Les grandes espérances. Чарльз Диккенс

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Les grandes espérances - Чарльз Диккенс


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il me répondit:

      «Moi de même.»

      En arrivant dans la cour, je trouvai Estelle, attendant avec ses clefs; mais elle ne me demanda ni où j'avais été, ni pourquoi je l'avais fait attendre. Son visage rayonnait comme s'il lui était arrivé quelque chose d'heureux. Au lieu d'aller droit à la porte, elle s'arrêta dans le passage pour m'attendre.

      «Viens ici!.. tu peux m'embrasser si tu veux.»

      Je l'embrassai sur la joue qu'elle me tendait. Je crois que je serais passé dans le feu pour l'embrasser; mais je sentais que ce baiser n'était accordé à un pauvre diable tel que moi que comme une menue pièce de monnaie, et qu'il ne valait pas grand'chose.

      Les visiteurs, les cartes et le combat m'avaient retenu si longtemps que, lorsque j'approchai de la maison, les dernières lueurs du soleil disparaissaient derrière les marais, et le fourneau de Joe faisait flamboyer une longue trace de feu au travers de la route.

      CHAPITRE XII

      Je n'étais pas fort rassuré sur le compte du jeune homme pâle. Plus je pensais au combat, plus je me rappelais les traits ensanglantés de ce jeune homme, plus je sentais qu'il devait m'être fait quelque chose pour l'avoir mis dans cet état. Le sang de ce jeune homme retomberait sur ma tête, et la loi le vengerait. Sans avoir une idée bien positive de la peine que j'encourais, il était évident pour moi que les jeunes gars du village ne devaient pas aller dans les environs ravager les maisons des gens bien posés et rosser les jeunes gens studieux de l'Angleterre sans attirer sur eux quelque punition sévère. Pendant plusieurs jours, je restai enfermé à la maison, et je ne sortis de la cuisine qu'après m'être assuré que les policemen du comté n'étaient pas à mes trousses, tout prêts à s'élancer sur moi. Le nez du jeune homme pâle avait tâché mon pantalon, et je profitai du silence de la nuit pour laver cette preuve de mon crime. Je m'étais écorché les doigts contre les dents du jeune homme, et je torturais mon imagination de mille manières pour trouver un moyen d'expliquer cette circonstance accablante quand je serais appelé devant les juges.

      Quand vint le jour de retourner au lieu témoin de mes actes de violence, me terreurs ne connurent plus de bornes. Les envoyés de la justice venus de Londres tout exprès ne seraient-ils pas en embuscade derrière la porte? Miss Havisham ne voudrait-elle pas elle-même tirer vengeance d'un crime commis dans sa maison, et n'allait-elle pas se lever sur moi, armée d'un pistolet et m'étendre mort à ses pieds? N'aurait-on pas soudoyé une bande de mercenaires pour tomber sur moi dans la brasserie et me frapper jusqu'à la mort? J'avais, je dois le dire, une assez haute opinion du jeune homme pâle pour le croire étranger à toutes ces machinations; elles se présentaient à mon esprit, ourdies par ses parents, indignés de l'état de son visage et excités par leur grand amour pour ses traits de famille.

      Quoi qu'il en soit, je devais aller chez miss Havisham, et j'y allai. Chose étrange! rien de notre lutte n'avait transpiré, on n'y fit pas la moindre allusion, et je n'aperçus pas le plus petit homme, jeune ou pâle! Je retrouvai la même porte ouverte, j'explorai le même jardin, je regardai par la même fenêtre, mais mon regard se trouva arrêté par des volets fermés intérieurement. Tout était calme et inanimé. Ce fut seulement dans le coin où avait eu lieu le combat que je pus découvrir quelques preuves de l'existence du jeune homme; il y avait là des traces de sang figé, et je les couvris de terre pour les dérober aux yeux des hommes.

      Sur le vaste palier qui séparait la chambre de miss Havisham de l'autre chambre où était dressée la longue table, je vis une chaise de jardin, une de ces chaises légères montées sur des roues et qu'on pousse par derrière. On l'avait apportée là depuis ma dernière visite, et dès ce moment je fus chargé de pousser régulièrement miss Havisham, dans cette chaise, autour de sa chambre et autour de l'autre, quand elle se trouvait fatiguée de me pousser par l'épaule. Nous faisions ces voyages d'une chambre à l'autre sans interruption, quelquefois pendant trois heures de suite. Ces voyages ont dû être extrêmement nombreux, car il fut décidé que je viendrais tous les deux jours à midi pour remplir ces fonctions, et je me rappelle très bien que cela dura au moins huit ou dix mois.

      À mesure que nous nous familiarisions l'une avec l'autre, miss Havisham me parlait davantage et me faisait quelquefois des questions sur ce que je savais et sur ce que je comptais faire. Je lui dis que j'allais être l'apprenti de Joe; que je ne savais rien, et que j'avais besoin d'apprendre toute chose, avec l'espoir qu'elle m'aiderait à atteindre ce but tant désiré. Mais elle n'en fit rien; au contraire, elle semblait préférer me voir rester ignorant. Elle ne me donnait jamais d'argent, mais seulement mon dîner, et elle ne parla même jamais de me payer mes services.

      Estelle était toujours avec nous; c'était toujours elle qui me faisait entrer et sortir, mais elle ne m'invita plus jamais à l'embrasser. Quelquefois elle me tolérait, d'autres fois elle me montrait une certaine condescendance; tantôt elle était très familière avec moi, tantôt elle me disait énergiquement qu'elle me haïssait. Miss Havisham me demandait quelquefois tout bas et quand nous étions seuls: «Pip, n'est-elle pas de plus en plus jolie?» Et quand je lui répondais: «Oui,» ce qui était vrai, elle semblait s'en réjouir secrètement. Aussi, tandis que nous jouions aux cartes, miss Havisham nous regardait avec un bonheur d'avare, quels que pussent être les caprices d'Estelle. Et quand ces caprices devenaient si nombreux et si contradictoires que je ne savais plus que dire ni que faire, miss Havisham l'embrassait avec amour et lui murmurait dans l'oreille quelque chose qui sonnait comme ceci: «Désespérez-les tous, mon orgueil et mon espoir!.. désespérez-les tous sans remords!»

      Il y avait une chanson dont Joe se plaisait à fredonner des fragments pendant son travail, elle avait pour refrain: le vieux Clem. C'était, à vrai dire, une singulière manière de rendre hommage à un saint patron; mais, je crois bien que le vieux Clem lui-même ne se gênait pas beaucoup avec ses forgerons. C'était une chanson qui imitait le bruit du marteau sur l'enclume; ce qui excusait jusqu'à un certain point l'introduction du nom vénéré du vieux Clem. À la fin, on devait frapper son voisin d'un coup de poing en criant: «Battez, battez vieux Clem!.. Soufflez, soufflez le feu, vieux Clem!.. Grondez plus fort, élancez-vous plus haut!» Un jour, miss Havisham me dit, peu après avoir pris place dans sa chaise roulante, et en agitant ses doigts avec impatience:

      «Là!.. là!.. là!.. chante…»

      Je me mis à chanter tout en poussant la machine. Il arriva qu'elle y prît un certain goût, et qu'elle répétât tout en roulant autour de la grande table et de l'autre chambre. Souvent même Estelle se joignait à nous; mais nos accords étaient si réservés, qu'à nous trois nous faisions moins de bruit dans la vieille maison que le plus léger souffle du vent.

      Q'allais-je devenir avec un pareil entourage? Comment empêcher son influence sur mon caractère? Faut-il s'étonner si, de même que mes yeux, mes pensées étaient éblouies quand je sortais de ces chambres obscures pour me retrouver dehors à la clarté du jour?

      Peut-être me serais-je décidé à parler à Joe du jeune homme pâle, si je ne m'étais pas lancé d'abord dans ce dédale d'exagérations monstrueuses que j'ai déjà avouées. Je sentais parfaitement que Joe ne manquerait pas de voir dans ce jeune homme pâle un voyageur digne de monter dans le carrosse en velours noir. En conséquence je gardai sur lui le silence le plus profond. D'ailleurs, la frayeur qui m'avait saisi tout d'abord en voyant miss Havisham et Estelle se concerter, ne faisait qu'augmenter avec le temps. Je ne mis donc toute ma confiance qu'en Biddy, et c'est à elle seule que j'ouvris mon cœur. Pourquoi me parut-il naturel d'agir ainsi, et pourquoi Biddy prenait-elle un intérêt si grand à tout ce que je lui disais? Je l'ignorais alors, bien que je pense le savoir aujourd'hui.

      Pendant ce temps, les conciliabules allaient leur train dans la cuisine du logis, et mon pauvre esprit était agité et aigri des ennuis et des désagréments qui en résultaient toujours. Cet âne de Pumblechook avait coutume de venir le soir pour causer de moi et de mon avenir avec ma sœur, et je crois réellement (avec moins de repentir que je n'en devrais éprouver) que si alors j'avais pu ôter la clavette de l'essieu de sa voiture, je l'eusse fait avec plaisir. Ce misérable homme était si borné et d'une faiblesse d'esprit telle qu'il ne pouvait parler de moi et de ce que je deviendrais sans m'avoir devant


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