Les Quarante-Cinq — Tome 2. Dumas Alexandre

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Les Quarante-Cinq — Tome 2 - Dumas Alexandre


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d'Épernon? M. de Carmainges est un honnête homme et un fidèle serviteur.

      — Moi, sire, fit d'Épernon, Votre Majesté demande ce que je disais?

      — Oui; n'ai-je donc pas entendu le mot de cachot? Mordieu! tout au contraire, quand on rencontre par hasard un homme comme M. de Carmainges, il faudrait parler, comme chez les anciens Romains, de couronnes et de récompenses. La lettre est toujours à celui qui la porte, duc, ou à celui à qui on la porte.

      D'Épernon s'inclina en grommelant.

      — Vous porterez votre lettre, monsieur de Carmainges.

      — Mais sire, songez à ce qu'elle peut renfermer, dit d'Épernon. Ne jouons pas à la délicatesse, lorsqu'il s'agit de la vie de Votre Majesté.

      — Vous porterez votre lettre, monsieur de Carmainges, reprit le roi, sans répondre à son favori.

      — Merci, sire, dit Carmainges en se retirant.

      — Où la portez-vous?

      — A madame la duchesse de Montpensier; je croyais avoir eu l'honneur de le dire à Votre Majesté.

      — Je m'explique mal. A quelle adresse, voulais-je dire? est-ce à l'hôtel de Guise, à l'hôtel Saint-Denis ou à Bel...

      Un regard de d'Épernon arrêta le roi.

      — Je n'ai aucune instruction particulière de M. de Mayenne à ce sujet, sire; je porterai la lettre à l'hôtel de Guise, et là je saurai où est madame de Montpensier.

      — Alors vous vous mettrez en quête de la duchesse?

      — Oui, sire.

      — Et l'ayant trouvée?

      — Je lui rendrai mon message.

      — C'est cela. Maintenant, monsieur de Carmainges... Et le roi regarda fixement le jeune homme.

      — Sire?

      — Avez-vous juré ou promis autre chose à M. de Mayenne que de remettre cette lettre aux mains de sa soeur.

      — Non, sire.

      — Vous n'avez point promis, par exemple, insista le roi, quelque chose comme le secret sur l'endroit où vous pourriez rencontrer la duchesse?

      — Non, sire, je n'ai rien promis de pareil.

      — Je vous imposerai donc une seule condition, monsieur.

      — Sire, je suis l'esclave de Votre Majesté.

      — Vous rendrez cette lettre à madame de Montpensier, et aussitôt cette lettre rendue, vous viendrez me rejoindre à Vincennes où je serai ce soir.

      — Oui, sire.

      — Et où vous me rendrez un compte fidèle où vous aurez trouvé la duchesse.

      — Sire, Votre Majesté peut y compter.

      — Sans autre explication ni confidence, entendez-vous?

      — Sire, je le promets.

      — Quelle imprudence! fit le duc d'Épernon; oh! sire!

      — Vous ne vous connaissez pas en hommes, duc, ou du moins en certains hommes. Celui-ci est loyal envers Mayenne, donc il sera loyal envers moi.

      — Envers vous, sire! s'écria Ernauton, je serai plus que loyal, je serai dévoué.

      — Maintenant, d'Épernon, dit le roi, pas de querelles ici, et vous allez à l'instant même pardonner à ce brave serviteur ce que vous regardiez comme un manque de dévoûment, et ce que je regarde, moi, comme une preuve de loyauté.

      — Sire, dit Carmainges, M. le duc d'Épernon est un homme trop supérieur pour ne pas avoir vu au milieu de ma désobéissance à ses ordres, désobéissance dont je lui exprime tous mes regrets, combien je le respecte et l'aime; seulement, j'ai fait, avant toute chose, ce que je regardais comme mon devoir.

      — Parfandious! dit le duc en changeant de physionomie avec la même mobilité qu'un homme qui eût ôté ou mis un masque, voilà une épreuve qui vous fait honneur, mon cher Carmainges, et vous êtes en vérité un joli garçon: n'est-ce pas, Loignac? Mais, en attendant, nous lui avons fait une belle peur.

      Et le duc éclata de rire.

      Loignac tourna ses talons pour ne pas répondre: il ne se sentait pas, tout Gascon qu'il était, la force de mentir avec la même effronterie que son illustre chef.

      — C'était une épreuve? dit le roi avec doute; tant mieux, d'Épernon, si c'était une épreuve; mais je ne vous conseille pas ces épreuves-là avec tout le monde, trop de gens y succomberaient.

      — Tant mieux! répéta à son tour Carmainges, tant mieux, monsieur le duc, si c'est une épreuve; je suis sûr alors des bonnes grâces de monseigneur.

      Mais, tout en disant ces paroles, le jeune homme paraissait aussi peu disposé à croire que le roi.

      — Eh bien, maintenant que tout est fini, messieurs, dit Henri, partons.

      D'Épernon s'inclina.

      — Vous venez avec moi, duc?

      — C'est-à-dire que j'accompagne Votre Majesté à cheval; c'est l'ordre qu'elle a donné, je crois?

      — Oui. Qui tiendra l'autre portière? demanda Henri.

      — Un serviteur dévoué de Votre Majesté, dit d'Épernon: M. de Sainte-Maline. Et il regarda l'effet que ce nom produisait sur Ernauton.

      Maline. Et il regarda l'effet que ce nom produisait sur Ernauton.

      Ernauton demeura impassible.

      — Loignac, ajouta-t-il, appelez M. de Sainte-Maline.

      — Monsieur de Carmainges, dit le roi, qui comprit l'intention du duc d'Épernon, vous allez faire votre commission, n'est-ce pas, et revenir immédiatement à Vincennes?

      — Oui, sire.

      Et, Ernauton, malgré toute sa philosophie, partit assez heureux de ne point assister au triomphe qui allait si fort réjouir le coeur ambitieux de Sainte-Maline.

      XL

      LES SEPT PÉCHÉS DE MADELEINE

      Le roi avait jeté un coup d'oeil sur ses chevaux, et les voyant si vigoureux et si piaffants, il n'avait pas voulu courir seul le risque de la voiture; en conséquence, après avoir, comme nous l'avons vu, donné toute raison à Ernauton, il avait fait signe au duc de prendre place dans son carrosse.

      Loignac et Sainte-Maline prirent place à la portière: un seul piqueur courait en avant.

      Le duc était placé seul sur le devant de la massive machine, et le roi, avec tous ses chiens, s'installa sur le coussin du fond.

      Parmi tous ces chiens, il y avait un préféré: c'était celui que nous lui avons vu à la main dans sa loge de l'Hôtel-de-Ville, et qui avait un coussin particulier sur lequel il sommeillait doucement.

      A la droite du roi était une table dont les pieds étaient pris dans le plancher du carrosse: cette table était couverte de dessins enluminés que Sa Majesté découpait avec une adresse merveilleuse, malgré les cahots de la voiture.

      C'étaient, pour la plupart, des sujets de sainteté. Toutefois, comme à cette époque il se faisait, à l'endroit de la religion, un mélange assez tolérant des idées païennes, la mythologie n'était pas mal représentée dans les dessins religieux du roi.

      Pour le moment, Henri, toujours méthodique, avait fait un choix parmi tous ces dessins, et s'occupait à découper la vie de Madeleine la pécheresse.

      Le sujet prêtait par lui-même au pittoresque, et l'imagination


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