David Copperfield – Tome II. Чарльз Диккенс
Читать онлайн книгу.ni Peggotty ni moi nous ne nous amusâmes à le regarder, quand nous le vîmes accompagné de M. Murdstone. Ce personnage était très-peu changé. Ses cheveux étaient aussi épais et aussi noirs qu'autrefois, et son regard n'inspirait pas plus de confiance que par le passé.
«Ah! Copperfield, dit M. Spenlow, vous connaissez monsieur, je crois?»
Je saluai froidement M. Murdstone. Peggotty se borna à faire voir qu'elle le reconnaissait. Il fut d'abord un peu déconcerté de nous trouver tous les deux ensemble, mais il prit promptement son parti et s'approcha de moi.
«J'espère, dit-il, que vous allez bien?
– Cela ne peut guère vous intéresser, lui dis-je. Mais, si vous tenez à le savoir, oui.»
Nous nous regardâmes un moment, puis il s'adressa à Peggotty.
«Et vous, dit-il, je suis fâché de savoir que vous ayez perdu votre mari.
– Ce n'est pas le premier chagrin que j'aie eu dans ma vie, monsieur Murdstone, répliqua Peggotty en tremblant de la tête aux pieds. Seulement, j'ose espérer qu'il n'y a personne à en accuser cette fois, personne qui ait à se le reprocher.
– Ah! dit-il, c'est une grande consolation, vous avez accompli votre devoir?
– Je n'ai troublé la vie de personne, dit Peggotty. Grâce à Dieu! Non, monsieur Murdstone, je n'ai pas fait mourir de peur et de chagrin une pauvre petite créature pleine de bonté et de douceur.»
Il la regarda d'un air sombre, d'un air de remords, je crois, pendant un moment, puis il dit en se retournant de mon côté, mais en regardant mes pieds au lieu de regarder mon visage.
«Il n'est pas probable que nous nous rencontrions de longtemps, ce qui doit être un sujet de satisfaction pour tous deux, sans doute, car des rencontres comme celle-ci ne peuvent jamais être agréables. Je ne m'attends pas à ce que vous, qui vous êtes toujours révolté contre mon autorité légitime, quand je l'employais pour vous corriger et vous mener à bien, vous puissiez maintenant me témoigner quelque bonne volonté. Il y a entre nous une antipathie…
– Invétérée, lui dis-je en l'interrompant. Il sourit et me décocha le regard le plus méchant que pussent darder ses yeux noirs.
– Oui, vous étiez encore au berceau, qu'elle couvait déjà dans votre sein, dit-il: elle a assez empoisonné la vie de votre pauvre mère, vous avez raison. J'espère pourtant que vous vous conduirez mieux; j'espère que vous vous corrigerez.»
Ainsi finit notre dialogue à voix basse, dans un coin de la première pièce. Il entra après cela dans le cabinet de M. Spenlow, en disant tout haut, de sa voix la plus douce:
«Les hommes de votre profession, monsieur Spenlow, sont accoutumés aux discussions de famille, et ils savent combien elles sont toujours amères et compliquées.» Là-dessus il paya sa dispense, la reçut de M. Spenlow soigneusement pliée, et après une poignée de main et des voeux polis du procureur pour son bonheur et celui de sa future épouse, il quitta le bureau.
J'aurais peut-être eu plus de peine à garder le silence après ses derniers mots, si je n'avais pas été uniquement occupé de tâcher de persuader à Peggotty (qui n'était en colère qu'à cause de moi, la brave femme!) que nous n'étions pas en un lieu propre aux récriminations et que je la conjurais de se contenir. Elle était dans un tel état d'exaspération, que je fus enchanté d'en être quitte pour un de ses tendres embrassements. Je le devais sans doute à cette scène qui venait de réveiller en elle le souvenir de nos anciennes injures, et je soutins de mon mieux l'accolade en présence de M. Spenlow et de tous les clercs.
M. Spenlow n'avait pas l'air de savoir quel était le lien qui existait entre M. Murdstone et moi et j'en étais bien aise, car je ne pouvais supporter de le reconnaître moi-même, me souvenant comme je le faisais de l'histoire de ma pauvre mère. M. Spenlow semblait croire, s'il croyait quelque chose, qu'il s'agissait d'une différence d'opinion politique: que ma tante était à la tête du parti de l'État dans notre famille, et qu'il y avait un parti de l'opposition commandé par quelque autre personne: du moins ce fut la conclusion que je tirai de ce qu'il disait, pendant que nous attendions le compte de Peggotty que rédigeait M. Tiffey.
«Miss Trotwood, me dit-il, est très-ferme, et n'est pas disposée à céder à l'opposition, je crois. J'admire beaucoup son caractère, et je vous félicite, Copperfield, d'être du bon côté. Les querelles de famille sont fort à regretter, mais elles sont très- communes, et la grande affaire est d'être du bon côté.»
Voulant dire par là, je suppose, du côté de l'argent.
«Il fait là, à ce que je puis croire, un assez bon mariage, dit M. Spenlow.»
Je lui expliquai que je n'en savais rien du tout.
«Vraiment? dit-il. D'après les quelques mots que M. Murdstone a laissé échapper, comme cela arrive ordinairement en pareil cas, et d'après ce que miss Murdstone m'a laissé entendre de son côté, il me semble que c'est un assez bon mariage.
– Voulez-vous dire qu'il y a de l'argent, monsieur, demandai-je.
– Oui, dit M. Spenlow, il parait qu'il y a de l'argent, et de la beauté aussi, dit-on.
– Vraiment? sa nouvelle femme est-elle jeune?
– Elle vient d'atteindre sa majorité, dit M. Spenlow. Il y a si peu de temps que je pense bien qu'ils n'attendaient que ça.
– Dieu ait pitié d'elle!» dit Peggotty si brusquement et d'un ton si pénétré que nous en fûmes tous un peu troublés, jusqu'au moment où Tiffey arriva avec le compte.
Il apparut bientôt et tendit le papier à M. Spenlow pour qu'il le vérifiât. M. Spenlow rentra son menton dans sa cravate, puis le frottant doucement, il relut tous les articles d'un bout à l'autre, de l'air d'un homme qui voudrait bien en rabattre quelque chose, mais que voulez-vous, c'était la faute de ce diable de M. Jorkins: puis il la remit à Tiffey avec un petit soupir.
«Oui, dit-il, c'est en règle, parfaitement en règle. J'aurais été très-heureux de réduire les dépenses à nos déboursés purs et simples, mais vous savez que c'est une des nécessités pénibles de ma vie d'affaires que de n'avoir pas la liberté de consulter mes propres désirs. J'ai un associé, M. Jorkins.»
Comme il parlait ainsi avec une douce mélancolie qui équivalait presque à avoir fait nos affaires gratis, je le remerciai au nom de Peggotty et je remis les billets de banque à Tiffey. Peggotty retourna ensuite chez elle, et M. Spenlow et moi, nous nous rendîmes à la Cour, où se présentait une affaire de divorce au nom d'une petite loi très-ingénieuse, qu'on a abolie depuis, je crois, mais grâce à laquelle j'ai vu annuler plusieurs mariages; et dont voici quel était le mérite. Le mari, dont le nom était Thomas Benjamin, avait pris une autorisation pour la publication des bans sous le nom de Thomas seulement, supprimant le Benjamin pour le cas où il ne trouverait pas la situation aussi agréable qu'il l'espérait. Or, ne trouvant pas la situation très-agréable, ou peut-être un peu las de sa femme, le pauvre homme, il se présentait alors devant la Cour par l'entremise d'un ami, après un an ou deux de mariage, et déclarait que son nom était Thomas Benjamin, et que par conséquent il n'était pas marié du tout. Ce que la Cour confirma à sa grande satisfaction.
Je dois dire que j'avais quelques doutes sur la justice absolue de cette procédure, et que le boisseau de froment qui raccommode toutes les anomalies, au dire de M. Spenlow, ne put les dissiper tout à fait. Mais M. Spenlow discuta la question avec moi: «Voyez le monde, disait-il, il y a du bien et du mal; voyez la législation ecclésiastique, il y a du bien et du mal; mais tout cela fait partie d'un système. Très-bien. Voilà!»
Je n'eus pas le courage de suggérer au père de Dora que peut-être il ne nous serait pas impossible de faire quelques changements heureux même dans le monde, si on se levait de bonne heure, et si on se retroussait les manches pour se mettre vaillamment à la besogne, mais j'avouai qu'il me semblait qu'on pourrait apporter quelques changements heureux dans la Cour. M. Spenlow me répondit qu'il m'engageait fortement à bannir de mon esprit cette idée qui n'était pas digne de mon caractère élevé, mais qu'il serait bien aise