Œuvres complètes de lord Byron, Tome 10. George Gordon Byron

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Œuvres complètes de lord Byron, Tome 10 - George Gordon  Byron


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guère s'en dispenser décemment, le prince régent lui ayant fait l'honneur de lui dire qu'il espérait bientôt le voir à Carlton-House.»

      Il va, dans les deux lettres suivantes, vous raconter lui-même sa présentation.

      LETTRE XCIV

À LORD HOLLAND

      Cher Milord,

      Je dois vous paraître bien ingrat, et j'ai été en effet bien négligent, mais je n'ai appris qu'hier soir que milady était hors de danger; je me présenterai demain, et j'aurai, j'espère, la satisfaction d'apprendre qu'elle est tout-à-fait bien. J'ose croire que ni la politique ni la goutte n'ont assailli votre seigneurie depuis que je ne vous ai vu, et que vous vous portez aussi bien qu'on puisse le souhaiter.

»L'autre soir, à un bal, j'ai été présenté, par ordre, à notre gracieux régent, qui m'a fait l'honneur de causer quelque tems avec moi, et qui a professé beaucoup de goût pour la poésie. Je confesse que c'était là un honneur tout-à-fait inattendu; je songeais à l'aventure de ce pauvre B***, et je craignais de tomber moi-même dans une pareille bévue. J'ai maintenant bon espoir, si M. Pye venait à mourir, de chansonner la vérité à la cour, comme M. Mallet, d'insignifiante mémoire. Songez un peu, cent marcs par an 21, outre le vin et l'infamie. Mais alors le remords me forcerait à me noyer dans ma botte de vin, ayant la fin de l'année, ou celle de mon premier dithyrambe. – De sorte que, tout bien considéré, je ne conspirerai contre l'existence de notre lauréat, ni par la plume ni par le poison.

      »Voulez-vous présenter mes très-humbles respects à lady Holland, et me croire toujours bien sincèrement, etc.»

Note 21: (retour) Le marc représente 8 onces, comme moitié de l'ancienne livre française et normande de 16 onces, ou seulement 6 onces, comme moitié de la livre anglaise de 12 onces. Dans le premier cas, 100 marcs représenteront en nombre rond 2,200 fr.; et dans le second, 1,600 fr. – Le poète lauréat, ou poète de la cour, est actuellement M. Southey.(N. du Tr.)

      La seconde lettre donne plus de détails sur cette entrevue avec le prince régent; c'est, comme on le verra, une réponse à sir Walter-Scott: elle fait peut-être plus d'honneur encore au souverain lui-même qu'aux deux poètes.

      LETTRE XCV

À SIR WALTER-SCOTT, BARONET

      6 juillet 1812.

      Monsieur,

      «Je viens d'avoir l'honneur de recevoir votre lettre: je suis fâché que vous ayez cru devoir faire la moindre attention aux méchans ouvrages de ma jeunesse, puisque j'ai supprimé tout cela volontairement; votre explication est pleine de trop de bienveillance pour ne m'avoir pas fait beaucoup de peine. La satire a été écrite quand j'étais fort jeune, fort irascible, ne cherchant qu'à montrer mon ressentiment et mon esprit, et maintenant je suis assailli par le remords de tout ce que j'ai dit alors. Je ne saurais vous remercier assez des éloges que vous voulez bien me donner; mais cessons de nous occuper de moi, et parlons un peu du prince régent. Il ordonna que l'on me présentât à lui dans un bal: après quelques mots extrêmement flatteurs sur mes propres essais, il me parla de vous et de vos ouvrages immortels. Il me dit qu'il vous préférait à tous les poètes passés et présens, et me demanda lequel de vos poèmes j'aimais le mieux. La question était embarrassante: je répondis que c'était le Lay du dernier Ménestrel; il me dit qu'il n'était pas éloigné de partager mon opinion. J'ajoutai que vous me paraissiez essentiellement le poète des princes, et que nulle part ils n'étaient peints d'une manière aussi séduisante que dans votre Marmion et votre Dame du Lac: il eut la bonté d'approuver encore cette idée et de s'étendre beaucoup sur vos Portraits des Jacques, qu'il trouve aussi majestueux que poétiques. Il parla alternativement d'Homère et de vous, et parut bien vous connaître tous deux, en sorte qu'excepté les Turcs et votre serviteur, vous étiez en très-bonne compagnie. Je défie Murray lui-même de pouvoir exagérer, dans un prospectus, l'opinion que son altesse royale exprima sur votre génie, et je ne prétends pas énumérer tout ce qu'il dit sur ce sujet; mais il vous sera peut-être agréable de savoir que tout cela fut dit d'un langage qui perdrait beaucoup si je m'avisais de vouloir le transcrire ici, avec un ton et un goût qui me laissèrent la plus haute idée des talens naturels et acquis d'un prince auquel je ne supposais jusqu'alors que cette exquise politesse de manières qui le rend certainement supérieur à aucun gentleman vivant.

      »Cette entrevue fut accidentelle. Je n'ai jamais été à un lever; car la vue des cours catholiques et musulmanes a singulièrement diminué ma curiosité, et mes principes politiques étant aussi mauvais que mes vers, je n'y avais réellement rien à faire. Il doit vous paraître infiniment flatteur de vous voir ainsi apprécié par notre souverain, et si ce plaisir ne perd rien en passant par mon canal, je m'estimerai bien heureux.

      »Je suis très-sincèrement, votre très-humble et très-obéissant serviteur,

      BYRON.

      »Excusez ce griffonnage, écrit à la hâte et au retour d'un petit voyage.»

Pendant cet été (1812), il alla passer quelque tems à la campagne chez quelques-uns de ses nobles amis, entre autres, chez lord Jersey et le marquis de Lansdowne. «En 1812, dit-il, à Middleton, se trouvaient chez lord Jersey, au milieu d'une brillante assemblée de lords, de ladies et d'hommes de lettres 22 ***… Erskine y était, le bon, mais insupportable Erskine. Il plaisanta, il parla, il fit très-bien, mais il voulait qu'on l'applaudît deux fois pour la même chose. Il lisait ses vers; ses articles, racontait son histoire deux et trois fois, et puis le Jugement par jury!!! J'aurais presque désiré qu'il fût aboli, car j'étais assis près d'Erskine à dîner. J'avais lu ses discours imprimés, je n'avais donc pas besoin qu'il me les récitât de nouveau.»

Note 22: (retour) Ici se trouve une revue des visiteurs, trop critique pour que nous la rapportions.(Note de Moore.)

C***, le chasseur de renard, surnommé Cheek C***, et moi sablâmes le Bordeaux, et fûmes les seuls qui en prîmes. C*** aime la bouteille, et ne s'attendait pas à trouver un bon vivant dans un rimailleur 23. Aussi, faisant mon éloge un certain soir à quelqu'un, il le résuma en ces mots: Il boit, par Dieu, comme un homme!

Note 23: (retour) Pendant les deux ou trois premiers jours, il n'avait joint la compagnie à Middleton qu'après le dîner, se contentant de prendre dans sa chambre son léger repas de biscuits et de soda-water. Quelqu'un lui ayant dit que M. C*** avait qualifié de telles habitudes d'efféminées, il résolut de prouver au chasseur de renard qu'il pouvait dans l'occasion se montrer aussi bon vivant que lui; et par ses prouesses le lendemain au Bordeaux, lui arracha le pompeux éloge cité plus haut.

»Personne ne but, excepté C*** et moi. À vrai dire, nous n'avions pas besoin d'assistans, car nous fîmes disparaître tout ce qui avait été mis sur la table assez facilement; et l'on peut supposer qu'elle était bien garnie chez Jersey. Du reste, nous portâmes notre vin très-discrètement 24

Note 24: (retour) L'un des principaux personnages de Wawerley, premier roman publié par sir Walter-Scott.

      Au mois d'août de cette même année, le comité de direction de Drury-Lane désirant un prologue pour l'ouverture du théâtre, prit le singulier parti d'annoncer dans les journaux, un concours à cet effet, auquel il appela tous les poètes de l'époque. Bien que les discours arrivassent en assez bon nombre, aucun ne parut au comité digne de fixer son choix. Dans cet embarras, l'idée vint à lord Holland qu'ils ne pouvaient mieux faire que d'avoir recours à Lord Byron, dont la popularité donnerait encore plus de vogue à la solennité de la réinstallation, et dont la supériorité, incontestable, à ce qu'il croyait, quoique l'événement ait prouvé le contraire, forcerait tous les candidats rejetés à se soumettre sans murmurer. La lettre suivante est le premier résultat de la demande faite à ce sujet au noble poète.

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