Oliver Twist. Dickens Charles

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Oliver Twist - Dickens Charles


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ce qu'on l'adoptât; cet obstacle n'était autre que l'antipathie violente et profondément enracinée du Matois, de Charlot Bates, de Fagin et de M. Guillaume Sikes pour le bureau de police, et la répulsion qu'ils éprouvaient à aller rôder aux alentours sous n'importe quel motif.

      Il serait difficile de dire combien de temps ils restèrent sans parler, à se regarder les uns les autres, dans un état d'indécision qui n'avait rien d'agréable; au reste, il serait superflu de faire aucune supposition à cet égard: car l'arrivée soudaine des deux jeunes femmes qu'Olivier avait vues précédemment fit reprendre le cours de la conversation.

      «Voilà bien l'affaire! dit le juif. Betty ira: n'est-ce pas, ma chère?

      – Où? demanda la jeune dame.

      – Rien qu'au bureau de police, ma chère Betty, dit le juif d'une voix caressante.

      Il faut rendre à la jeune dame cette justice qu'elle ne refusa pas positivement d'y aller, mais qu'elle se borna à déclarer nettement qu'elle aimerait mieux aller au diable; manière polie et délicate d'éluder la demande, et qui atteste chez la jeune dame ce sentiment exquis des convenances qui nous fait éviter de contrarier notre prochain par un refus direct et formel.

      La figure du juif s'assombrit; il ne s'adressa plus à Betty, qui avait une toilette éclatante, pour ne pas dire splendide, une robe rouge, des bottines vertes et des papillotes jaunes, mais à sa compagne.

      «Et vous, Nancy? dit-il d'un air engageant; qu'en dites-vous, ma chère?

      – Que ça ne prend pas avec moi, répondit-elle; ainsi, Fagin, inutile d'insister.

      – Qu'est-ce que ça veut dire? fit M. Sikes en la regardant d'un air sombre.

      – C'est comme je le dis, Guillaume, répondit tranquillement la dame.

      – Bah! tu es justement la personne qui convient, reprit Sikes; personne ne te connaît dans le quartier.

      – Et comme je ne me soucie pas qu'on m'y connaisse, répondit Nancy avec le même calme, je refuse net, Guillaume.

      – Elle ira, Fagin, dit Sikes.

      – Non, Fagin, elle n'ira pas, s'écria Nancy.

      – Si fait, Fagin, elle ira,» répéta Sikes.

      M. Sikes avait raison. À force de menaces, de promesses, de cajoleries, on obtint enfin de Nancy qu'elle se chargerait de la commission. Du reste, elle n'était pas retenue par les mêmes considérations que son aimable compagne: car ayant quitté depuis peu le faubourg éloigné mais élégant de Ratcliffe, pour venir habiter dans les environs de Field-Lane, elle n'avait pas à craindre, comme Betty, d'être rencontrée par quelqu'une de ses nombreuses connaissances.

      En conséquence, après avoir noué autour de sa taille un tablier blanc, et relevé ses papillotes sous un chapeau de paille, articles de toilette tirés de l'inépuisable magasin du juif, Mlle Nancy se prépara à sortir pour s'acquitter de sa mission.

      «Un instant, ma chère, dit le juif en lui présentant un petit panier couvert; tiens ça à la main; ça te donnera un air plus respectable.

      – Donnez-lui aussi une grosse clef, Fagin, dit Sikes; ça aura l'air encore plus naturel.

      – Oui, oui, vous avez raison, dit le juif en passant au doigt de la jeune femme un gros passe-partout; là, c'est parfait. C'est à merveille, ma chère, ajouta-t-il en se frottant les mains.

      – Oh! mon frère mon pauvre cher petit frère! s'écria Nancy fondant en larmes, et tenant d'une main crispée son panier et sa clef comme une femme au désespoir, qu'est-il devenu? qu'en a-t'on fait? Oh! je vous en supplie, messieurs, ayez pitié de moi; dites-moi où est ce cher enfant, messieurs. Je vous en supplie, mes bons messieurs.»

      Après avoir prononcé ces mots d'une voix lamentable et déchirant, à la grande réjouissance des assistants, Mlle Nancy se tut, cligna des yeux, salua la compagnie en souriant et disparut.

      «Ah! voilà une fameuse fille, mes amis! dit le juif en s'adressant aux jeunes filous et en secouant gravement la tête, comme pour les inviter, par cette nouvelle admonition, à suivre l'illustre exemple qu'ils venaient d'avoir sous les yeux.

      – Elle fait honneur à son sexe, dit M. Sikes en remplissant son verre et en frappant la table de son énorme poignet. À sa santé! et puissent les autres lui ressembler!»

      Tandis qu'on se répandait ainsi en éloges sur Nancy, la perle des femmes, celle-ci se rendait au bureau de police, et elle y arrivait bientôt saine et sauve, non sans avoir éprouvé ce sentiment de timidité naturel à une jeune femme qui se trouve dans les rues seule et sans protection.

      Elle entra par derrière, donna un petit coup de clef à la porte d'une des cellules, et prêta l'oreille. Elle n'entendit rien; alors elle toussa et se remit à écouter; comme on ne lui répondait pas davantage, elle se décida à parler. «Olivier! murmura-t-elle doucement; mon petit Olivier!

      Il n'y avait dans la cellule qu'un misérable va-nu-pieds qui avait été arrêté pour avoir commis le crime de jouer de la flûte sans patente, et qui, une fois son attentat contre la société clairement prouvé, avait été bel et bien condamné par M. Fang à un mois d'emprisonnement dans une maison de correction; M. Fang avait ajouté cette remarque plaisante et pleine d'à-propos, que, puisqu'il avait de si bons poumons, il lui serait bien plus salutaire de les dépenser à tourner le moulin qu'à souffler dans une flûte. Le prisonnier, tout entier aux regrets que lui inspirait la perte de sa flûte, confisquée au profit de l'état, ne répondit pas à Nancy; elle passa à la cellule suivante et frappa à la porte.

      «Qu'est-ce? demanda une voix faible, et tremblante.

      – Y a-t-il là un petit garçon? dit Nancy d'un ton larmoyant.

      – Non, répondit la voix; que Dieu l'en préserve!

      Celui qui parlait ainsi était un vagabond de soixante-cinq ans, qu'on avait mis en prison pour n'avoir pas joué de la flûte, ou, en d'autres termes, pour avoir mendié dans la rue au lieu de faire quelque chose pour gagner sa vie. Dans la troisième cellule était un autre individu, condamné aussi à l'emprisonnement pour avoir vendu des casseroles sans permis, et pour avoir par conséquent cherché à gagner sa vie au détriment du timbre.

      Comme aucun de ces criminels ne répondait au nom d'Olivier, ni ne pouvait en donner des nouvelles, Nancy alla droit à l'agent de police au gilet rayé dont nous avons déjà parlé, et, avec des sanglots et des lamentations dont elle augmentait l'effet en agitant sa clef et son panier, elle réclama son cher petit frère.

      «Il n'est pas ici, ma chère, dit l'agent.

      – Où est-il? s'écria Nancy d'un air égaré.

      – Le monsieur l'a emmené, répondit l'agent.

      – Quel monsieur? Oh! mon Dieu! mon Dieu! Quel monsieur?» cria Nancy.

      Pour répondre à ces questions incohérentes, l'agent informa la pauvre soeur éplorée qu'Olivier était tombé évanoui dans le bureau de police, qu'il avait été renvoyé de la plainte parce qu'un témoin avait prouvé que le vol avait été commis par un autre, et qu'il avait été emmené sans connaissance, par le plaignant, à la maison de ce dernier, qui devait être du côté de Pentonville; car ce nom avait été prononcé en donnant l'adresse au cocher.

      La jeune femme, dans un état affreux d'anxiété, regagna la porte en chancelant. Puis tout à coup, prenant sa course, elle revint à la demeure du juif par le chemin le plus détourné.

      M. Guillaume Sikes n'eut pas plutôt connu le résultat de la démarche de Nancy, qu'il appela vite son chien, mit son chapeau, et sortit précipitamment sans perdre son temps à dire adieu à la compagnie.

      «Il faut que nous sachions où il est, mes amis; il faut le retrouver, dit le juif avec émotion; Charlot, tu vas aller partout à la découverte, jusqu'à ce que tu en rapportes des nouvelles. Nancy, ma chère, il faut qu'on me le trouve; je m'en rapporte à toi, à toi et au Matois, sur la marche à suivre. Attendez, attendez, ajouta-t-il en ouvrant un tiroir d'une main tremblante; voici de l'argent, mes amis.


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