Le grillon du foyer. Dickens Charles

Читать онлайн книгу.

Le grillon du foyer - Dickens Charles


Скачать книгу
des roues d'une voiture, du trépignement d'un cheval, de la voix d'un homme, des allées et venues d'un chien surexcité, et de la surprenante et mystérieuse apparition d'un baby.

      D'où venait ce baby, et comment mistress Peerybingle s'en empara- t-elle en un clin d'oeil, je ne sais. Mais c'était un enfant vivant dans les bras de mistress Peerybingle; et elle semblait en être fière, pendant qu'elle était doucement attirée vers le feu par un homme grand et robuste, beaucoup plus grand et plus âgé qu'elle, qui se baissa pour l'embrasser.

      – Oh! mon Dieu, John! dit mistress Peerybingle. Dans quel état vous êtes avec ce mauvais temps!

      Il était vraiment dans un état pitoyable. L'épais brouillard avait déposé sur ses cils un chapelet de gouttes d'eau congelées; et ses favoris imprégnés d'humidité brillaient à la clarté du foyer des couleurs de l'arc-en-ciel.

      – En effet, Dot, répondit John lentement, en déroulant le fichu qui lui entourait le cou et en se chauffant les mains, ce n'est pas un temps d'été. Il n'y a rien d'étonnant que je sois ainsi fait.

      – Je ne voudrais pas m'entendre appeler Dot, John. Je n'aime pas ce nom. Et la moue de Mistress Peerybingle semblait dire qu'elle l'aimait beaucoup.

      – Qu'êtes-vous donc? répondit John en la regardant de son haut avec un sourire, et en l'étreignant avec autant de délicatesse que pouvaient le faire sa large main et son robuste bras.

      Ce brave John était si lourd mais si doux, si grossier à la surface et si sensible au fond du coeur, si massif en dehors, mais si vif au dedans; si borné, mais si bon! Ô mère Nature, donne à tes enfants cette poésie de coeur qui se cachait dans le sein de ce pauvre voiturier, ce n'était qu'un voiturier, et quoiqu'ils parlent en prose, quoiqu'ils vivent en prose, nous te remercions de nous faire vivre dans leur compagnie.

      On aurait eu plaisir à voir Dot avec sa petite figure et son baby dans ses bras, une vraie poupée que ce baby; elle regardait le feu d'un air pensif, et inclinait sa petite tête délicate sur le côté du grand et robuste voiturier, avec une grâce demi naturelle, demi affectée. On aurait eu plaisir à voir celui-ci la soutenir avec une tendre gaucherie, et faisant de son âge mûr un soutien pour la jeunesse de sa femme. On aurait eu plaisir à voir la servante Tilly Slowbody, attendant qu'on la chargeât du soin du baby, regarder ce groupe d'un air d'intérêt, les yeux et la bouche ouverts, et la tête en avant. Ce n'était pas moins agréable de voir John le voiturier, sur une observation de Dot, retenir sa main qui était sur le point de toucher l'enfant, comme s'il craignait de le briser, et se contentant de le regarder à distance avec orgueil; tel qu'un gros chien ferait vis-à-vis d'un canari, s'il arrivait qu'il en fût le père.

      – N'est-ce pas qu'il est beau John? Comme il est joli quand il dort.

      – Bien joli, dit John, très joli. Il dort presque toujours, n'est-ce pas?

      – Mon Dieu, non, John.

      – Oh! dit John d'un air réfléchi. Je croyais qu'il avait généralement les yeux fermés.

      – Bonté de Dieu. John, vous l'éveillez.

      – Voyez comme il les tourne, dit le voiturier étonné, et sa bouche, il l'ouvre et la ferme comme un poisson doré.

      – Vous ne méritez pas d'être père, dit Dot, avec toute la dignité d'une matrone expérimentée. Mais comment sauriez-vous combien il en faut peu pour troubler les enfants, John? et elle coucha l'enfant sur son bras gauche, en lui frappant doucement le dos de la main droite, après avoir pincé l'oreille de son mari en riant.

      – C'est vrai, Dot, dit John: je n'en sais pas grand chose. Pour ce que je sais c'est que j'ai joliment lutté avec le vent ce soir. Il soufflait du nord-ouest, droit contre la voiture, tout le long du chemin en revenant.

      – Pauvre vieux, vraiment! s'écria mistress Peerybingle en reprenant son activité. Tenez. Tilly, prenez mon précieux fardeau, pendant que je vais tâcher de me rendre utile. Je crois que je l'étoufferais de baisers. À bas! Boxer, à bas! John, laissez-moi faire le thé, et puis je me mettrai à travailler comme une abeille.

       Comment fait la petite abeille?

      vous avez appris la chanson quand vous alliez à l'école, John!

      – Je ne la sais pas toute, répondit John. J'étais sur le point de la savoir toute; mais je l'aurais gâtée je crois.

      – Ha! ha! dit Dot en riant, et elle avait le plus joli rire que vous ayez entendu. Quel cher vieux lourdaud vous faites, John.

      Sans contester cette assertion, John sortit pour veiller à ce que le valet de ferme, qui allait et venait dans la cour avec sa lanterne, comme un feu follet, prît bien soin du cheval, lequel était plus gras que vous ne voudriez le croire, si je vous donnais la mesure, et si vieux que le jour de la naissance se perdait dans les ténèbres de l'antiquité. Boxer, pensant que ses attentions étaient dues à toute la famille, et devaient être distribuées avec impartialité courait çà et là avec une agitation étonnante; tantôt il décrivait des cercles en aboyant autour du cheval, pendant qu'on le menait à l'écurie; tantôt il feignait de s'élancer comme un furieux sur sa maîtresse, et puis il s'arrêtait tout à coup, tantôt approchant son nez humide il faisait un baiser à Tilly Slowbody assise sur une chaise basse près du feu; tantôt il montrait une amitié incommode pour le baby, tantôt après plusieurs tours sur lui-même il se couchait près du foyer, comme s'il allait s'établir là pour la nuit; tantôt il s'élançait dans la cour en agitant son tronçon de queue, comme s'il allait remplir une commission dont il se souvenait à l'instant.

      – Voilà la théière toute prête sur la table, dit Dot, aussi occupée qu'une petite fille qui joue au ménage. Voici le jambon, voilà le beurre, voilà le pain et le reste. Tenez, John, voilà un panier pour mettre les petits paquets, si vous en avez… Mais où êtes-vous. John! Tilly, ne laissez pas tomber l'enfant dans le cendrier, quoi que vous fassiez.

      Il faut noter que miss Slowbody, quoique cette recommandation la fît regimber, avait un talent rare et surprenant pour mettre en danger la vie de cet enfant. Elle était maigre et petite de taille, de sorte que ses vêtements avaient toujours l'air de l'abandonner. Comme tout excitait son admiration, et principalement les bonnes qualités de sa maîtresse, et les perfections de l'enfant, les bévues de miss Slowbody faisaient honneur à son coeur, si elles n'en faisaient pas à son esprit. Si elle mettait la tête de baby trop souvent en contact avec les portes d'armoires, les rampes d'escalier, ou les colonnes de lit, c'est qu'elle ne pouvait pas revenir de sa surprise d'être si bien traitée dans la maison où elle était. Il faut savoir que le père et la mère Slowbody étaient des êtres parfaitement inconnus, et que Tilly avait été nourrie et élevée à l'hospice. L'on sait que les enfants trouvés ne sont pas des enfants gâtés.

      Si vous aviez vu la petite mistress Peerybingle revenir avec son mari, faisant de grands efforts pour soutenir les corbeilles, efforts parfaitement inutiles, car son mari la portait à lui tout seul, vous vous seriez bien amusé, et il s'amusait bien aussi. Je ne sais si le Grillon n'y trouvait pas également du plaisir, car il se mit à chanter de plus belle.

      – Ah! ah! dit John, en s'avançant lentement; il est plus gai que jamais ce soir.

      – C'est un heureux présage, John: cela a toujours été. Il n'y a rien de plus fait pour porter bonheur que d'avoir un grillon dons le foyer.

      John la regarda comme si ses paroles faisaient naître dans sa tête la pensée que c'était elle qui était son grillon qui porte bonheur, et tout en convenant avec elle de l'heureux présage du Grillon, il n'expliqua pas davantage sa pensée.

      – La première fois que j'ai entendu son chant, dit-elle, c'est le soir que vous m'amenâtes ici, que vous vîntes m'installer ici avec vous dans ma nouvelle maison, dont vous me faisiez la petite maîtresse. Il y a près d'un an de cela. Vous en souvenez-vous, John.

      Oh oui. John s'en souvenait bien, je pense.

      – Le chant du Grillon me souhaita la bienvenue. Il semblait si plein de promesses et d'encouragements. Il semblait me dire que vous seriez bon et gentil avec moi; que vous ne vous attendiez pas – je le craignais, John – à


Скачать книгу