Les grotesques de la musique. Hector Berlioz
Читать онлайн книгу.de donner le prix sans le connaître, et trouver aussitôt l'ouvrage charmant, et convenir que les couronnes de Taïti bien légères sont pourtant bien solides, plus solides que quantité de couronnes d'Europe.
Les juges des nations, aussi bien les arii5 que les boué-ratiras6, recommencer en descendant à parler de belle reine et de la médaille d'argent qu'elle pourra bientôt pendre à son cou; et chacun avouer qu'il voudrait bien être une heure ou deux à la place de la médaille. Très-bon pour belle Ouna-Aïmata que soit pas possible, car nous juges des nations tous bien laids.
Pas un tatoué, pas un comparable aux jeunes hommes de Bora-Bora, encore moins au grand, beau, quoique Français, capitaine, qui commandait le Protectorat il y a trois ans, et qui, convenez-en, protégeait si bien.
Adieu, Majesté gracieuse, les tititeou-teou7 de l'Exposition sont occupés déjà à faire la médaille d'argent, et jolie boîte pour l'enfermer, avec beaucoup gros longs cigares et deux paires de bas fins brodés d'or. Tout sera bientôt en route pour les îles.
Moi avoir voulu d'abord écrire à Ouna-Aïmata en kanak, mais ensuite pas oser, trop peu savant dans la douce langue, et écrire alors simplement en français comme il est parlé à la cour de Taïti.
Nos ioreana8 et nos bonnes amitiés aux amis Français du Protectorat; que rien ne trouble vos houpas-houpas9, et que le grand Oro10 vous délivre de tous les Pritchards. Je dépose deux respectueux comas11 sur vos fines mains royales, et suis, belle Aïmata, de Votre Majesté, le tititeou-teou,
Paris, le 18 octobre 1855.
P. S. J'ai oublié de dire à gracieuse Majesté que les bas brodés joints à la médaille et aux cigares peuvent se porter sur la tête.
Prudence et sagacité d'un Provincial. – L'orgue mélodium d'Alexandre
Un amateur, qui avait entendu louer en maint endroit les orgues mélodium d'Alexandre, voulut en offrir un à l'église du village qu'il habitait. «On prétend, se dit-il, que ces instruments ont des sons délicieux, dont le caractère à la fois rêveur et plein de mystère les rend propres surtout à l'expression des sentiments religieux; ils sont en outre d'un prix modéré; quiconque possède à peu près le mécanisme du clavier du piano peut en jouer sans difficulté. Cela ferait parfaitement mon affaire. Mais comme il ne faut jamais acheter chat en poche, allons à Paris et jugeons par nous-même de la valeur de ces éloges prodigués aux instruments d'Alexandre par la presse de toute l'Europe et même aussi par la presse américaine. Voyons, écoutons, essayons et nous achèterons après, s'il y a lieu.»
Ce prudent amateur vient à Paris, se fait indiquer le magasin d'Alexandre, et ne tarde pas à s'y présenter.
Pour comprendre ce qu'il y a de grotesque dans le parti qu'il crut devoir prendre après avoir examiné les orgues, il faut savoir que les instruments d'Alexandre, indépendamment du soufflet qui fait vibrer des anches de cuivre par un courant d'air, sont pourvus d'un système de marteaux destinés à frapper les anches et à les ébranler par la percussion au moment où le courant d'air vient se faire sentir. L'ébranlement causé par le coup de marteau rend plus prompte l'action du soufflet sur l'anche, et empêche ainsi le petit retard qui existerait sans cela dans l'émission du son. En outre l'effet des marteaux sur les anches de cuivre produit un petit bruit sec, imperceptible quand le soufflet est mis en jeu, mais qu'on entend assez distinctement de près quand on se borne à faire mouvoir les touches du clavier.
Ceci expliqué, suivons notre amateur dans le grand salon d'Alexandre au milieu de la population harmonieuse d'instruments qui y est exposée.
– Monsieur, je voudrais acheter un orgue.
– Monsieur, nous allons vous en faire entendre plusieurs, vous choisirez ensuite.
– Non, non, je ne veux pas qu'on me les fasse entendre. Le prestige de l'exécution de vos virtuoses peut et doit abuser l'auditeur sur les défauts des instruments et transformer quelquefois ces défauts en qualités. Je tiens à les essayer moi-même, sans être influencé par aucune observation. Permettez-moi de rester seul un instant dans votre magasin.
» – Qu'à cela ne tienne, monsieur, nous nous retirons; tous les mélodium sont ouverts; examinez-les.»
Là-dessus, M. Alexandre s'éloigne, l'amateur s'approche d'un orgue, et, sans se douter qu'il faut pour le faire parler agir avec les pieds sur le soufflet placé au-dessous de la caisse, promène ses mains sur le clavier, comme il eût fait pour essayer un piano.
Il est étonné de ne rien entendre d'abord, mais presque aussitôt son attention est attirée par le petit bruit sec du mécanisme de la percussion dont j'ai parlé: cli, cla, pic, pac, tong, ting; rien de plus. Il redouble d'énergie en attaquant les touches: cli, cla, pic, pac, tong, ting, toujours. «C'est à ne pas croire, dit-il; c'est ridicule! comment ferait-on entendre ce misérable instrument dans une église, si petite qu'on la suppose? Et on loue en tous lieux de pareilles machines, et M. Alexandre a fait fortune en les fabricant Voilà pourtant jusqu'où s'étend l'audace de la réclame, la mauvaise foi des rédacteurs de journaux.»
L'amateur indigné s'approche pourtant d'un autre orgue, de deux autres, de trois autres, pour l'acquit de sa conscience; mais, employant toujours le même moyen pour les essayer, il arrive toujours au même résultat. Toujours: cli, cla, pic, pac, tong, ting. Il se lève enfin, parfaitement édifié, prend son chapeau et se dirige vers la porte, quand M. Alexandre, qui avait tout vu de loin, accourant:
– Eh bien, monsieur, avez-vous fait un choix?
– Un choix! parbleu, vos annonces, vos réclames, vos médailles, vos prix, nous la donnent belle à nous autres provinciaux! vous nous croyez donc bien simples, pour oser nous offrir de si ridicules instruments! La première condition d'existence pour la musique, c'est de pouvoir être entendue! Or, vos prétendues orgues, que j'ai fort heureusement essayées moi-même, sont inférieures aux plus mesquines épinettes du siècle dernier, et n'ont littéralement aucun son, non monsieur, aucun son. Je ne suis ni sourd, ni sot.
Bonjour!
La Trompette marine. – Le Saxophone. – Les Savants en instrumentation
A chacune des représentations du Bourgeois gentilhomme, au Théâtre Français, le parterre commet une bévue dont les musiciens, s'il s'en trouve dans la salle, ne peuvent manquer de rire de tout leur cœur. A la première scène du deuxième acte, quand le maître de musique dit: «Il vous faudra trois voix, un dessus, une haute-contre, et une basse, qui seront accompagnées d'une basse de viole, d'un théorbe, et d'un clavecin pour les basses continues, avec deux dessus de violon pour jouer les ritournelles.»
Monsieur Jourdain répond: «Il y faudra mettre aussi une trompette marine. La trompette marine est un instrument qui me plaît, et qui est harmonieux.»
A ces mots de trompette marine, l'hilarité du parterre ne manque jamais de faire explosion. Il croit, ce brave parterre, que la trompette marine, instrument fort doux, formé d'une seule corde montée sur un chevalet et qu'on joue comme le violoncelle, est un horrible instrument à vent, une conque de triton, capable d'effaroucher les ânes. Il suppose que Molière a fait dire à M. Jourdain une colossale bêtise, quand il lui a prêté seulement une naïveté. Ce n'est pas plus absurde que si un monsieur Jourdain de nos jours disait en semblable circonstance: «Il y faudra mettre aussi une guitare. La guitare est un instrument qui me plaît et qui est harmonieux.»
Un Jupiter de la critique, attaquant dernièrement avec violence les admirables instruments de Sax, rangeait parmi les plus formidables, les plus propres à déchirer l'oreille, le Saxophone, instrument à anche d'un timbre voilé, délicieux, qu'il confondait avec les sax-horns, instruments de
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Les chefs.
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Les cultivateurs, les propriétaires.
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Serviteurs.
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Salutations, bonjour.
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Menus plaisirs.
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Dieu.
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Baisers.