jusqu’à la maison.
Nous avons laissé le type sur place et nous nous sommes mis en route. Le chemin ne s’était pas amélioré et Ludwig dût monter sur la barre de la remorque pour mettre du poids sur l’essieu arrière afin de parvenir à monter. Au croisement qui servait également à faire demi-tour, se trouvait évidemment déjà Fernand, le voisin, en bleu de travail. Il approchait les 80 ans. Est-ce qu’il se postait toujours ici ou bien avait-il déjà entendu nos roues patiner de loin lorsque nous montions la côte ? Il me salua comme une vieille connaissance. Ensemble, nous allâmes jusqu’au roncier à travers duquel nous traçâmes un sentier avec nos pieds pour accéder à la maison. Nous remarquâmes qu’une piste carrossable menait jusqu’ici, et même encore un peu plus loin. Je ne l’avais pas remarquée auparavant, certainement à cause de toutes les broussailles ! Il y avait même un endroit un peu plus large où nous pûmes ranger la remorque.
D’abord nous allâmes chercher une faux et un croissant de notre chargement pour couper les ronces les plus épaisses. À notre étonnement, nous trouvâmes sous les ronces un chemin creusé et pioché dans la pente, comme une rampe, qui menait au pré se trouvant sous la maison. Vers midi nous avions fauché un passage à travers les ronces sèches vieilles de plusieurs années. Nous étions sacrément crevés ! Mais au moins on y voyait plus clair maintenant ! Il y avait une bande d’accès d’environ 1,50 mètre de large pour accéder au pré. Le voisin qui ne nous avait pas lâchés d’une semelle pendant un bon moment, m’avait expliqué que l’ancien propriétaire y était une fois monté avec un petit tracteur tout-terrain, mais avait failli se renverser. Cette rampe nous semblait parfaite pour notre système de treuil-chariot.
Nous nous mîmes à monter vers la maison. « La baraque n’a pas l’air en aussi piteux état que tu me l’avais dit. Je m’étais imaginé une ruine, et ça c’est plutôt un château fort ! », me dit Ludwig. D’ici, le bâtiment avait l’air imposant avec sa face avant d’environ 25 mètres de long. « Attends d’être dedans ! », répondis-je. Plus nous nous approchions, plus on voyait que la dégradation était déjà bien avancée. Mais depuis notre première visite, rien n’avait changé. Nous dûmes enfoncer la porte avec force pour accéder à la cave. Cela était certainement lié au fait que les poutres qui formaient l’encadrement s’étaient légèrement affaissées au contact de l’humidité. En enlevant deux centimètres du bas de la porte à la tronçonneuse, on pourrait de nouveau l’ouvrir et la fermer correctement. En tout cas il faudrait en mettre une avec des vitres car au rez-de-chaussée, les fenêtres étaient minuscules. Un souffle froid nous frôla, légèrement rance, mais qui sentait surtout la suie. Après avoir jeté un coup d'œil à l’intérieur, nous nous assîmes contre le mur de pierres réchauffé par le soleil et cassâmes la croûte.
Au lieu de faire une sieste, nous redescendîmes et détachâmes notre chargement. En premier, nous descendîmes